Expérience singulière imaginée et choyée par Battlestate Games, un studio russe basé à Saint-Pétersbourg, Escape From Tarkov défend une vision progressiste et exigeante du jeu vidéo. A l'image des nombreux jeux lancés en accès anticipé, ce FPS se dote semaine après semaine des moyens de ses ambitions via une longue phase de Bêta. Mais ce périple survivaliste est-il à l'heure actuelle à la hauteur des attentes des joueurs ? La promesse d'une aventure saisissante et sans concession est-elle tenue ? Réponse le souffle coupé et les mains tremblantes.
Ce jeu est disponible en accès anticipé (Bêta). Son contenu est donc susceptible d’évoluer significativement dans un avenir proche. Le test de la rédaction est valable pour la version 0.5.4.823 évaluée le 10/01/2018 et sera mis à jour si nécessaire.
Bons baisers de Russie
La ville de Tarkov n'est plus qu'un champ de ruines. Autrefois fourmillante de vie, cette cité imaginaire et prospère de la mère patrie située dans la région fictive de Norvinsk a cessé d'être. Suite à un scandale qui a dégénéré en conflit armé impliquant casques bleus de l’ONU, troupes du ministère de l’intérieur et compagnies militaires privées, la zone a été bouclée laissant les citoyens isolés au cœur d’un conflit local armé. Vous incarnez un soldat de l’une des deux sociétés paramilitaires mentionnées précédemment (BEAR / USEC) avec pour seuls objectifs de survivre coûte que coûte et de glaner des indices afin d’éclaircir le mystère entourant la ville de Tarkov.
Fortement inspiré de l’excellent S.T.A.L.K.E.R. les mutants en moins, Escape From Tarkov séduit par son contexte apocalyptique et ce sentiment oppressant de fin du monde qui se dégage d'une ville privée de la simple notion d'existence. Sur le papier, Battlestate Games nous promet une investigation l'arme à la main. EFT pour les intimes se prive pourtant d'une narration traditionnelle pour laisser le lore libre de ses mouvements et pousser le joueur à l'exploration en disséminant ici et là informations et anecdotes. Malheureusement, l'artificialité qui se dégage d'un tel procédé empêche le survivant de s'épanouir par le récit de par l’absence de réel scénario.
Fidèle aux tons et aux architectures slaves, Tarkov épouse les nuances de gris et se compose d'une suite de bâtiments industriels et de logements sociaux caractéristiques de l'ère communiste, mais pas seulement. Tarkov s'étend sur plusieurs kilomètres riches d'un panel varié d'environnements. Bord de mer, entrepôts, rase campagne, zones résidentielle... le dépaysement est total. Reproché à EFT d’être terne et gris n’a foncièrement aucun sens tant Tarkov paraît crédible aux yeux des occidentaux et des autochtones. Les séquelles de l’ex URSS et son urbanisation forcée sont criantes de vérité et imprègnent le titre d’une aura toute particulière.
Techniquement, Espace From Tarkov se permet quelques péchés de jeunesse. Au-delà de l’aliasing et de quelques baisses de framerate (bien que le titre soit fluide dans son ensemble), EFT souffle le chaud et le froid. Textures tantôt réalistes tantôt sommaires, éclairages manquant parfois de créativité, répétitions forcenées des mêmes assets (station service, voiture, entrepôts…)... ces détails jurent face au soin apporté à l’ambiance et à la ville de Tarkov dans son ensemble. Pourtant, parcourir les hectares de Tarkov sous un feu nourri est fort plaisant et propice à une survie acharnée… bien que les zones ouvertes aux “visiteurs” soient actuellement limitées (Customs, Shoreline, Factory, Woods).
La chasse aux Scavengers est ouverte !
