Incontournable de l'année 2015, le jeu français Life is Strange accueillait en cette année 2017 une préquelle réalisée par un studio américain. Nous nous sommes donc penchés sur ce titre dont la mission n'était pas du tout évidente...
Notre Gaming Live de Life is Strange Before the Storm - Episode 1
Attention, vous vous apprêtez à lire un test complet de la préquelle de Life is Strange. Si vous ne connaissez pas la saga, nous ne pouvons que vous recommander l'essai de Life is Strange saison 1 et la lecture du test complet disponible ci-dessous. Cet article dresse un bilan des trois épisodes de Before the Storm sans trop spoiler ce dernier, si ce n'est en évoquant les différents thèmes qu'il aborde et le jugement que nous avons à l'égard du titre après l'avoir terminé.
Lire le test de Life is Strange saison 1
Deux années après avoir enchanté les amateurs de jeux au format épisodique, Life is Strange nous revint donc en trois épisodes pour cette seconde moitié de l'année 2017. La petite production de DONTNOD qui avait créé la surprise en suscitant l’intérêt de millions de fans à travers le monde grâce à son originalité et à sa saveur si particulière est désormais une franchise des plus intéressantes pour SquareEnix.
L'éditeur a depuis mis les petits plats dans les grands pour continuer l'aventure avec un "Life is Strange 2", d'ores et déjà en chantier chez les français de DONTNOD, papas de la série, mais a également commandé au studio DeckNine une préquelle, intitulée Before The Storm, histoire d'entretenir la licence et sa communauté. Antérieur aux aventures de Max et Chloé, ce spin-off s'articule autour de l'intime relation que nouaient jadis cette dernière et Rachel Ambers, dont la disparition est l'un des éléments déclencheurs de la trame narrative de Life is Strange. La question est aujourd'hui de savoir si les petits gars de DeckNine se sont montrés à la hauteur de leurs ambitions et du très bon titre de DONTNOD...
Ca à le gout de Life is Strange, ça sent comme Life is Strange... Mais...
Dans la mesure où l'on ne peut s’empêcher de comparer une "suite" à ce qui l'a précédé, une grande partie de cet article sera dédié à ce qui ne va pas vraiment dans Before the Storm, à ce qui le positionne en dessous de Life is Strange, sans pour autant que cela n'en fasse une mauvaise expérience. Puisqu'il s'adresse avant tout aux fans de la première saison, il nous apparaît important d'insister sur les soucis et déceptions afin que notre test soit le plus pertinent possible. Gardons donc simplement en tête qu'il est toujours plus long d'écrire sur ce qui ne va pas que de saluer ce qui est correctement exécuté.
L'un des éléments les plus flagrants lorsqu'on ressort de Before the Storm, c'est que la copie rendue par DeckNine est en tout points bien moins réussie et moins marquante que ne l'était son aînée. Qu'il s'agisse des graphismes, de la mise en scène, de l'écriture, de l'ambiance, du rythme, de la bande son et du game design, nous ne sommes ici que trop rarement face à des séquences qui titillent le niveau de celles de Life is Strange, à tel point que l'aura de la saga en devenir s'en retrouve quelque peu tiédie...
Imiter n'est pas égaler
Les choix technique de DeckNine avec, en tête de liste, l'usage du moteur Unity au lieu de l'Unreal Engine 3 qui officiait sur Life is Strange, sont assez discutables et l'on est malheureusement contraint de s'immerger dans des environnements à l'habillage plus froids, moins détaillés, moins animés, bref, moins vivants qu'auparavant. On perd au passage cet aspect pastel auquel succède un rendu plus plastique et bien moins soigné. Les extérieurs de pleine nature, tout particulièrement, ont ce rendu "cartonné" et stérile qui jure franchement en 2017.
Il en va de même pour les modèles de personnages qui, couplés aux animations et à l'acting parfois bien pauvre, n'aident pas vraiment à s'arrimer aux personnages, un épineux problème pour un jeu qui mise en grande partie sur ces derniers. La régression technique et surtout esthétique de Life is Strange, incarnée par ce Before the Storm, est donc une première déception. Alors oui, musicalement, la bande son rock indé' fait son petit effet et la tracklist, avec pas mal de titres du très bon groupe Daughter, est bien là. Toutefois, on est loin de la qualité et surtout de la variété de l'OST du premier Life is Strange.
Sans surnaturel et retours dans le temps : que reste-t-il ?
La seconde déception est liée au rythme du jeu. Là où la première saison savait mêler surnaturel et instants de vie du quotidien, dans lesquels les retours dans le temps permettaient d'assister à des scènes amusantes et de ne pas perdre une miette des diverses mises en scène proposées, Before the Storm n'a rien d'astucieux pour dynamiser ses séquences et les rendre unique. Ici, les PNJ attendent, ne font rien. Ils participent en quelques sortes à cette stérilité de l'environnement dans lequel on évolue. Les dialogues incarnent donc les rares moments de vie pour les personnages et s’enchaînent malheureusement assez lentement en plus d'être parfois remplis de banalités. Pourtant, le charme de la ville d'Arcadia Bay et de son ambiance typique y est encore, le souci réside dans le fait qu'on a déjà vu ça... et que c'était mieux avant.
On se traînera donc d'un coin à l'autre d'Arcadia Bay, la plupart du temps sans trop d'objectif mis à part passer le temps, faire de la mécanique, aller voir le dealer, sécher les cours, fuir le conflit parental et zoner avec Rachel. Même l'immense incendie de forêt, que l'on espérait être le fil rouge tragique de la saison, n'est en réalité qu'un feu de paille qui vient de temps en temps nous rappeler que Before the Storm n'est pas vraiment Life is Strange et n'hérite qu'à de trop rare occasions de sa science.
