Et s'il vous était donné l’opportunité d’apprendre un art martial, de le modifier, de le perfectionner, qu’en feriez-vous ? Une arme pour terrasser vos ennemis, un bouclier pour protéger vos alliés, un savoir à partager avec vos pairs ? Cette réponse, cachée en vous, ne saurait se réveler qu’au bout du long chemin qui mène à la connaissance, à la compréhension, et enfin à la maîtrise. Aujourd’hui, ce chemin porte désormais un nom, celui d’Absolver, le jeu de combat en ligne signé Sloclap.
Notre avis sur Absolver en moins de trois minutes
Il y a de la poésie dans le combat. Une poésie presque mathématique quand s'enchaînent avec grâce les placements, les coups, les gardes, les contres, et quand au fil des secondes on apprend de l’adversaire autant qu’il apprend de nous, chacun cherchant la faille pour que cette danse, à l’issue toujours dramatique, nous soit finalement favorable. Et c’est dans cet affrontement des mouvements et des esprits qu’Absolver a trouvé sa redoutable mécanique, offrant aux joueurs toutes les possibilités de façonner son combattant, d’établir son panel de coups et de stratégies, pour au final vivre son pélerinage vers la virtuosité. Mais la longue route sinueuse qui s’étend à vos pieds demande de l’entraînement, de la ténacité et de temps en temps le petit coup de pouce de quelques aventuriers bien intentionnés. Car oui, Absolver n’est pas un simple jeu de combat dans le sens brut du terme. C’est aussi et avant tout une aventure qui se vit à plusieurs, en compétitif comme en coopératif. Et l’aventure est belle.
Un petit bout d'histoire
L’histoire en soi est assez simple et même très peu détaillée, laissant une grande part à l’imagination. Ce que l’on sait, c’est que vous voilà Aspirant, sorte d’apprenti combattant en quête du titre d’Absolver, et sommé de vaincre quelques maîtres d’armes disséminés dans ce monde semi ouvert. Cette discrétion du scénario comme celle de ses personnages, silencieux pour la plupart, fait partie de l’ambiance plus qu’étrange qui règne dans la région meurtrie d’Adal. Des plaines au Port Central, du Colisée au Quartier Oratien, tous ces lieux hors du temps semblent avoir subi un cataclysme terrible pour ne plus servir qu’aux joutes entres combattants. Et l’on aurait aimé savoir pourquoi, quand, comment. Ce flou sur la menace, sur la raison même de notre présence, ces dialogues qui suggèrent des choses sans les nommer. La plupart de ces questions, que l’on se pose forcément, resteront sans réponse. C’est le choix, légitime ou non, qui est fait ici.
Et pourtant, presque avec autant de force que dans un Journey ou un The Witness, on se laisse happer par l’étrangeté des lieux, leur beauté saisissante mélangeant les architectures méditerranéenne, gothique ou encore fantastique avec des zones plus végétales, parfois forestières. Pour chaque lieu, une lumière particulière, un jeu de couleurs qui lui est propre, sans que l’ensemble manque d’homogénéité. Une vraie réussite graphique donc, simple et parfaitement lisible, faisant preuve d’un esthétisme sûr et maîtrisé, appuyé par une ambiance musicale signée Austin Wintory (Abzû, Journey, The Banner Saga...) et sur laquelle les différents bruitages viennent s’adosser avec goût. Le tableau est superbe. Reste que nous ne sommes pas venus ici pour simplement visiter et c’est une toute autre forme d’art que nous allons désormais aborder.
Les 25 premières minutes de l'aventure
Oubliez vos références
Alors que l’on parle d'un jeu de combat, la référence la plus palpable ici se situerait plutôt du côté d’un Dark Souls et de sa façon de placer le personnage dans un environnement assez ouvert, mais résolument hostile, dans lequel on avance avec prudence à la recherche d’adversaires qui soient à notre portée, ou simplement en quête de survie. Le terrain de jeu est d’ailleurs composé de zones larges aux chemins limités, se jouant souvent sur plusieurs plans verticaux, et dont les dédales prennent au début des accents de labyrinthe infernal, faute de carte pour s’y orienter. La même sensation d’être perdu apparaît à l’heure de rejoindre la zone suivante, à la recherche du couloir sinueux menant au bon endroit, avec la crainte de tomber sur une des nombreuses embuscades dont on ne sort que trop rarement vainqueur. Heureusement, le KO ne se montre finalement assez peu punitif. Une fois mis à terre, le personnage peut réapparaître immédiatement à son dernier point de contrôle ou être ressuscité par un allié, pour peu que celui-ci agisse dans un temps limité. Le joueur aura alors engrangé toute l’expérience acquise de ses derniers combats glorieux, pour revenir plus fort.
