Réalisé spécialement pour les amoureux des point'n click à l'ancienne, Thimbleweed Park est le digne successeur de Maniac Mansion et The Secret of Monkey Island. Pour financer cet hommage, les spécialistes du genre, Ron Gilbert et Gary Winnick, sont parvenus à fédérer une grosse communauté qui n'a pas hésité à mettre la main à la poche. Ce sont ainsi plus de 625 000 dollars qui ont été récoltés sur Kickstarter pour que cette suite spirituelle voit le jour. Sous cet amas de pixels colorés se cache une aventure corrosive, très bien écrite, cyniquement drôle et bourrée de références à la pop-culture des années 80 et 90. Si vous voulez savourer un trip rétro comme on en fait plus, c'est le jeu qu'il vous faut !
L'histoire débute en 1987 dans la petite ville de Thimbleweed Park. Deux agents à la Mulder et Scully enquêtent sur un meurtre qui vient de se produire. Le corps encore froid de la victime gît dans la rivière et rien ni personne ne semble en mesure d'élucider le mystère. Afin de reconstituer les faits, les héros n'ont d'autre choix que de fouiller de fond en comble les artères de la cité, en veillant à interroger chacun des habitants. Au gré de leurs pérégrinations, ils vont découvrir que "la vérité est ailleurs" et que la ville regorge de secrets.
UNE BOURGADE DE CINGLÉS
Dire que Thimbleweed Park est un hommage appuyé aux mythiques jeux d'aventure de Lucasarts est un euphémisme. Dès les premiers instants, on retrouve tout ce qui a fait le succès de Maniac Mansion et compagnie. À la manière de Twin Peaks, l'intrigue gravite autour de multiples protagonistes qui entretiennent tous des liens plus ou moins étroits. Au fil de l'investigation, le joueur devra ainsi démêler le vrai du faux en incarnant plusieurs individus. Outre les deux agents fédéraux, le scénario vous placera aux commandes d'un clown grossier, d'une programmeuse geekette ou encore d'un homme prêt à tout pour prendre le contrôle d'une entreprise familiale (et qui va l'apprendre à ses dépens). Tout ce petit monde va croiser des personnages totalement barrés et caractéristiques des productions à la Ron Gilbert. Entre les tocs du langage du shérif (qui ressemble comme deux gouttes d'eau au légiste et au maître d'hôtel), les signaux des Frères Pigeon ou les rites occultes de la diseuse de bonne aventure, les fous rires seront légion ! Thimbleweed Park propose une trame très bien ficelée et à l'écriture extrêmement dense. Si vous êtes férus de ce type d'épopées textuelles, nul doute que vous allez succomber !
UN JEU QUI A DU VERBE
Sans surprise, le gameplay s'articule autour d'un concept à la SCUMM (le célèbre moteur de jeu) avec toute une sélection de verbes. Il suffit d'associer l'un des verbes (ouvrir, prendre, tirer, fermer, voir, pousser, donner, parler et enfin utiliser) aux objets trouvés ou obtenus pour que l'avatar s'exécute et interagisse avec les éléments du décor. Dans l'ensemble, les interactions entre les objets sont assez cohérentes et ne devraient pas estomaquer les amateurs de logique. Pour décoller les timbres d'une enveloppe, il faudra par exemple remplir un verre d'eau et installer le tout avec l'enveloppe dans le micro-onde. Les énigmes sont toutefois bien construites et ne manqueront pas de vous triturer les méninges. Ce n'est qu'au prix de nombreux tâtonnements que vous parviendrez à remplir chacun des objectifs.
Que les plus frileux au genre ne s'avouent pas vaincus pour autant. Les développeurs de Terrible Toybox ont eu la bienveillance d'intégrer deux modes de difficulté. Sélectionnables en début de partie, ces options auront toutefois un véritable impact sur la durée de vie. Et pour cause, en mode casual, certains objets sont prêts à l'emploi et ne poussent pas au crafting. À l'inverse, si vous optez pour la difficulté optimale, vos investigations seront plus longues et exigeront des combinaisons encore plus complexes. Par conséquent, au cours du second chapitre, Delores se retrouvera à cours d'encre et devra, selon le mode de difficulté choisi, récupérer le pot d'encre dans le bureau de son oncle Chuck ou bien confectionner entièrement l'encre en utilisant un jerrican d'essence, de la sauce piquante et du bois pour ensuite récupérer de la suie noire fine. Autant dire que l'on passe du simple au double en terme de temps passé à résoudre chacune des énigmes. Mais au moins, il y en a pour tout le monde et c'est une excellente nouvelle.
SCUMM SCUMM MANIA
Par rapport à ce qui était prévu, Thimbleweed Park a gagné en prestance visuelle. Si le style graphique conserve une approche à l'ancienne, avec son lot de gros pixels, on est tout de même loin des intentions premières du studio. Les personnages et les décors sont soignés, les animations sont teintées de l'esprit des Monkey Island et le rendu demeure plutôt satisfaisant. En clair, tout a été modernisé afin de coller à nos habitudes de grincheux. Nous serons plus critiques pour la partie sonore qui, à défaut d'être ratée, peine tout de même à nous chatouiller les esgourdes. Non pas que ce soit un supplice mais on ressort de l'aventure sans avoir subi de frisson musical, même si certains thèmes sont agréables. Du côté des voix en anglais, c'est parfois inégal mais les intonations et les réactions sont tout de même convaincantes.
D'un point de vue global, Thimbleweed Park est donc bel et bien le point'n click que tout le monde attendait. Sans être parfait, il replonge les joueurs dans les tréfonds des années 80/90 et brise le quatrième mur à de multiples reprises. Nimbé de références et de plusieurs couches narratives, le jeu offre une vraie liberté dans la progression et livre un récit aussi hilarant qu'efficace. Ron Gilbert, Gary Winnick et toute leur team ont vraiment assuré !
Points forts
- Thimbleweed Park est dingue
- Qualité de la réalisation
- Écriture réussie et percutante
- 5 personnages à incarner
- Modes casual/difficile
Points faibles
- Quelques longueurs
- Des lourdeurs dans l'enchaînement des évènements
- Ambiance sonore un peu en retrait
- Surdose d'allers-retours
Porté par une écriture souvent exquise, Thimbleweed Park est un vibrant hommage aux jeux Lucasarts de la grande époque. Décalé, désopilant, stupide et irrévérencieux, il plonge le joueur dans une ville qui ne tourne vraiment pas rond. Les habitués retrouveront rapidement leurs marques tandis que les petits bleus (à l'image de l'agent junior Reyes) se délecteront du mode casual pour un apprentissage en douceur. Une réussite qui va bien au-delà d'un simple simulateur de marche.