Le maître de guerre
"On veut du hardcore... jusqu'à la mort." Vous en aurez pour votre oseille et vos oreilles siffleront au doux son de ce «Takatakatak» si caractéristique d'un AK-47 crachant son plomb sur votre carcasse gisant sans vie à terre. Escape From Tarkov n'est pas un pied tendre. Ce FPS a fait crève-cœur et se gargarise au napalm. Vous mordrez la poussière et mangerez les pissenlits par la racine à maintes reprises avant de voir la lumière au bout du tunnel. Et vous en redemanderez. Austère et sans concession, le terme “Hardcore” définit à la perfection le titre de Battlestate Games. Tarkov n’est pas une terre d’accueil et vous l’apprendrez à vos dépens.
Les affrontements y sont intenses. Aucune envolée lyrique à prévoir, mais des échanges de tirs sporadiques. A l’affût du moindre bruit, du moindre pixel qui dépasse, vous êtes constamment sur vos gardes à chaque instant. Et la principale force d’Escape From Tarkov réside dans cette atmosphère lourde et cette appréhension qui vous cloue de peur derrière un mur. La mort attend patiemment au détour d’une allée. 2-3 balle sont souvent suffisantes pour mettre à terre un ennemi et le système de soin accentue l’aspect réaliste qui se dégage du titre. Aucune régénération automatique ici, il faut utiliser des trousses de soin, des bandages, de la morphine, des atèles... selon le type de blessure pour pouvoir continuer votre expédition. Pire encore, à force de crapahuter dans les bois, votre avatar se déshydrate alors que la faim lui tiraille l’estomac. Assoiffé et/ou affamé, votre vue se brouille et votre endurance se réduit à peau de chagrin. EFT pousse la survie dans ses retranchements. Les survivants en herbe seront aux anges.
Tarkov recèle bien des secrets qu’il faut découvrir raid après raid. Impossible de quitter la zone sans rejoindre des points d’extraction précis souvent inconnus des néophytes. Apprendre sur le tas, devenir familier des lieux et marqués manuellement les points d'intérêt sur des cartes achetées ou dénichées sur place, voici la manière efficace de visiter cette cité russe sur le déclin. L’information est la clé du succès et la connaissance des différentes zones de Tarkov fera toute la différence. Il est ainsi possible de parcourir la ville dans la peau d’un charognard (Scavenger) dont l'équipement est défini par le jeu et non par vos soins. Une manière idéale de s’habituer au lieu sans risquer de périr avec son avatar.
Lord of War
Pourquoi risquer sa vie ? Pour une gloire éphémère devant l’Eternel ? Escape From Tarkov mise sur l’appel du Loot pour motiver les troupes. Infiltrer une zone est un risque, un pari lors duquel vous misez une arme, une armure, des lunettes de vision nocturne… dans l’espoir d’avoir un retour sur investissement substantiel. Mourir en mission signifie perdre tous ses équipements ainsi que les items glanés en chemin (argents, pièces d’arme, nourriture…). Il est cependant possible d’assurer votre matériel de départ à condition que le raid se termine sans que ce dernier n’ait été ramassé par un autre joueur. Vous reviendrez souvent du champ de bataille dans un sac mortuaire, mais parfois votre héroïsme, votre courage (et votre chance) s’aligneront et vous sortirez vivant de ce charnier à ciel ouvert. Car les ennemis sont hostiles et incarnés à la fois par des humains appartenant aux deux factions, mais également par des Scavengers à l’intelligence artificielle sommaire (N.B. de véritables joueurs se cachent au sein des Scavs).
Tout cela nourrit un objectif précis, celui de répondre aux exigences des marchands qui profitent du malheur de Tarkov pour se remplir les poches. Le troque et la vente occupent l’essentiel de leur temps et ces derniers vous confieront de nombreuses tâches à accomplir. Prenant la forme de quêtes “Fedex”, ces missions n’ont rien de véritablement originales. Une fois acceptées, divers objets uniques apparaissent sur l’une des cartes. Le retrouver, s’extraire vivant de la zone et le rapporter sera récompensé par des Roubles, des Dollars, mais aussi des armes et des items. Livreur post-apocalyptique… tel est votre credo.