Miser sur le mauvais cheval...
Pourtant, les thèmes abordés par les trois épisodes sont tout aussi matures que ceux de la saison 1, voire même un peu plus... On fait face notamment à la perte d'un parent, au passage à l'âge adulte, au rapport à la drogue, à la déscolarisation ou encore à la découverte de l'amitié et de l'amour. Notre petite teigne de Chloé va donc vivre des moments marquants de sa vie à travers la rencontre avec sa future amie Rachel, avec qui une relation complexe et plutôt bien écrite va s'installer au fil des deux premiers épisodes. Puis, c'est la quête d'identité de Rachel, dont le passé regorge de surprises, qui nous occupe jusqu'à la fin du titre.
Bien qu'étant globalement réussi, ce second pan de l'histoire n'a que trop peu d'intérêt pour le joueur dans le sens où ce qui nous intéresse reste avant tout la construction du personnage de Chloé, forgé par son rejet de l'académie de Blackwell, par son idylle naissante et par le conflit qui l'oppose à David Madsen, nouvelle homme du foyer depuis la mort du père de notre héroïne. C'est donc en toute logique que l'épisode le plus marquant est le second : il nous présente l'amitié, l'amour, et nous tease le côté sombre de la vie de Rachel.
Des épisodes très inégaux
Avant ce second épisode, c'est un peu "vie ma vie de jeune rebelle" dans un épisode 1 duquel on retiendra la très bonne partie de JDR, les rêves morbides de Chloé, la "scène de l'arbre" ou encore le concert de rock d'ouverture dont la mise en scène léchée trahit le fait que cette séquence ait été utilisée pour la promotion du jeu. Quant à l'épisode de clôture, il s'avère assez fade, propose beaucoup de redite et focalise presque toutes ses forces sur la quête de Rachel. D'ailleurs, l'épilogue est à l'image de l'épisode 3 : expéditif et sans trop d’intérêt. Même le choix moral qu'on nous met face au visage dans les derniers instants de jeu ne sert à rien, si ce n'est déclencher l'intégration d'une ou deux mini-séquences dans le mash-up final de petites vidéos de conclusion.
Précisons également au passage que le jeu proposera "début 2018" un ultime épisode, "Farewell" dans lequel on incarnera Max. Manque de bol, Square Enix réserve ce 4ème opus aux joueurs ayant fait l'acquisition de l'édition Deluxe, une pratique très critiquée par la communauté, et l'on comprend aisément pourquoi, surtout quand on reste sur notre faim après les 3 premiers épisodes.
Le clash verbal : une fausse bonne idée
Avant de conclure, il est important d'aborder la seule nouvelle feature qu'apporte Before the Storm : le système de clash verbal. Ce dernier permet à Chloé de se dépêtrer d'une situation en dégainant les bonnes punchlines. Concrètement, on dispose lors de ces séquences de trois choix de dialogue, et il faudra choisir assez vite pour répondre avec des répliques cinglantes. Si le choix est adéquat, Chloé marquera un point supplémentaire dans la "battle", vous devrez donc enchainer trois ou quatre punchline pour gagner votre duel et forcer la main à votre interlocuteur.
Et si le tout fonctionne bien sur le papier, ce n'est malheureusement pas du tout le cas dans le jeu, la faute aux traductions qui rendent le tout très aléatoire. Non seulement les punchline en anglais fonctionnent souvent grâce à des mots clés et à des jeux de mots, dont la traduction est un casse-tête, mais il est en plus très difficile d'anticiper en quelques secondes ce que va dire Chloé lorsqu'on est face à un choix de trois courtes suites de mots. Bref, ça ne prend pas, et on ne tire aucune satisfaction de ce système, juste de la frustration lorsqu'on échoue et de l'incompréhension lorsqu'on réussit.
Notre Gaming Live de Life is Strange - Before the Storm Episode 2
Points forts
- La première moitié de l'aventure focalisée sur la relation entre Chloé et Rachel
- Certaines séquences réussies (les rêves, la pièce de théâtre, le JDR, l'opening title de l'épisode 2...)
- Toujours autant de petits documents à lire (affiches, textos, "journal intime", mails...)
- La tracklist chaperonnée par Daughter
Points faibles
- Grosses lacunes techniques et esthétiques par rapport à Life is Strange
- L'absence de pouvoirs fige littéralement les PNJ : le monde manque cruellement de vie
- Système de duel verbal qui ne prend pas du tout
- Choix moraux peu nombreux et sans grandes conséquences
- Episode 3 vite expédié et final décevant
- Beaucoup de recyclage de décors
- Un épisode ultime avec Max... réservé à l'édition Deluxe...
Proposant une dizaine d'heures de jeu et une quinzaine si on fouille un peu tout, Before the Storm est une préquelle pas vraiment essentielle de Life is Strange. L'écriture, la mise en scène, la technique et le gameplay sont en deçà de ce que nous avait proposé il y a deux ans le studio DONTNOD et l'on retournera à Arcadia Bay par nostalgie plus que par excitation une fois le premier épisode ingéré. Fort heureusement, le second des trois opus que compose cette trame principale est assez réussi et nous offrira quelques moments mémorables. Malheureusement pour le joueur, le scénario se focalisera par la suite sur la quête d'identité de Rachel et non sur l'histoire qu'entretient cette dernière avec notre chère Chloé. Cette nouvelle intrigue, relativement inutile lorsqu'on connait l'issue de tout ceci, monopolise littéralement l'attention du joueur durant la seconde moitié du jeu, ce qui rend le tout assez dispensable. Dommage.