Sorti tout droit des cuisines de Ninja Theory, Hellblade : Senua’s Sacrifice, sur PC et PlayStation 4 se veut comme un vent d’air frais dans un genre assez peu répandu : celui du jeu d’aventure-action teinté de mythologie scandinave. Vous compterez donc dans cette épopée sur vos sens et sur vos réflexes pour vous sortir d’une descente aux enfers artistiquement splendide et narrativement puissante. Un parcours du combattant qui réussit presque tout ce qu’il entreprend.
Les possesseurs de Xbox One qui jusque là étaient privés du titre de Ninja Theory peuvent désormais fanfaronner : la version console la plus aboutie tourne bien sur Xbox One X. Cette dernière est capable d’afficher une résolution dynamique jusqu’en 4K (contre 1080p/1440p sur PlayStation 4 Pro), tout en proposant un HDR qui fait des merveilles grâce aux nombreux effets de lumière présents.
La Xbox One X propose trois paramètres possibles : résolution, graphismes enrichis et fréquence d’images élevée. Les amoureux du 60 images par seconde pourront donc vivre le voyage en échange d’une bonne dose de netteté. Inutile de préciser que ce mode (également disponible sur PlayStation 4 Pro) offre une certaine dose de nervosité supplémentaire pendant les affrontements. Sur One X, l’option “graphismes améliorés” livre une technique tellement impressionnante que cet Hellblade devient aisément le jeu le plus beau de la console, en termes de photoréalisme. La version Xbox One S s'en tire avec les honneurs malgré un rendu très éloigné de celui tournant sur X, dû à une résolution inférieure et à un niveau de détail bien moindre. Le titre de Ninja Theory est donc particulièrement impressionnant sur le dernier modèle de la bécane de Microsoft, bien aidé par une direction artistique de premier ordre. Nous notons juste l’utilisation de textures parfois moins nettes que d’autres selon le type d'élément modélisé ainsi que quelques légers ralentissements. Le fait de pouvoir changer à la volée le mode de performance est très pratique, même si cela peut générer quelques bugs visuels (d’apparition tardive d’objets).
Ceux qui connaissent l’épopée de la tourmentée Senua savent que le son est très important afin d'apprécier chaque méandre de l’aventure. On ne le répétera donc jamais assez : jouez à ce jeu avec un bon casque audio !
Pour rappel, l’œuvre de Ninja Theory ne fait partie ni de la gamme Play Anywhere, ni du Game Pass. Il est vendu à un trentaine d’euros sur le Microsoft Store et mérite plus que jamais toute votre attention.
Psychose : le jeu vidéo officiel
Directement inspiré des mythes nordiques, Hellblade nous offre ici une transposition slave de la descente aux enfers d’Orphée dans un cadre que l’on ne connaît que trop peu et qui fait ici mouche, avec brio. On y suit donc Senua, jeune guerrière qui décide de partir pour les enfers, le Helheim scandinave, où réside la déesse des morts Hela. Son but, ramener l'âme de son aimé, Dillion. Cette quête démarre dès les premiers instants du jeu et nous servira de toile de fond à une série de niveaux directement et judicieusement inspirés des mythes nordiques. On passera ainsi par les différentes étapes symboliques du voyage des morts, qui viendront servir de terrains de jeux glauques et souvent magistraux au titre de Ninja Theory.
Plus qu’un voyage en quête de l’amour perdu, le scénario nous fera aussi réfléchir à la psychose puisque Senua est harcelée depuis son plus jeune âge par des voix intérieures qui la perturbent et lui font vivre des stress émotionnels intenses lors de son périple. D’ailleurs, un gros travail de recherche a été effectué sur ce sujet par les équipes, en compagnie de spécialistes universitaires de cette pathologie et de gens qui en sont atteints. L’envie des développeurs est avant tout de mettre le joueur mal à l’aise, de lui faire ressentir la détresse d’une âme torturée par la fatalité et par les dieux, qui la mettent constamment à l’épreuve et lui font douter de la pureté de ses convictions. Senua est-elle assez forte pour aller jusqu’au bout de sa quête ? Comment une humaine pourrait-elle défier les dieux et la mort elle-même ? Voilà le type de questions auxquelles notre héroïne devra répondre durant son aventure.
