Kickstarté en 2013 avec la somme rondelette de 296 360 dollars, A Hat in Time pointe enfin le bout de son nez, quelques semaines avant le retour tant attendu d'un certain plombier à la salopette bleue, roi de la plateforme 3D, sur Switch. Pour tirer son chapeau du jeu, le titre de Gears for Breakfast n'hésite pas à jouer sur la corde sensible : Super Mario 64, Banjo-Kazooie, Psychonauts, autant de titres cultes dont le studio danois s'est inspiré, avec la volonté de faire revivre un genre aujourd'hui peu représenté. Une ambition qui n'est pas sans rappeler le récent Yooka-Laylee, jeu loin d'être exempt de défauts mais qui a su satisfaire les nostalgiques. A Hat in Time va-t-il connaître le même destin ou est-il plus qu'une simple madeleine de Proust ?
Le trailer de A Hat in Time.
Si Yooka-Laylee avait pour modèle Banjo-Kazooie, A Hat in Time fait plutôt office de mix entre Super Mario 64, Sunshine et Galaxy, avec une petite touche de Wind Waker, aussi bien dans son gameplay que dans sa structure. Un constat loin d'être déplaisant, que l'on fait dès les premiers instants manette en main, alors que l'on découvre ce dont est capable "Hat Kid", la jeune fille chapeautée d'un curieux haut de forme que l'on incarne. Petite remise en contexte : l'aventure débute alors que l'héroïne, en pleine virée spatiale à bord de son vaisseau, reçoit la visite d'un intrus. Après un accident, c'est toute sa cargaison de sabliers temporels servant de carburant qui est déversée aux quatre coins du monde. Il n'en fallait pas plus pour donner le ton de ce platformer 3D construit autour d'un concept : la recherche d'objets collectables en tous genres.
Feeling intemporel
Après une petite mise en scène sympathique à suivre, vous voilà plongé dans le premier chapitre du monde de départ, une ville portuaire peuplée de mafieux au curieux accent russe. Vous avez bien lu, vos oreilles n'auront pas à supporter des onomatopées sonores désagréables lors des dialogues : le jeu est intégralement doublé en anglais pour un rendu amusant, renforçant cette ambiance bon enfant, proche d'un dessin animé, qui dégage de A Hat in Time. Le titre joue évidemment la carte de l'humour, avec des dialogues absurdes et une mise en scène qui vous décocheront de temps à autre un sourire sur le visage. Que ce soit accomplir une série de contrats au service d'une âme maléfique particulièrement drôle, ou encore suivre la compétition acharnée pour produire le meilleur film entre DJ Grooves, un pingouin amateur de disco et "Le Conducteur", un oiseau plutôt branché western et polars, chaque monde dispose de son propre mini-scénario à suivre en fil rouge au fur et à mesure des missions.
Loin d'être les plus originaux de la décennie, les mondes du jeu sont composés avec soin. Bourrés de détails dans tous les sens, ils réussissent efficacement à proposer chacun une thématique et des situations de jeu différentes, avec à chaque lancement de niveau une petite illustration qui fait son petit effet. Si la manière de l'atteindre diffère, certains niveaux étant axés plateforme, d'autres plutôt infiltration ou action, l'objectif est toujours le même : récupérer un sablier du temps. Après avoir atteint certains paliers, ces derniers servent à débloquer les différentes zones du vaisseau faisant office de hub principal et de point d'accès aux différents mondes.
La progression n'est donc en aucun cas linéaire puisque l'on jongle entre chacun d'eux. Tant le level design est peaufiné, on finit par rapidement se détourner des missions principales et à prendre goût à l'exploration, dans l'optique de récupérer la ribambelle d'éléments planqués un peu partout, sachant que certaines missions nécessitent de dépenser des orbes vertes pour être débloquées, ou tout simplement de disposer d'une capacité spécifique afin d'être menées à bien.
Coup du chapeau
Puisque l’intérêt principal du titre réside dans l’exploration méthodique des niveaux, il aurait été préjudiciable de proposer un gameplay bancal. C'est tout le contraire ici, avec une formule classique mais bien rodée et qui fonctionne encore très bien de nos jours. Saut, double saut, plongeon vers l'avant, walljump, coups de parapluie... notre héroïne est pleine de ressources et dispose d'une palette de mouvements fluides et bien animés, auxquels viennent rapidement s'ajouter de nouvelles capacités (courir, fabriquer des potions explosives...) par le biais d'un système de chapeaux à fabriquer en accumulant des pelotes de laines, éparpillées un peu partout, et de badges offrant divers talents que l'on peut acheter chez un marchand ambulant. L'ensemble apporte de la variété au gameplay, dont la prise en main se fait le temps de quelques sauts. L'usage d'une manette est tout de même conseillé, notamment pour s'occuper d'une caméra qu'il faut gérer en permanence et souvent capricieuse lorsqu'il s'agit d'afficher un angle serré.
