Le dématérialisé s'affirme mois après mois comme le nouveau moyen de consommation par excellence à l'image de Steam et de son hégémonie sur le marché PC. Profitant des opportunités offertes par la distribution digitale, les projets AAA s'accompagnent la majorité du temps de contenus additionnels moyennant quelques deniers supplémentaires. Ghost Recon Wildlands ne déroge pas à la règle et complète son offre initiale avec un premier DLC intitulé "Narco Road" (inclus dans le Season Pass). Cette nouvelle aventure conserve-t-elle la saveur du jeu originel ou se résume-t-elle à un recyclage sans intérêt ?
Ce test se focalise sur les apports et nouveautés de ce DLC. Ghost Recon Wildlands : Narco Road conserve en l'état les forces et faiblesses du shooter tactique d'Ubisoft et tente de renouveler l'expérience avec plus ou moins de réussite. Plongeons tête la première dans cette criminalité ensoleillée !
Dans le ventre de la Bête
Couper la tête d'une hydre est inutile et les Ghosts l'apprennent à leur dépens. La fin du règne d'El Sueño à la tête du cartel de la Santa Blanca ne laissait rien présager de bon. Le leader n'est plus qu'un souvenir, mais le mal demeure. L'organisation criminelle ne s'est aucunement résignée et continue de diriger d'une main de fer ses affaires en Bolivie et dans le reste du monde. Votre nouvelle mission consiste à infiltrer le gang du baron El Invisible en tant que mercenaire et à le démasquer afin de le traduire en justice. Et cette tâche ne sera pas de tout repos. Nul ne connaît l'identité du grand matador de la Santa Blanca. Et la seule brèche se trouve auprès de ses 3 lieutenants : Eddie Escovado (star auto-proclamée des réseaux sociaux et chef du gang des Kamikazes), Arturo Rey (chef des Death Riders) et Tonio Mateos (chef des Jinetes Locos, "Les Cavaliers fous").
L'histoire narrée dans Wildlands se concentrait sur le démantèlement d'un cartel par des actions de guérilla et une approche directe. "Narco Road" a la sagesse de redistribuer les cartes et de vous placer dans la peau d'un infiltré répondant aux ordres des pires criminels que l'Amérique du sud ait connu. Assaut sur les cartels concurrents, exaction contre les forces de Police de l'Unidad, transport de drogue... vos mains seront couvertes de sang, aveuglés que vous êtes par cet objectif si important aux yeux de la CIA : éliminer El Invisible et ses sbires. Malheureusement, aucun dilemme moral ne vient titiller vos limites et votre sens du sacrifice. Aucun choix, aucune conséquence ne torture vos pauvres âmes. Ce Ghost était, est et restera une coquille vide au cours de ce périple finalement linéaire... un comble dans un monde ouvert si vaste.
Ce récit abandonne intentionnellement sur le bord de la route votre personnage de Wildlands et accueille à bras ouverts un nouveau héros entièrement personnalisable. Narco Road fait table rase du passé et regarde vers l'avenir. Décevant d'un certain côté par cette absence de continuité avec le scénario principal, ce parti pris permet aux joueurs de profiter de ce DLC sans avoir poncé durant des dizaines d'heures le jeu de base.
Mission secondaire : Localiser une voiture de Go Fast
La course à la gloire de l’an 2000
La vie de mercenaire n'est pas de tout repos et les pontes de la Santa Blanca toujours en activité vous en feront voir des vertes et des pas mûres. De la simple vendetta au volant d'un Monster Truck au vol d'un hélicoptère chargé en poudre en passant par l'escorte de V.I.P, les objectifs s'enchaînent sans la moindre minute de répit. 15 missions principales aussi diverses que variées n'attendent que vous et votre soif de justice. Malgré ces bonnes intentions, Narco Road bégaye à plusieurs reprises. La faute incombe à ce manque de finition et de cohérence qui parcourt les 15-20 heures nécessaires pour éliminer El Invisible. Quel est l'intérêt de dérober un hélicoptère lorsqu’une extraction discrète est envisageable si ce n'est pour créer artificiellement de l'épique ? La finesse qui caractérisait Wildlands semble avoir pris des vacances et cela me chagrine au plus haut point.
Que serait un monde ouvert sans sa multitude d'activités et de quêtes secondaires en tout genre ? Ubisoft a une nouvelle fois eu les yeux plus gros que le ventre. Via 4 nouveaux types de missions annexes et des défis Electro, vous gagnerez la confiance de vos employeurs et de nouveaux followers. Dans Narco Road, gloire et réputation sont au coeur de l'expérience. Chaque coup d'éclat est synonyme de gain de popularité. Et plus les réseaux sociaux vous adulent, plus le cartel affichera une confiance inébranlable en vos capacités. Par ce prisme, l'éditeur critique, non sans ironie, les dérives de notre société moderne et ce besoin de reconnaissance à tout prix. Quand bien même, cette jauge de «Fame» est avant tout un garde-fou limitant le Ghost dans ses actions et témoigne de l'artificialité d'une progression cadenassée. Sans le nombre de fans adéquat, les missions principales restent tout simplement inaccessibles.
Mission principale : Libérer une star de la télévision bolivienne
Un déjà-vu bolivien
Les vastes contrées de la Bolivie visitées de long en large durant la traque d'El Sueño s'étendent à nouveau aux pieds de ce Ghost fraîchement débarqué en Amérique du Sud. La diversité des environnements et le travail sur l'éclairage accompagnaient à merveille l'aventure principale et ce soin apporté aux biomes et à l'ambiance ne fait aucunement défaut dans Narco Road. La beauté des montagnes enneigées et des vallées verdoyantes enchante toujours les touristes de la gâchette. Et pourtant, ce DLC ne parvient aucunement à surprendre par ses visuels. En effet, le recyclage des lieux cultes (barrage, temple, villa à flanc de falaise...) et de la flore insuffle un sentiment tenace de déjà-vu... aussi complexe et impressionnante soit la biodiversité affichée. Narco Road n'en reste pas moins une véritable ode à la Bolivie et ses grands espaces que vous pourrez parcourir au volant/guidon de 5 nouveaux véhicules boostés à la nitro.
Points forts
- Une infiltration sous couverture au cœur de la Santa Blanca...
- Un périple Over the Top et survitaminé
- Une critique acerbe des réseaux sociaux et de leurs dérives
- Une Bolivie toujours aussi plaisante à parcourir
Points faibles
- ... dénuée de dilemmes moraux
- Un recyclage systématique des mécaniques et des environnements de Wildlands
- Des missions «Extrêmes» à la finition hasardeuse
Sur le papier, Narco Road avait tout pour plaire en altérant la formule d'origine avec cette approche Over the Top. Dans les faits, ce DLC recycle la majorité de ses mécaniques, de ses situations, de ses environnements... et troque le réalisme de l'épisode principal pour un concours perpétuel de testostérone, quitte à jeter la cohérence aux orties. Cette route sera tantôt plaisante tantôt frustrante... sans jamais laisser de souvenirs impérissables à ceux qui oseront l’emprunter.