Et cette ambiance si particulière, agrémentée de mythes savamment narrés, par petite touche lorsqu’on active une stèle nordique, nous fait vivre finalement un véritable tour de montagnes russes, dans lequel on est constamment en apnée, happé par le stress et la tristesse vécus par Senua, mais motivé par l’avancée de son parcours au sein des plus emblématiques arcanes de l’enfer nordique. Femme forte et téméraire, notre héroïne est ici un personnage ô combien tenace, qui devra faire face à plusieurs ruses des dieux…
Senua’s routine
On alternera donc très régulièrement entre trois phases : l’exploration narrative, dans laquelle de somptueux décors naturels imposent leur majesté et forcent la contemplation chez le joueur, qui n'hésitera pas à prendre quelques clichés avec le mode photo intégré, ou avec Ansel pour les possesseurs de cartes Nvidia. Succèdent ensuite des phases d’énigmes, pas bien complexes, dans lesquels on découvre un système de runes dont les formes doivent être débusquées dans la nature pour être résolues : un principe difficile à expliquer mais qui s’avère assez simple une fois illustré. Enfin, un troisième volet de gameplay vient agrémenter le rythme du jeu en le parsemant de combat, souvent trop long mais plutôt bien chorégraphié. Le système est ici assez abordable et offrira de superbes visuels tout en proposant malheureusement des mécaniques un peu trop redondantes, surtout au vu du nombre d’ennemis qu’il faudra trucider lors de certaines phases à rallonge.
Trailer de Hellblade : Senua's Sacrifice
Les vagues s’enchaîneront donc un peu trop et aux duels succèderont de véritables traquenards en un contre cinq, sur lesquels il faudra bien gérer ses esquives pour ne pas se retrouver au sol et mourir. Car oui Hellblade a fait également grand bruit grâce à son système de permadeath, promettant l'éradication pure et simple de votre sauvegarde si vous mourrez trop souvent. Le poids d'une telle feature sur l'expérience de jeu est conséquent et c'est avec hargne que l'on tente à chaque fois de se raccrocher à la vie pour éviter que Senua n'arrive au nombre de game over fatidique. L'issue de cette feature est aujourd'hui la clé d'un lourd débat et nous éviterons évidemment de vous spoiler pour conserver votre surprise.
Côté énigmes, notez que certains chapitres réservent tout de même quelques particularités et proposent par exemple des énigmes visuelles de recomposition du décor grâce à l’alignement de la caméra, ainsi que d'autres basées sur le son, sur la rapidité et sur la perception de l’espace qui entoure Senua. Dit comme ça, le tout à l’air de bien fonctionner et c’est clairement le cas. On regrettera cependant certains points agaçants, comme le trop grand nombre de vagues d’ennemis qui étirent souvent les affrontements plus que de raison, les bugs et petits soucis que l’on peut rencontrer, notamment sur PC, ou encore certaines phases d’allers-retours ou d’énigmes runiques, clairement dispensables. Que l’on se comprenne bien, tout ceci lasse par moment mais n’est jamais rédhibitoire et se laisse facilement oublier par la richesse de la mise en scène et par l’incroyable lore qui nous est ici dépeint.
Wow, qu’est-ce que je viens de vivre là ?
On ressortira donc chamboulé de cette expérience, malmené par un gameplay pas toujours bien calibré, bluffé par des décors splendides, immergé par un cadre et par une narration riche et étonné qu’une si petite équipe ait réussi à produire un tel rendu visuel. Le titre est désigné comme un "AAA indépendant" et n'ambitionne pas de révolutionner un genre, il souhaite juste procurer aux joueurs l'aventure que les développeurs ont voulu pousser, sans fioriture, sans feature révolutionnaire et sans énorme coup d'éclat technique, faute de ressources humaines. C'est donc un 'tout', harmonieux et poignant, composé de morceaux imparfaits.
Notre GL Preview de Hellblade : Senua's Sacrifice
Points forts
- Un sound design d’une rare qualité
- Le cadre mythologique, extrêmement riche et renseigné
- Une mise en scène prenante et originale qui nous fait passer par toute une palette d’émotions
- Superbe performance de l’actrice Melina Juergens dans le rôle de Senua
- Un bon dosage entre exploration, énigmes, combat
- Réalisation de haute volée et très souvent de grande qualité
- Excellent rapport qualité prix à la sortie (30€ pour une dizaine d’heures de jeu)
Points faibles
- Des combats parfois trop longs qui auraient gagné à être plus techniques
- Certaines « énigmes runiques » dont on se serait volontairement passé
- Un aspect technique parfois perfectible (quelques bugs de caméra, d’animation et de stabilité)
Une claque. C’est ce que Hellblade : Senua’s Sacrifice procure aux joueurs, en une petite dizaine d’heures de jeu, avec ses apnées contemplatives, son cadre anxiogène et le respect des mythes qu’il exploite. Loin d’être parfait dans l'ensemble et manquant d’un peu d’équilibrage au niveau de certaines phases, le titre de Ninja Theory fait ce qu’il promet : nous embarquer dans une descente progressive dans les enfers nordiques, dans la peau d’une héroïne aussi courageuse que perturbée, que l’on admire déjà pour sa prestation à l’écran.