Les troupes de Koei Tecmo ont arpenté monts et vallées de la Chine des Trois Royaumes des années durant avant de lorgner sur le Pays du Soleil Levant et ses iconiques samouraïs. Habitué aux champs de bataille de l'Empire du Milieu, l'éditeur japonais a traversé la mer de Chine en 2004 et puisé dans une époque baignée de mythes et légendes... le Japon féodal de l'époque Sengoku. La franchise Samurai Warriors, série spin-off de l'icône du Musô Dynasty Warriors était née.
De l'eau a coulé sous les ponts depuis ce jour, mais les flammes de la guerre ont conservé leur intensité d'antan, plus d'une vingtaine d'épisodes ayant été publiés en l'espace de 13 ans. C’est désormais au tour du légendaire clan Sanada de conter ses aventures le sabre au clair dans un jeu vidéo portant son nom. Honneur, joutes épiques et tradition... Samurai Warriors : Spirit of Sanada s'avance d'un pas déterminé, désireux de conquérir les sphères PlayStation 4 et PC occidentales.
La destinée d'un clan
Le Japon féodal et ses samouraïs ont toujours suscité l'intérêt des foules et cet attrait pour cette période de l'Histoire n'a fait que croître. Et pourtant, peu d'éditeurs se sont lancés à l'assaut de ce lore aussi riche que complexe à l'exception de quelques irréductibles qui ont su tirer leur épingle du jeu. Tenchu, Onimusha, Yakuza... et bien entendu Samurai Warriors... ont profité de cet engouement pour se démarquer et séduire les joueurs.
La franchise de Koei Tecmo s'est toujours inspirée de l'époque Sengoku dans sa globalité - une période s'étendant du milieu du XVe siècle à la fin du XVIe siècle, mais les choses sont sur le point de changer avec Spirit of Sanada. Ce Musô s’attarde sur la destinée d'un clan et uniquement ce dernier avec une fidélité bluffante compte tenu du genre et de sa propension à fantasmer le passé. Le titre d'OMEGA Force respecte la chronologie des événements et ne souffre d'aucun anachronisme majeur. L'intégrité de l'Histoire est sauve.
L'approche intimiste du scénario est à mettre au crédit des développeurs qui ont pris le risque de changer la formule. L'intrigue, perçue par le prisme des seuls Sanada et leurs alliés, apporte un sentiment inattendu de proximité avec des personnages ayant véritablement existé. Le scénario y gagne ainsi en clarté et en intensité au point de suivre avec intérêt les péripéties de Masayuki, Katsuyori et Shingen Takeda... Le casting reste bien évidemment colossal avec pas moins de 61 officiers jouables (dont 5 nouveaux), mais la campagne n'existe que par et pour cette poignée de héros qui ont bâti par leurs actes la légende des Sanada. Le livre d'histoire se mue alors en chroniques et ce n'est pas pour nous déplaire, bien au contraire.
La forme a également évolué en parallèle du fond. Fini les simples enchaînements de batailles, ce Samurai Warriors se structure autour de Multi-Stage composés de plusieurs escarmouches et affrontements de plus grande envergure. Le conflit évolue enfin en temps réel sur une carte du Japon ayant le mérite de nous faire réviser notre géographie et remettre en contexte les événements. Seule la présence de batailles secondaires, simple prétexte pour faire revenir les héros des opus précédents, détonne et égratigne cette unité qui se dégage de l'aventure.
Le studio japonais n'a jamais brillé par la créativité et la qualité de ses mises en scène (L'Attaque des Titans : Les Ailes de la Liberté, Berserk and the Band of the Hawk…) et le sort se répète une fois encore avec ce Samurai Warriors cuvée 2017 qui ne s'embarrasse d'aucune fioriture. Trop peu de cinématiques mettent en images la vie du clan et les péripéties qui jalonnent son destin tumultueux. Cette réalisation bien trop simpliste dessert le propos une fois encore. Ainsi, la narration passe pour l'essentiel par des phases de dialogues écrites doublées en japonais (et sous-titrées exclusivement en anglais) et des écrans fixes. A la lecture de ces quelques mots, le poil des anglophobes se hérisse tandis que les habitués haussent tout bêtement les épaules. Spirit of Sanada s’encombre des faiblesses de ses aînés... sans surprise.
Visite du village du clan Sanada
L’art ancestral de la guerre
Le studio OMEGA Force est une machine bien huilée capable de mettre au monde une quantité astronomique de Musô par an. Le prix à payer pour cette production accrue ? Un manque flagrant d'innovation. L'ensemble des mécaniques qui ont fait le succès du genre prend part à ce voyage qui ne dépaysera que les néophytes... et encore. Affrontements en 1v1000, rage, système de progression inspiré des RPG, jauge de Musô... Samurai Warriors : Spirit of Sanada recycle le gameplay de ses prédécesseurs, à commencer par l'objectif des héros qui n'a pas changé d'un iota. Éliminer un certain nombre d'officiers dans le temps imparti, tel est votre credo. Malgré tout, le fun explose à l'écran sous une gerbe d'effets visuels survitaminés.
