Genre en pleine ascension au cours des 90's avec les sorties successives de Resident Evil (1996), Silent Hill (1999)..., le survival-horror perdit de son intérêt auprès d'un public attiré par l'épique et la pyrotechnie. Les années s'écoulèrent, la peur attendant patiemment un peuple en quête de frisson, de sursaut et d'expérience singulière. 2010's... la survie et l'horreur profitent d'un regain d'intérêt et les projets se multiplient. Fer de lance de cette vague horrifique, Outlast redéfinissait en 2013 les contours du genre avec sa vue subjective, sa réappropriation des codes et cette constante fuite en avant. Et le studio Red Barrels ne compte pas libérer cette tension qui aura tant marqué les esprits. Outlast 2 tambourine à vos portes les mains couvertes de sang et l'oeil hagard. Courez pour vos vies pauvres fous !
La console hybride de Nintendo s’encanaille en 2018 avec l’arrivée sur l’eShop de l’horrifique Outlast 2 et sa vision sectaire d’un état d’Arizona oppressant. Moins d’un an après une sortie remarquée sur PC et consoles de salon, le survival-horror du studio Red Barrels traîne sa pioche ensanglantée sur Nintendo Switch. Développé à l'origine sous le moteur Unreal Engine, ce portage n’a pas été effectué au forceps. Dans l’ensemble, le travail réalisé par les développeurs est d’excellente facture et n'entache en rien l’aventure asphyxiante née de l’imagination torturée des artistes et des scénaristes. En l’état, Outlast 2 conserve qualités et défauts de jeu d’origine. La puissance de la Switch étant moindre, cette dernière consent quelques concessions pour garantir un affichage en 1080p sur téléviseur et 720p en mode portable, le tout en 30 images par seconde. Certaines textures en basse résolution au sein des environnements extérieurs détonnent. De plus, la taille minimale des sous-titres empêche tout simplement leur lecture une fois la console en mains, un raté sans réelle incidence, mais qui fait légèrement tâche face à ce portage de qualité. À noter également le nouveau mode de difficulté offert par Red Barrels. Intitulé “Histoire”, celui-ci transforme un périple éprouvant en parcours de santé et se destine aux joueurs occasionnels désireux d’explorer Outlast 2 sans stress et en sifflotant.
Extrait de gameplay de la version Switch
Terroir fais-moi peur
Un vent d'inquiétude souffle sur l'état d'Arizona depuis la découverte sur le bord de la route du corps sans vie d'une jeune fille, qui plus est enceinte. Alors que les autorités locales ont conclu à un suicide par auto-strangulation, la journaliste Lynn Langermann et son mari Blake se rendent dans l'arrière-pays afin d'élucider le mystère entourant ce fait divers des plus troublant. Mais l'enquête sera de courte durée. L'hélicoptère les transportant s'écrase sans raison apparente aux abords d'un village reculé. Dans les vapes, notre caméraman tarde à reprendre ses esprits, puis découvre avec effroi la disparition de sa femme. Et le pire reste à venir...
Ce postulat de départ sans grande originalité a le mérite de plonger le joueur «Immediate Stress» dans un scénario torturé aux multiples révélations et conté par le biais de documents indispensables à la compréhesion. La plume de Red Barrels oublie pour un temps le cadre médical du premier épisode et s'intéresse aux dérives sectaires et au christianisme dans ce qu'il a de plus macabre à offrir. Prendre à partie la foi n'est pas chose aisée et les scénaristes tombent à pieds joints dans le pathos. De l'immaculée conception aux 10 plaies d'Égypte en passant par l'Apocalypse, l'Ancien Testament est récité avec passion au point d'en frôler l'indigestion. Outlast 2 est un "film de série B" certes, mais la farandole de poncifs ponctuant le récit prête bien trop souvent à sourire, si ce n'est aux soupirs et perd au passage la finesse de son aîné. Et ce n'est pas l'archétype du flashback télescopant passé et présent qui changera la donne.
