A l’orée du 21ème siècle, l’éditeur Infogrames et le studio Appeal Software se sont imposés sur la scène "Science-Fiction" avec un jeu d’action-aventure au scénario prenant et à la réalisation bluffante pour l’époque. 18 ans plus tard, Bigben Interactive ressort de ses récents cartons ce chef d’oeuvre noté 19/20 par jeuxvideo.com dans l’espoir de séduire les nostalgiques et profiter de la vague de remakes qui inonde le marché du jeu vidéo. Sobrement sous-titré Outcast : Second Contact, ce dernier s’efforce de rattraper 2 décennies passées à végéter. Et ce voyage temporel présente bien des risques. Outcast est-il arrivé à destination sans encombre ? Rien n’est moins sûr.
Un voyage aux origines de la science-fiction
L’univers imaginé dans les années 90’s par les créatifs et scénaristes du studio Appeal n’a pas pris une ride. La complexité du lore saute aux yeux et c’est avec plaisir que nous parcourons une nouvelle fois les plaines et vallées de la planète Adelpha. Car Outcast ne se déroule pas sur Terre, ni même dans notre univers. Le titre nous propulse dans les méandres du multivers à des années inter-dimensionnelles de notre bonne vieille Terre dans la peau de Cutter Slade, un ancien soldat envoyé “vers l’infini et au-delà” avec pour mission d’escorter 3 scientifiques. Avec une voix reconnaissable entre toutes (acteur de doublage officiel de Bruce Willis) et des conversations entièrement doublées en français (près de 15h de doublage), '''Second Contact hérite des atouts de son aîné, mais souffre d’un récit piochant dans des références désormais éculées (Star Trek, Star Wars, Indiana Jones, Stargate, Sliders…) et au final peu inspiré, bien que certains rebondissements continuent de nous surprendre en 2017.
Tolkien l’a fait pour son oeuvre Le Seigneur des Anneaux (et autres livres associés) et Outcast lui emboîte le pas. Pour crédibiliser l’univers et donner voix aux Talans - ces êtres doués de conscience peuplant le monde d’Adelpha - les scénaristes du studio Appeal ont imaginé un champ lexical complet. Les mots ont une importance et une véritable incidence sur l’aventure. Sans jamais pousser le vice jusqu’à implémenter un système de dialogues à choix multiples, l’expérience se forge au gré des conversations et de la découverte des lieux. Aucun guide ici-bas, il faut récolter divers indices auprès de la population et trouver les réponses par nos propres moyens. Des énigmes font obstacle à notre progression et les résoudre demande bien souvent de prendre le temps de la réflexion, de relire encore et encore les informations glanées en chemin, de les recouper… quitte à les poser sur papier IRL (In Real Life).
Outcast était et reste une plongée sans filet dans un univers hostile et inconnu. Les Talans bien que pacifiques par essence n’en demeurent pas moins de redoutables guerriers et il faut bien souvent employer la manière forte pour sortir d’une situation mal engagée. Cutter Slade est un homme de principe et crache le plomb quand nécessité fait loi. S’infiltrer et se faufiler est une autre possibilité et évite de passer des heures à éliminer des sacs à PV (Points de Vie). Car les affrontements ne sont que trop peu attractifs à l’heure des jeux de tir à la troisième personne nerveux et tactiques. Ces derniers manquent cruellement de dynamisme au point de préférer contourner le danger quand cela s'avère possible. Et, notre héros s’équipe au fil de l'aventure pour faire face à une menace toujours plus grande. 6 armes évolutives et 10 gadgets ouvrent le champ des possibles, et le plaisir d’aborder une situation comme bon nous semble constitue l’une des forces principales du jeu.
Balade dans la région de Shamazaar
Je vous parle d’un temps...
… que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Les anciens le savent. L’Enfer est pavé de bonnes intentions et nous ne pouvons retirer à Bigben Interactive sa bonne volonté. Visuellement, Outcast : Second Contact est à des années lumières de la version de 1999. La restauration est indéniable et mérite d’être soulignée. Les modèles 3D, les animations des personnages, les environnements, les éclairages… il se dégage de ce remake un amour du matériau d’origine. Malheureusement, Second Contact ne tient pas la comparaison ne serait-ce qu'une seconde face aux mondes ouverts modernes. Assassin's Creed Origins, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, Horizon : Zero Dawn, Grand Theft Auto V… les Open World occupent le devant de la scène et les éditeurs déploient des trésors d’ingéniosité pour insuffler la vie à leur progéniture là où le statisme de la planète Adelpha fait peine à voir. Cette carte postale extra-dimensionnelle n’est sauvée des eaux que par cette douce nostalgie se dégageant des 5 régions qui composent ce monde. Une bien maigre consolation au final !
Au rang des nouveautés consenties par ce remake, la nouvelle introduction réalisée en 2D pour l’occasion devrait ravir et/ou surprendre les fans de la première heure. Et la refonte de l’interface et des menus est à mettre au crédit des développeurs. En lorgnant entres autres sur Tom Clancy's The Division, les menus gagnent en clarté et en accessibilité que ce soit à la manette ou au clavier/souris. Hélas le rendu des conversations n’a rien de tape à l’oeil. Second Contact se satisfait de pauvres aplats grisâtres. Il se dégage de l’U.I (interface utilisateur) une impression désagréable de prototype. Cet Outcast version 2017 fera sans doute de l’oeil aux joueurs n’ayant jamais parcouru Adelpha il y a de cela 18 ans… et encore.
Une introduction 2D séduisante
Points forts
- Un récit S-F interdimensionnel riche et captivant...
- L'exploration d'un monde étrange et envoûtant
- La refonte de l'interface et des menus
- Une nouvelle introduction 2D séduisante
Points faibles
- ... malgré une plume classique privée du sens de la démesure
- Une réalisation à des années lumières des standards de 2017 (graphismes, mise en scène, animations...)
- Un monde ouvert démuni et figé
- Des mécaniques de gameplay obsolètes
Outcast était un grand jeu, une aventure gravée au “Cutter” dans la mémoire des joueurs. Mais certains souvenirs sublimés par le temps gagnent à rester enfouis dans notre cerveau. Il n'est pas toujours bon de fouiller dans le passé et Second Contact en est une preuve édifiante. Malgré de bonnes intentions et des qualités qui ont fait de ce jeu un incontournable de la S-F, cette visite modernisée de la planète Adelpha peine à sortir la tête de l'eau. Outcast est tout simplement dépassé dans tous les domaines. Un remake enchaîné aux années 90's à oublier... au profit de la version originale.