Votre puissance de feu augmente à mesure que vos compétences grandissent et que votre portefeuille s’épaissit. Battlestate Games aime les armes sans en faire à proprement parler l’apologie. Et Escape From Tarkov élève le concept la pétoire au rang d’Art. Une trentaine de fusils d’assaut / de chasse / de sniper, de SMG et de pistolets sont parfaitement intégrés dans le jeu. Du visuel au comportement, la fidélité au modèle d’origine est bluffante et la customisation de ces armes est au cœur de l’expérience. Silencieux, chargeurs, lunettes, crosses… toutes les armes accueillent de nombreuses pièces détachées pour améliorer leurs performances. Et le studio pousse le vice à son paroxysme en multipliant les types de munition avec pour aspiration un réalisme poussé à l’extrême. Malheureusement, le système d’inventaire est assez rudimentaire et nécessite des dizaines de manipulations pour ranger, trier la montagne de matériel entassé tout au long de l’aventure.
L’équipement ne fait cependant pas tout et votre avatar s’endurcit à mesure que vous arpentez la ville de Tarkov. Et le système de compétences est à l’image du jeu dans son entièreté. Le sacro-saint réalisme pour sacerdoce ! Courir augmente votre endurance. Encaisser les coups accroît votre résistance. Se soigner, examiner des objets, défoncer des portes… l’ensemble de vos actes a des conséquences directes sur votre métabolisme et vos compétences. Aucun point d’expérience à répartir. Votre montée en puissance se fait de manière organique et se veut le miroir de votre aventure. Et le leveling n’est pas en reste. Vos actes de bravoure ont une finalité purement mathématique. Un gain d’EXP conclut vos raids et assure une montée progressive (et conventionnelle) en niveau. Une manière claire et accessible de traduire votre progression sans jurer avec ce réalisme tant recherché.
Frères d'armes
La survie passe bien souvent par la coopération et cela ne saurait être plus vrai dans Escape From tarkov bien que celle-ci ne soit pas encore 100% implémentée dans la version actuellement mise en ligne. L’intégralité du système de factions n’est pour le moment qu’un écran de fumée présent pour appuyer un sentiment d’appartenance artificiel. BEAR ou USEC… peu importe. La majorité des joueurs tirent à vue sans prendre le temps de scruter l’écusson brodé sur votre treillis. Aucune sanction ne tombe lorsqu’un joueur élimine un allié. Battlestate Games travaille sur ce point. L’espoir est donc de mise.
Et ce FPS s’est doté d’un système de groupe temporaire pour palier à ce problème. Le Matchmaking offre l’opportunité d’inviter des joueurs (4 maximum) à vous rejoindre. Et la plus-value est indéniable. Coopérer, couvrir un angle mort en attendant que votre coéquipier fouille un cadavre, avancer de concert, se protéger des dangers rôdant aux alentours… Escape From Tarkov y gagne considérablement au change et entretient l’espoir d’un jeu à la fois compétitif et coopératif. C'est bien connu. A plusieurs c'est toujours meilleur !
Points forts
- L'intensité et la violence des affrontements armés
- Un univers en guerre crédible et oppressant
- Une expérience survivaliste exigeante et réaliste (points d'extraction, soin, compétences...)
- Une gestion complexe des armes et des équipements
Points faibles
- Une réalisation technique à quelques encablures des standards actuels
- Un monde ouvert trop statique
- L'absence remarquée du système de factions forçant la coopération
- Un récit d'anticipation sous-exploité
Escape From Tarkov ne laissera personne indifférent et divisera à n'en pas douter la communauté des joueurs. Ce FPS survivaliste hardcore exige abnégation et patience, et le dompter n'est pas chose aisée. Mécaniques de gameplay intransigeantes, intensité des gunfights et univers apocalyptique singulier, le titre de Battlestate Games est un survivant dans l'âme et s'impose comme une alternative crédible face à l'archétype du FPS moderne. Malheureusement, deux aspects laissent encore à désirer concernant cette version 0.5.4.823. La sous-exploitation d’un lore prometteur et une réalisation en deçà des standards actuels offrent au studio l'opportunité d'améliorer sa formule dans les mois à venir.