La composante RPG d'Absolver permet d'ailleurs d'affecter des points d'expérience selon 5 critères, correspondant à ses capacités d'attaque, de défense, ou à sa barre de vie. De même il est possible d'attribuer un pouvoir magique à deux des touches du pad directionnel, histoire d'augmenter sa résistance, de gratter un peu de vie, de réduire l'efficacité de ses adversaires ou de les repousser pour respirer un peu. Mais le monde d’Adal s’adapte, voyant le niveau de ses occupants monter avec le vôtre, qu’ils soient contrôlés par un humain ou par la machine. Il n’y a donc jamais de répit, jamais de moment à partir duquel on surpasse ses adversaires. Il n’est pas rare même de tomber sur un PNJ plus fort que soi, à l’endroit même où, quelques heures plus tôt, on n’avait pas spécialement de difficulté à vaincre. Sans compter sur la complexité de se défendre face à un nombre supérieur d’attaquants, avec un système de combat qui peine à offrir une mobilité suffisante. Vous souvenez vous de la garde dans les Assassin’s Creed ou les Batman Arkham? Oubliez. Ici, rien n’est automatisé ni confortable. Votre protection disparait au bout de quelques coups, dès que votre barre d’endurance tombe à zéro. Et le contre ne fonctionne que face à celui que vous avez verrouillé, laissant le champ libre aux autres de casser votre garde. La fuite est donc une option plus que sérieuse dans bien des cas, du moins tant qu’elle est encore possible.
La technique de l'homme ivre
Une profondeur d'un genre nouveau
Mais hormis ce cas précis, c’est bien votre maîtrise qui est mise à l’épreuve, et à chaque instant. Les adeptes des jeux de combat classiques, façon Tekken, Street Fighter ou encore Guilty Gear ne trouveront d’ailleurs aucun avantage d’expérience dans ce système de combat qui s’apparente plus à celui d’un Dark Souls, ou d’un Beat'em All moderne. Un bouton de frappe, une action spéciale, une garde, une capacité défensive supplémentaire, un stick pour le positionnement (nous y reviendrons), des pouvoirs, des armes blanches… Autant dire que la manette, puisque c’est clairement l’accessoire le plus efficace, est très sollicitée. A cela s'ajoute la gestion des caractéristiques de votre personnage, de son équipement et du poids qui en découle, avec une balance entre force, vitesse et protection imposant de faire des choix stratégiques. En résulte un système possédant une réelle complexité et qui impose un vrai investissement de la part du joueur. C’est d’ailleurs là qu’Absolver se démarque le mieux de tout ce qui existait avant lui.
En effet, pour créer ses propres enchaînements, il vous faudra avant tout les apprendre. Comment ? A force de voir vos adversaire les réaliser. Pour chaque coup reçu, évité, contré, quelques grains d’expérience viennent remplir la jauge de ladite technique. Une fois cette jauge complétée, l’action est acquise et peut être assignée à l’un de vos combos. Elle ne peut d’ailleurs l’être qu’une seule fois. Il faudra donc enchaîner de nombreux combats avant d’avoir un deck à la hauteur de vos ambitions. Surtout qu’avec un seul bouton d’action de frappe (sans compter les actions “spéciales”), le combo déclenché ne dépendra pas d'un enchaînement de boutons particuliers, mais simplement de votre orientation, parmi les quatre disponibles. Sachant que toutes les techniques ont une orientation d’entrée et de sortie, le jeu du deck parfait sera donc d’offrir à votre personnage la possibilité de lier plusieurs combos. Combiné aux actions spéciales, aux armes blanches et aux feintes, les possibilités sont juste innombrables et pas forcément simples à appréhender.