Signe distinctif du parfait Musô, des milliers d'ennemis se fracassent avec ferveur sur des enchaînements aussi faciles à sortir que dévastateurs. Une brise grisante de pur contrôle caresse vos sens après une poignée d'heures à expédier ad patres des cargaisons entières de clones à l'intelligence limitée, voire inexistante. Cette chair à canon n'a pour seule utilité que de remplir vos jauges de rage et de Super avant un combat face à un officier. Alors oui, une répétitivité de fait se dégage du titre, une répétitivité liée à cette vision japonaise du Beat'em All. Mais OMEGA Force n'est pas dupe. Le Musô est par essence redondant et compense cette tare par un contenu dense (25-30 heures seront nécessaires pour poncer ce Samurai Warriors).
La vie du clan s’écoule paisiblement dans un village servant de Hub pour l’ensemble des mécaniques RPG incluses dans ce Samurai Warriors. Le marchand, le camp d’entraînement, la librairie, le forgeron… sont autant de services mis à disposition des Sanada pour améliorer leurs armes, concocter des potions, apprendre de nouvelles attaques ou encore prendre du galon par une montée de niveau en échange de points d’XP glanés lors des batailles précédentes. Et si l’envie de vous dégourdir les gambettes est insoutenable, l’exploration des alentours devrait combler ce besoin pressant avec pour récompense des matériaux et de l’Or, tous deux nécessaires pour profiter des activités du village. Et rien de mieux que de taquiner la carpe ou de prendre un thé en compagnie de ses compagnons pour se détendre. Sans avoir un réel impact sur l’aventure, ces petits à-côtés sont essentiels à l’ambiance et participent à cette intimité tant désirée par le titre.
Koei Tecmo ne se repose pas pour autant sur ces lauriers et innove par touche. Au-delà d’une aventure structurée désormais en Multi-Stage, le gameplay a légèrement évolué. Au rang des nouveautés, les stratagèmes tiennent une place de choix. Ces événements scriptés se déclenchant selon le bon vouloir du joueur, bouleversent un tantinet la formule et facilitent la progression des héros sur le champ de bataille. Lancer une attaque surprise sur le front, faire appel à des assassins… ces actions se payent comptant en Sanada Coins obtenus en remplissant divers objectifs et quêtes (parler à un NPC dans le village, abattre 1000 ennemis, éliminer tous les officiers), et requièrent des conditions particulières pour être activées. Ce gimmick a le mérite d’exister, même si la franchise était en droit d’espérer des évolutions bien plus significatives.
En route pour la capitale Kyoto
Les “sabres” du temps
Les productions OMEGA Force ne se sont jamais démarquées de la concurrence par leur maîtrise technique et ce nouvel épisode perpétue cette tradition en embarquant le moteur de Samurai Warriors 4 sorti sur PlayStation 3 il y a de cela 3 ans.
Le surplus de détails souffre ici d’un aliasing prononcé qui transforme la végétation en bouillie de pixels sans parler des textures datées et d’un manque d’animations donnant des allures de poupées désarticulées aux fantassins. Cependant, la modélisation des officiers est à la hauteur des productions actuelles et leurs animations témoignent d’un amour sans fin du studio pour la castagne. Les attaques fusent, les ennemis s’envolent à l’impact et les effets visuels, marque de fabrique du studio, retranscrivent à merveille la violence des combats et cachent une “Production value” en dents de scie. Chaque coup porté a le droit à son FX. Chaque attaque Musô prend le temps de la pause. L’écran se recouvre alors de couleurs criardes mêlant Kitsch et Over the Top au cours d’un spectacle "Son & Lumière" que Jean-Michel Jarre lui-même ne pourrait renier. Samurai Warriors : Spirit of Sanada joue seulement sa partition, mais le fait sans fausse note. Et c’est bien là l’essentiel.
Points forts
- Le Musô par excellence...
- Un sentiment toujours aussi grisant de puissance et de contrôle
- Une vision romancée du Japon féodal et de la destinée du clan Sanada
- Un casting de gala composé de plus de 60 officiers jouables (dont 5 nouveaux)
- Une durée de vie honorable avec pas moins de 25 heures de jeu
Points faibles
- ... accompagné de ce sentiment de répétition propre au genre
- Des innovations trop anecdotiques
- Une aventure exclusivement en japonais sous-titré anglais (VOSTA)
- Une réalisation datée (aliasing, textures, mise en scène...)
Samurai Warriors : Spirit of Sanada ne restera pas dans les mémoires pour avoir fait évoluer un genre. A l’exception de quelques nouveautés de gameplay, le titre de Koei Tecmo recycle la recette du parfait Musô, mais le fait avec panache. A noter l’approche intimiste d’un scénario centré sur le clan Sanada et par effet de bord cette proximité qui s’établit avec cette poignée de héros. L’amour sans fin d’OMEGA Force pour les joutes en 1vs1000 est indéniable tout comme la générosité de ce studio qui assure le show, à défaut de révolutionner le marché du Beat’em All. Et la technique confirme ce manque de prise de risque. En réutilisant le moteur de son prédécesseur, Spirit of Sanada se prive d’avancées techniques majeures et se contente d’ajustements louables, mais insuffisants en 2017.