"Zero Escape 3 est annoncé". Cette simple nouvelle a fait frissonner plus d'une personne, et pour cause : sa sortie a longtemps été incertaine. Nombreux sont ceux ayant ressenti cette terrible sensation de n'avoir, peut-être, jamais l'occasion de connaître le fin mot de cette histoire. Une histoire qui a captivé ceux qui ont pu toucher à 999 : Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors et Virtue's Last Reward, probablement deux des meilleurs romans visuels parus ces dernières années. Pour beaucoup, le 8 juillet 2015 a été la journée de la délivrance. Hélas, le 28 juin 2016 a peut-être été la journée de la déception. Car c'est un sentiment d'inachevé qui ressort de ce Zero Time Dilemma.
Parce qu'on vous voit venir de très loin, chers joueurs ne connaissant pas encore cette série : "Puis-je commencer la série par ce troisième épisode avant, qui sait, de faire les autres ?". Et à question précise, réponse précise : Non. Pour plusieurs raisons. Primo, la quasi-totalité de la fin de Virtue's Last Reward est remise sur le tapis par un des personnages dès les premières heures de jeu (ou un peu plus loin, mais on y reviendra). De la même manière, plusieurs éléments importants de "999" sont évoqués par la team C assez tôt dans le jeu. En résumé, commencer par ce troisième épisode vous gâchera non seulement ses deux prédécesseurs, mais en plus vous ne vous attacherez pas forcément aux personnages issus des jeux précédents, ce qui serait très dommage puisque les personnages inédits sont les moins intéressants du jeu. Bref, tout comme on ne commence pas une série TV en pleine saison 4, Zero Escape est une série qui se joue dans l'ordre de sortie de ses jeux. Et puisque "999" n'est jamais sorti individuellement en Europe, la meilleure solution reste de se procurer la compilation The Nonary Games disponible sur PS4 et PC.
LA VIE EST SIMPLEMENT INJUSTE, VOUS NE PENSEZ PAS ?
Zero Time Dilemma est encore une fois un "escape game". Comme ce terme l'indique merveilleusement bien, il s'agit de s'échapper d'un lieu précis. Pour les connaisseurs, vous vous doutez bien que cet "escape game" n'a rien d'une activité familiale pour s'amuser tous ensemble, puisqu'un certain Zero II s'est dit que ce serait bien sympa d'être obligé de tuer deux-tiers des participants pour pouvoir sortir. Pour s'échapper d'une pièce, il suffit de résoudre des petites énigmes avec tout un tas de mécanismes tordus pour débloquer la porte de sortie. Globalement, hélas, force est de constater que de manière globale, les énigmes de ce Zero Time Dilemma sont bien moins inspirées que celles de ces prédécesseurs, certains pouvant même se montrer étonnement frustrantes à cause d'un certain manque d'ergonomie dans l'utilisation des objets.
Le jeu est sorti sur quatre supports différents, à savoir 3DS, PSVita, PS4 et PC. Le jeu est le même sur chaque support, les différences se situant essentiellement au niveau de l'ergonomie et des performances techniques, et à ce niveau-là toutes les versions ne sa valent pas. Au niveau de l'utilisation du mémo, la version 3DS s'en sort le mieux grâce au stylet, même si il est étonnement mal fait, le tracé étant plus lent que la vitesse à laquelle on l'effectue au stylet. Sur Vita, cela reste acceptable, tout comme sur PC à la souris même si nos écrits sont assez difformes. Comme pour Virtue's Last Reward, écrire sur un mémo avec le stick de la DualShock 4 sur PS4 est plus compliqué que les énigmes elles-mêmes.
Pour la visibilité, forcément plus l'écran est grand, mieux c'est, surtout dans un jeu qui consiste à fouiller des décors en long et en large. Les versions PC et PS4 sont donc les plus lisibles selon la taille de vos écrans, tandis que la 3DS est forcément la moins agréable du lot. En revanche, côté performances, la 3DS a quelques chutes de framerate supportables, contrairement à la PS Vita qui crache ses poumons sur certaines cinématiques, au point de chuter, parfois, à 15 images par seconde voire moins. Pour la version PC, certains constatent des chutes de framerate violentes mais elles sont facilement corrigeables en désactivant quelques options. Toutefois, notons que quelques cinématiques rament sur toutes les versions du jeu. Au final, seul la version Vita est un peu désagréable à jouer avec des cinématiques tournant deux fois moins vites qu'elles ne le devraient.
DEUX CHOIX
Forcément, pour une série centrée essentiellement sur sa narration, les principales différences sont ailleurs que dans le gameplay. La différence la plus frappante vient de la mise en scène du jeu, qui se concentre beaucoup sur les cinématiques qu'avant. Et pour cause, il n'y a presque plus de boîte de dialogues à proprement parler, les séquences narratives sont toutes des cinématiques doublées. Un choix audacieux qui se prend vite la réalité en pleine tête : faute de moyens, la partie technique n'est pas très reluisante : même si la 3D est mieux faite sur Zero Time Dilemma et centrée sur les cinématiques, les personnages sont paradoxalement moins animés qu'à l'accoutumée, se contentant de discuter en restant immobiles comme des statues de cire. Et lors des rares séquences un peu plus animées, on a cette sensation étrange de les voir se déplacer au ralenti. Forcément, en plus de ça, les chutes de framerates n'aident pas à apprécier pleinement les cinématiques. Ces cinématiques, après les escape rooms, sont souvent suivies d'un dilemme, nouveau système introduit avec cette épisode. Pas besoin d'expliquer ce qu'est un dilemme : plusieurs possibilités, mais un choix possible. Sauf qu'ici, vos choix peuvent potentiellement provoquer la mort d'un des autres personnages. D'ailleurs, parlons-en des personnages.