Un système de combat à dompter
C’est là le principal reproche que l’on peut faire à Absolver. Alors que le joueur est abandonné à son sort dans cette grande arène, il doit découvrir et comprendre toutes ces subtilités avec ses propres expérimentations. Et de la même façon qu’on peut s’égarer dans ce monde, il est très facile de se perdre au sein même du système, quitte à passer à côté de l’intérêt du jeu. Surtout que la latence d'exécution de certains coups, celle là même qui donne ce côté naturel aux combats, n’a rien de commun avec ce que l’on a l’habitude d’appréhender en Versus Fighting. Il y aura donc forcément quelques déçus face à ces choix totalement honnêtes, mais clivants. Ceux qui, au contraire, plongeront dedans avec bonheur, pourront découvrir la puissance qu’offre la personnalisation de son style de combat, avec peut être le plaisir du partage en prime si vous décidez finalement de créer votre école et d’offrir votre deck à vos élèves.
Il faut ajouter qu’Absolver joue clairement à fond la carte du multijoueur, avec juste ce qu’il faut de subtilité. Le monde dans lequel vous évoluez est en ligne, certes, mais il ne contient qu’une poignée de joueurs réels. Juste assez pour donner de la valeur aux rencontres, qu’elles soient amicales ou compétitives. Un système assez simple de dialogue par gestes permet d’exprimer un minimum d’émotions, voir de créer une coopération officielle. Le matchmaking s’occupant de lisser les niveaux, il ne vous reste plus qu’à profiter des joies de la découverte et des combats en duo ou même en trio, dans des arènes vides de tout autre intervenant. La composante PvP se révèle d'ailleurs la plus intéressante en termes de progression de l'expérience du personnage et offre un niveau de tension des plus élevés. Quand au mode coop, il apporte un peu de soutien et d'humanité dans ce monde silencieux où tous les micros sont coupés. De quoi changer la donne lorsqu’on se sent submergé, de quoi s’épauler dans la difficulté, mais pas de quoi s’empêcher de tomber. Car il est impossible de parler d’Absolver sans aborder les innombrables chutes dans le vide, ou d’une plateforme trop haute, que le personnage subit en mourrant, parfois trop bêtement. A croire parfois que le level design n'a été étudié que pour vous voir vous fracasser au sol. C’est rageant, vous en conviendrez, alors voyez cette fin de chapitre comme une petite vengeance personnelle. Elle n'enlève en rien le plaisir de relever le challenge que propose Absolver.
Présentation du système de personnalisation
Points forts
- Des combats intenses et variés
- La courbe d'apprentissage, vraiment longue
- La customisation des combos ultra intéressante
- Une superbe direction artistique
- Un multijoueur qui a vraiment du sens
- L'aspect communautaire qui ne demande qu'à se développer
Points faibles
- L'aventure proposée n'exploite pas vraiment l'univers disponible
- Slots du deck et techniques ne se développent pas à la même vitesse
- Le système inadapté au combat en surnombre
- La latence des coups, parfois trop prononcée
Voilà une bonne surprise pour cette rentrée. Absolver apporte un vent de fraicheur sur le jeu de combat avec de vraies innovations sur son système de combos plein de stratégies et ses techniques à collectionner, à mériter même, dans la plus pure tradition des arts martiaux. Agréable à jouer, profond et plein de promesses pour l’avenir, le titre de Sloclap se démarque aussi par une dimension multijoueur qui a du sens, dans ses aspects compétitifs comme collaboratifs. Mais le soin visible apporté à son univers et à sa philosophie ne suffit pas à combler le manque de contenu dont le jeu fait preuve au bout de quelques heures. On peut évidemment se plonger dans l'apprentissage de toutes les techniques, pour la beauté du geste, mais l'accompagnement du joueur dans sa quête d'apprentissage est absent, la faute à une histoire trop peu consistante et qui se termine vite. L'aventure est belle, poétique dans l'art du combat, mais il en faudra plus et rapidement pour qu'Absolver maintienne la passion naissante de sa communauté.