Streets of Rage, Guardian Heroes, Golden Axe... Si le simple fait d'évoquer ces titres suffit à titiller votre nostalgie, Wulverblade requiert sans doute votre attention. Dans la lignée de ces beat'em up cultes des années 90, ou de Castle Crashers pour citer un exemple récent, le jeu des Britanniques de Fully Illustrated nous sert sur un plateau des hordes de Romains à massacrer sauvagement, des décors en side-scrolling, une bonne dose de challenge et de la coopération, avec en toile de fond une forte dimension historique. Prenez les armes, direction le nord de la Bretagne insulaire aux côtés des tribus Pictes pour une expérience résolument arcade.
Les irréductibles Pictes
Dès les premiers instants de jeu, Wulverblade renvoie aux illustres titres dont il s'inspire ouvertement. Ancré scénaristiquement aux alentours de 120 après Jésus-Christ, avant la fondation du mur d'Hadrien, il nous place dans les sandales de guerriers Pictes résistant à l'invasion des Romains sur leurs terres du nord de l'Angleterre, façon Astérix et Obélix. À la différence près que leur manière de résister consiste à démembrer violemment leurs ennemis. Qu'on se le dise, le gameplay est brutal et l'on assiste en permanence à une tempête sanglante de jambes et de têtes coupées, quel que soit le personnage que l'on décide d'incarner.
Pas de surprise de ce côté là : il y a Brennus, le géant bourrin faisant le plus de dégâts, Guinevere, la plus agile et aérienne du groupe, ainsi que Caradoc, personnage aux statistiques équilibrées que l'on aperçoit le plus souvent dans les cinématiques du jeu, intégralement doublées avec un "british accent" de circonstance. Celles-ci accompagnent chacun des huit niveaux du jeu et servent à poser le contexte narratif. Si le scénario n'est pas des plus passionnants, on constate rapidement que Michael Heald, le directeur créatif, a mis à profit toute sa passion pour le passé de son pays afin d'offrir une véritable leçon d'histoire basée sur un travail de recherche colossal. Notes illustrés en photos, concept art, vidéos en prise de vue réelle... les collectionneurs d'éléments optionnels cachés et d'Histoire sont servis. Un conseil tout de même : préparez vos lunettes, la police des textes, non traduits en Français, est ridiculement petite sur l'écran de la Nintendo Switch.
Pour enrober tout cela, la direction artistique façon bande-dessinée rappelant l'esthétique des titres de Klei Entertainment (Shank) couplée à une bande-son folklorique fonctionnent plutôt bien... à condition de supporter d'entendre le même morceau en boucle pendant la vingtaine de minutes nécessaires afin de terminer un niveau. Même si l'on reste toujours dans un registre de couleurs ternes, les décors défilant au fur et à mesure que l'on anéantit toute présence ennemie autour de notre personnage sont relativement variés et immersifs, notamment grâce à des animations donnant vie aux différents plans. Dommage que certains éléments du premier plan viennent parfois gâcher le déroulement d'un combat.
Une approche old-school
Les combats, parlons-en justement. Pour se frayer un chemin parmi les légions romaines, chacun des trois personnages dispose d'un panel de coups assez vaste. On les découvre au fil des combats puisque l'apprentissage se fait à la dure, seuls une poignée d'encarts explicatifs venant présenter les bases. En faisant abstraction d'un arbre de compétences ou d'un système d'expérience, Wulverblade laisse dès le départ toutes les cartes en main pour enclencher différents combos, pouvoirs spéciaux et autres prises. Mais c'est surtout le foisonnement d'armes lourdes et de projectiles à ramasser, en cassant quelques éléments du décor ou sur les cadavres ennemis, qui apportent de la variété.
Compte tenu de la difficulté du titre, notamment lors des combats de boss, il est impératif de rapidement maîtriser les subtilités de gameplay. Malheureusement, les premiers instants de prise en main, loin d'être des plus agréables, pourront en décourager plus d'un. Les commandes dégagent une impression de rigidité et de latence, que ce soit pour sauter, donner un coup, enclencher un dash ou naviguer sur les différents plans, aspect essentiel du jeu pour ne pas se retrouver entouré d'ennemis capables de vider votre barre de vie en quelques coups. Les combats sont donc moins bourrins qu'ils n'y paraissent : la rigidité force à jouer avec prudence et subtilité. Il faut alors apprendre les patterns des nombreux types de soldats romains pour savoir quels coups il faut bloquer ou esquiver et utiliser avec justesse la meute de loups, capable de réduire en charpie un petit groupe d'ennemis une fois par niveau, ainsi que la jauge de rage permettant de regagner de la vie et faire pleuvoir les coups. Si vous pensiez vous défouler tranquillement en bourrinant deux touches à répétition, le côté punitif du jeu va rapidement vous ramener à la réalité.
D'autant plus que la difficulté monte crescendo au fil des niveaux, avec des pics particulièrement frustrants et des petits détails venant compliquer l'expérience de jeu : projectiles et ennemis hors-champ qui infligent des dégâts, hitbox capricieuses, checkpoints absents avant les combats de boss... Autant vous dire que le mode arcade, qui ne laisse que trois petits crédits de trois vies chacun, est à réserver aux plus téméraires, ou à ceux qui auraient déjà fini une première fois l'aventure en mode normal, offrant crédits illimités et la possibilité de revenir à un checkpoint en cas de game over. On ne va pas s'attarder sur le mode arène et ses affrontements contre des vagues infinies d'ennemis, qui présente peu d'intérêt.
Bien entendu, l'intégralité du jeu peut être parcouru à deux, chacun avec un Joy-Con en main. La difficulté baisse alors radicalement d'un cran, sachant qu'elle n'est pas paramétrable... du moins pour le moment. Conscient des défauts de leur titre, les développeurs de Fully Illustrated ont déjà prévu de déployer rapidement un patch apportant divers correctifs (notamment sur la taille des textes) ainsi qu'un mode Facile. D'ici la fin de l'année, c'est un tout nouveau mode qui sera ajouté gratuitement au jeu. Espérons que de l'optimisation technique soit également au programme. Si le jeu tourne parfaitement, aussi bien en nomade que sur un écran, il embarque avec lui des temps de chargement interminables. Reste à voir si les versions PC, PS4 et Xbox One du titre, attendues prochainement, auront le même problème.
Points forts
- Durée de vie correcte pour un jeu arcade (4-5 heures pour terminer l'aventure une première fois)
- Gameplay riche et exigeant : combos, variété d'armes, de projectiles...
- La coop à deux en local, toujours appréciable
- La dimension historique et les nombreux éléments à consulter / débloquer
- Doublé intégralement en anglais
Points faibles
- Difficulté mal dosée
- Temps de chargement
- Musiques répétitives
- La rigidité du gameplay
Wulverblade est définitivement un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains. Sans révolutionner le genre, il renvoit instantanément aux bons moments passés sur les Beat'em up cultes, même si son gameplay est moins explosif, moins jouissif, mais étonnamment exigeant et jamais lassant. Il faut alors s'armer de patience, mise à rude épreuve face aux pics de difficulté parfois frustrants, pour voir le bout de son aventure. Loin d'être surprenante dans son déroulement hormis quelques moments d'action bien pensés, son côté historique consacré aux tribus Pictes et la conquête romaine de la Grande-Bretagne apporte une touche d'originalité et d'âme. En dépit de ses défauts, Wulverblade n'en reste pas moins un titre parfaitement adapté à la Switch qui ne demande qu'à être dompté, à plusieurs de préférence.