Dans cet épisode, les personnages sont séparés en trois équipes de trois. La team C est composé de Junpei et Akane, personnages centraux de "999", ainsi que de Carlos, petit nouveau de son état et, étonnamment, un petit peu un Mary-Sue masculin. La team D est composé de Sigma et Phi, personnages centraux de Virtue's Last Reward, ainsi que de Diana, nouvelle venue dans la série. Enfin, la team Q se compose de trois personnages inédits : Eric l'amoureux transi, Mira la victime de l'amoureux transit et Q le petit garçon avec un gros masque sur la tête. Et pour un jeu centré sur sa narration, force est de constater que les personnages inédits sont assez mauvais. Carlos incarne un peu le personnage idéal plein d'idées et pas méchant, mais n'a aucun rôle vraiment essentiel alors que le jeu nous le présente comme un meneur. Le rôle de Mira se limite à la présence de ses deux amis fidèles, tout comme le rôle d'Eric se limite à être en admiration devant sa douce. Certes, un personnage n'est pas obligé d'avoir un rôle majeur pour être intéressant, mais hélas leurs caractères à la limite de l'insupportable les rendent tout simplement agaçants. Et puisque Q est en équipe avec eux, ses interventions, même intéressantes, sont souvent gâchées par l'intervention de ses deux compères imposés.
Mais puisque heureusement chaque règle a son exception, la dernière venue, Diana, se révèle être un des personnages les plus travaillés de Zero Time Dilemma, qui combine background complet et personnalité intéressante, étant souvent calme, moins excentrique que les autres sans être insipide pour autant. Quant aux anciens, Sigma reste un personnage à la personnalité intéressante tandis que sa compère, Phi, est passée de personnage central dans Virtue's Last Reward à personnage pas très palpitant dans Zero Time Dilemma, puisque même Gab le chien a un rôle plus affirmé dans le jeu. Gros point noir pour Junpei et Akane, dont la relation et les personnalités ont étonnement évolués depuis la fin de "999". Junpei est passé de "un peu blasé" à "antipathique", tandis qu'Akane est passé de "je sais gardé mon calme" à "je sais gardé mon calme mais ça peut vite basculer". Hélas, tout ça est encore plus plombé par sa narration.
SIMPLEMENT INJUSTE...
Car dire que la narration est bancale relèverait presque de l'euphémisme. Principale cause : le rythme du jeu, et le découpage des phases de narration. Dans les précédents épisodes, le rythme du jeu était simple : le jeu partait d'un point A avant de se séparer en plusieurs embranchements, menant à plusieurs fins. Ici, si c'est pareil dans la théorie, dans les faits plusieurs escape rooms sont disponibles en même temps, et peuvent se situer à peu près n'importe où dans n'importe quelle ligne temporelle. En voulant faire plus simple, sans longs fils conducteurs, le jeu devient finalement trop décousu et on oublie vite certains évènements passés parce qu'on est déjà passé à autre chose, ailleurs, à un autre moment, et aucun moyen de savoir à quel moment se passe l'évènement choisi avant de le lancer. Oui, c'est bordélique.
Si on suit malgré tout l'histoire sans trop de déplaisir grâce à quelques révélations toujours aussi imprévisibles, on peste malgré tout contre des facilités scénaristiques énormes, parfois des grosses incohérences, avant d'être en état de choc devant un Deus Ex Machina absolument gigantesque, qui a réussi à diviser l'opinion des fans de la série à lui tout seul. Dans de multiples jeux, le gameplay aurait fait oublier tout ça. Dans un jeu où le récit fait 90% du jeu, hélas on ne peut pas passer à côté. Car si le scénario peut être aussi bien apprécié que détesté puisque ce qu'on peut en penser reste subjectif, les défauts de narration et de mises en scène ne peuvent pas être écartées. Surtout quand ces défauts n'existaient pas dans les deux opus précédénts. Parlons enfin de la classification PEGI 18 du jeu, puisque le créateur de la série a insisté sur le fait de ne se donner aucune limite. Son PEGI 18, le jeu ne l'a clairement pas volé. Mais la faiblesse des performances techniques rend ces passages assez pathétiques par moment, et leur présence trop récurrente fait qu'on s'y habitue presque ; on les voit venir à l'avance, et au final on ne ressent aucune tension lorsqu'un personnage meurt : on relance juste un autre évènement pour voir un autre morceau de l'histoire comme si de rien était. Un constat presque triste quand on se rappelle de la tension provoquée par plusieurs mauvaises fin de Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors.
Points forts
- Certaines escape rooms ne sont pas mauvaises, loin de là…
- Certaines révélations en valent la peine
- Répond à quelques interrogations de Virtue's Last Reward
- La team D, la plus intéressante du lot
- Une quinzaine d'heures de jeu
Points faibles
- … mais elles ne se valent pas toutes
- Aucune tension lorsque les personnages sont en danger
- Mise en scène et narration partiellement ratées
- La moitié du casting à jeter
- Le rythme du jeu complètement saccadé
- Dilemmes bien moins palpitants que les AB Games
- Fin qui laisse trop de choses en suspens
- Uniquement en anglais, uniquement en dématérialisé en France
- Chutes de framerate importantes sur Vita
Zero Time Dilemma n'est pas mauvais, juste incroyablement décevant pour les fans. De nombreux choix ont été faits pour ne pas brusquer le nouveau public, hors ce dernier n'était pas la cible visée par le jeu. Et si les quelques révélations apportées valent malgré la peine pour le fan d'acheter le jeu, les erreurs sont hélas parfois à la limite de l'impardonnable. Au final, si son rôle est de conclure la trilogie Zero Escape, paradoxalement, son plus gros défaut est d'avoir été précédé de deux jeux à la qualité exceptionnelle.