Malgré tout, ces 8 heures de survie en rase campagne et les déboires des Langermann se savourent avec sadisme. Le périple est sanglant et ne laisse que peu de place à la béatitude. Red Barrels conte une histoire violente et enchaîne les situations morbides sans interruption aucune. Écartèlement, bûcher, dissection... Outlast 2 donne du corps à son récit par un Torture Porn omniprésent qui pourrait lasser les déviants les plus endurcis. Le plaisir dans la douleur pour les uns... la redondance dans la surenchère pour les autres. Et ce rythme si bien maîtrisé en 2013 perd de sa maestria en Arizona. Ce survival-horror tape un sprint crescendo en apnée et pompe l'oxygène. À être trop intense, Outlast 2 perd de sa saveur, épuise l'esprit et réduit l'impact des scènes... au demeurant marquantes à plus d'un titre.
Vol au-dessus d'un nid de fous
L’horreur est dans le pré
Terres propices aux mythes et légendes, le monde rural d'Arizona invite le couple Langermann à une randonnée sanglante au beau milieu de ses monts et forêts. Limité à un hôpital psychiatrique aux allures de labyrinthe, Outlast premier du nom se contentait d'un espace confiné privé de lumière naturelle. Avec ce second opus, la franchise prend un énorme bol d'air. L'aventure se déroule désormais à ciel ouvert... et pourtant, un survival-horror n'aura rarement suscité la claustrophobie avec autant de ferveur. Outlast 2 met du coeur à l'ouvrage lorsqu'il s'agit de tétaniser le joueur et l'état nord américain joue sa partition à la perfection. Forêts lugubres, fermes isolées et mines prêtes à s'effondrer, la promenade vous fait voir du pays... le souffle coupé.
L'horreur naît d'une tension diffusée avec soin et cette atmosphère oppressante n'est pas étrangère à l'augmentation du rythme cardiaque. La moindre apparition est une invitation au sursaut et à l'angoisse. Et Outlast 2 se nourrit de vos peurs. Insectes, poupées, obscurité... tout y passe. Les créatifs s'en sont donné à coeur joie et s'amusent avec les codes du genre. Les Jump Scare ponctuent ainsi avec entrain ce périple horrifique tout comme le sound design qui rabote votre courage à chaque pas consenti. Les artistes ont repeint ce monde avec une couche de sang et transforment un séjour bucolique en cauchemar à l'aide de visions d'une atrocité sans pareil. Le coeur des braves plie sous le poid des horreurs entraperçues et ce n'est que le début. L'ambiance est une réussite incontestable. Outlast 2 se parcourt les genoux tremblants et le palpitant à 180 bpm (battements par minute).
Développé sous l'Unreal Engine, le titre de Red Barrels n'a pas à rougir de la concurrence et en premier lieu de son concurrent direct Resident Evil 7 sorti en janvier 2017. Le dépaysement est garanti dans les contrées sauvages de l’Arizona. Éclairés par un astre timide, les environnements parviennent à se renouveler et marquent l’âme du pauvre bougre s’aventurant en ces lieux. Outlast 2 dépeint dans le détail cette région coupée du monde et remue tripes et boyaux avec la satisfaction du devoir accompli. Malgré un sentiment persistant de déjà-vu après quelques heures à crapahuter dans les bois, ce survival-horror est une suite continue de séquences iconiques. Sans jamais flirter avec la démo technique, cette aventure ne souffre d’aucun maux et dénote par ce travail titanesque effectué sur l’atmosphère aussi bien visuelle que sonore.
In nomine... ad patres
Pour tous les amateurs de jeux d’horreur, Outlast rime avec confinement, vue subjective, infiltration… et son successeur embrasse pleinement cet héritage. Votre allié de toujours, cette caméra dotée d’une vision nocturne, fait son grand retour et son utilité n’est jamais remise en cause tant l’obscurité est présente au point d’en devenir surréaliste. Bâtiments et extérieur sont plongés dans les ténèbres, parfois sans véritable raison, et ne jouent que trop rarement avec cette caméra par un subtil éclairage brûlant la rétine. Et ce petit bijou technologique possède un micro fort utile pour repérer les ennemis par le son. Un simple grommellement indique une présence et cet outil le capte à plusieurs mètres. Simple gadget en définitif, cette fonctionnalité perd de son intérêt une fois le sprint final entamé.