A Hat in Time réserve également dans son chapeau une poignée de combats de boss. Ces derniers, découpés en plusieurs phases avec à chaque fois différents types d'attaques à esquiver, se révèlent étonnamment amusants à jouer. La bande-originale, composée en grande partie par l'Américain Pascal Michael Stiefel avec la participation du mythique Grant Kirkhope sur certains morceaux, y est sans doute pour beaucoup. Les deux hommes livrent ici des partitions mélodieuses et variées, dont les notes rappellent les compositions de Super Mario Galaxy, et qui s'accordent parfaitement aux différentes ambiances du titre pour transmettre ce sentiment d'excitation et cette envie de découvrir les moindres recoins de ce monde coloré.
D'un point de vue technique, A Hat in Time accuse un certain retard puisqu'il repose sur le désormais obsolète Unreal Engine 3. On tient là une 3D simple en termes de modélisation, avec un moteur de jeu qui gère parfois mal les collisions et qui offre une profondeur de champ faiblarde, masquée par un flou lorsque l'on observe le décor au loin jouant le rôle de cache misère. Il n'en reste pas moins doté d'une chouette direction artistique parfaitement maîtrisée. Notez que la version PC du titre embarque un vaste choix d'options graphiques, histoire de convenir aux machines les plus modestes.
Le Tour du monde en... quelques heures
Tout n'est malheureusement pas rose dans l'univers attrayant de A Hat in Time. À commencer par l'absence d'une traduction française ou même de sous-titres, ce qui devrait refroidir les allergiques à la langue de Shakespeare. Mais s'il y a bien un reproche à faire au jeu, c'est bien sur sa durée de vie. Il nous aura fallu à peine huit heures au compteur pour arriver face au boss final, en affichant 65% du jeu complété. Comptez donc plus ou moins le double pour atteindre le 100%.
Même s'ils sont vastes, les mondes peuvent se compter sur les doigts d'une main puisqu'il n'y en a que quatre, sans compter le mini-monde où l'on affronte le dernier boss. Le tout s'enchaîne alors à une vitesse folle, sachant que la difficulté n'est pas vraiment au rendez-vous. Pour trouver du challenge, il faut chercher du côté des "Time Rift", ces niveaux bonus qui proposent un défi de plateforme intéressant. La récolte de reliques pour décorer votre vaisseau, de jetons pour obtenir entre autres des apparences de chapeaux et le déblocage de tous les badges / chapeaux vous prendront évidemment du temps, mais on reste tout de même sur notre faim après avoir fait le tour des missions principales, simplement car on aimerait prolonger le plaisir.
Bonne nouvelle : les développeurs ont déjà prévu de rectifier le tir en intégrant rapidement et gratuitement deux mondes inédits ainsi qu'un mode coopération. Celui-ci sera jouable en ligne sur PC, et également en local sur consoles de salon. Il est simplement dommage que le tout n'ait pas été intégré au jeu de base, qui pourra tout de même compter sur le support du Steam Workshop pour se bonifier au fil du temps sur PC, selon le bon vouloir de la communauté, qui dispose d'une excellente base à exploiter. A Hat in Time est sans doute trop édulcoré pour plaire à tout le monde, mais il paraît difficile de ne pas lui tirer notre chapeau tant il transmet avec brio sa bonne humeur et son amour de la plateforme 3D.
Points forts
- Gameplay efficace et complet grâce au système de chapeaux à débloquer
- Un univers coloré et décalé à l'ambiance cartoon charmante
- Des mondes vastes et agréables à explorer, qui motivent à partir en quête des collectables
- Une bande-son qui donne la pêche, avec la participation de Grant Kirkhope
- Level design réussi
- Le support du Steam Workshop, synonyme de nouveaux mondes et autres mods créés par la communauté
Points faibles
- Seulement quatre mondes pour une durée de vie tout juste correcte
- Daté techniquement parlant
- Pas de traduction française ni même de sous-titres
Véritable mine de souvenirs pour ceux qui ont connu la Nintendo 64 et la GameCube, A Hat in Time saura à coup sûr satisfaire les nostalgiques des jeux de plateforme en 3D de la grande époque. Tout en lui insufflant sa propre personnalité, Gears for Breakfast a su puiser chez les cadors du genre pour offrir un condensé de fun au gameplay plaisant, que l'on parcourt avec un sourire aux lèvres tout au long de son aventure mettant en scène des personnages que l'on croirait sortis d'un dessin animé. Dommage que le plaisir soit de si courte durée et qu'une traduction française ne soit pas au programme, mais nous y replongerons avec plaisir pour découvrir en coopération les deux mondes inédits qui débarqueront sous peu.