"Des zones plus ouvertes laissant le choix au joueur." Voici la petite révolution promise par le studio. Reconnu par les amateurs de survie, Outlast se cantonnait à une succession de salles et couloirs, là où cette suite spirituelle s’aventure dans les grands espaces de l’Amérique du Nord...tout du moins sur le papier. Dans les faits, la structure du jeu rappelle celle de son aîné et troque simplement le béton et le ciment pour des arbres et de la terre. L’exploration reste secondaire tout comme les énigmes se comptant sur les doigts d’une main, et seules les piles/bandages vous pousseront à vagabonder sous peine de progresser à tâtons dans des décors qui mettront à mal votre sens de l’orientation. Avec ce filtre verdâtre apposé sur votre rétine, le manque de points de repère provoque de nombreuses morts et remplit une jauge à frustration sous pression.
L’art de la survie réside dans cette capacité à se mouvoir dans l’ombre, faire sien l’environnement et contourner des ennemis à l’intelligence sommaire, mais à la vue perçante. Et les intentions des développeurs sont claires comme de l’eau de roche… Blake Langermann n’est pas un héros. Et pourtant, la condition physique de ce "Monsieur Tout le Monde" ferait pâlir les olympiens les plus affûtés. Champion de course à pied et grimpeur émérite, ce reporter de l’extrême surprend par son endurance et ses prédispositions pour le cache-cache. Un confessionnal, des hautes herbes, un baril plein de sang, les cachettes ne manquent pas et sont indispensables pour traverser les 6 chapitres sans encombre… ou presque car la promesse d’une expérience moins linéaire n’est qu’à moitié tenue. La majorité des “zones ouvertes” ne laisse aucun choix au joueur et n’offre qu’un unique chemin. La destinée d’Outlast 2 emprunte une seule et même voie et s’avère frustrante une fois de plus.
Que serait l’horreur sans un détraqué poursuivant sans relâche ses victimes des heures durant ? L’Arizona renferme bien des secrets et la présence d'un Némésis toujours à vos basques renforce une tension d’ores et déjà palpable. Ce bourreau des coeurs vous One Shot sans sommation. Fuir ou mourir sont dès lors les seules options et vous mourrez encore et encore sous les coups des autochtones. À mon grand désarroi, Outlast 2 prend des allures de Die & Retry. Il est parfois impossible de passer une séquence sans la connaître sur le bout des doigts (qu’il vous reste) et donc de la refaire en boucle en priant pour une miséricorde divine. Au nom de la Frustration… que ta mort soit sanctifiée !
Des retrouvailles sous tension
Et spiritus nineties
De l’inspiration à la copie il y a un cap qu’Outlast avait su ne pas franchir et ce second épisode joue également les équilibristes avec brio. Le bourreau, par bien des aspects, ravive les souvenirs de Pyramid Head (Silent Hill) et du Némésis (Resident Evil 3). Et la saga de Capcom prête pour l’occasion un ersatz de ses décors espagnols et de ses habitants. Une pluie de références s’abat sur l’Arizona sans jamais altérer le plaisir de la découverte et le choc émotionnel provoqué par une aventure qui ne se refuse rien. Et les hommages aux oeuvres majeures du genre pullulent. Films et jeux vidéo nourrissent le script par d’habiles clins d’oeil. Au jeu des 7 références, nous pourrions citer dans le désordre… Le projet Blair Witch, Massacre à la tronçonneuse, X-Files, 2001 Maniacs, La dernière maison sur la gauche, Amnesia et Star Wars... sans jamais y voir une pénurie de créativité, mais simplement un amour transi pour l’horreur et la culture populaire.
Points forts
- Une plongée effrayante au coeur des dérives sectaires
- Une atmosphère oppressante à même de tétaniser les plus endurcis
- Des contrées réculées d'Arizona propices à l'effroi
- Une perpétuelle fuite en avant
- Un hommage au genre et à la pop culture
Points faibles
- Une surenchère rebutante du gore et du Torture Porn
- Un périple "Die & Retry" frustrant
- Un manque d'alternatives pour progresser dans les niveaux
- Un rythme bâtard ne sachant reprendre son souffle
Attendu comme le messie par tous les amateurs de survival-horror, Outlast 2 souffle le chaud et le froid. L’atmosphère oppressante de cet état d’Arizona criant de vérité, le conte morbide des Langermann et la maîtrise des codes de l’horreur insufflent une tension trop rarement atteinte dans un jeu de suvie. Et pourtant, le titre de Red Barrels frustre continuellement le joueur au point de s’estropier par un rush final de 2 heures épuisant, un level design balbutiant et un Die & Retry frustrant.