Nippon Ichi Software, ou NIS pour les intimes, n'a pas fini de surfer sur les univers noirs et sanglants. Après un Yomawari furieusement réussi, l'éditeur de niche veut renouveler l'exploit avec A Rose in the Twilight. Ce denier peut-il évacuer les défauts du très similaire mais très pénible The Firefly Diary et garder l'éditeur sur de bons rails?
Test réalisé à partir d'une version japonaise, sur une partie complétée d'environ une dizaine d'heures de jeu.
Vous incarnez Rose, une jeune fille au passé inconnu, dans un jeu de plate-forme/réflexion en 2D similaire à The Firefly Diary. Celle-ci s'éveille seule dans un château abandonné et va se trouver possédée par la Malédiction des Ronces, ce qui en retour lui confère certains pouvoirs. De là, son seul but sera de sortir de cet édifice lugubre. Divers parchemins trouvés sur la route vont conter l'inquiétante histoire de cette malédiction à travers le récit de la précédente personne maudite. Le conte n'est pas joli, on est donc tout de suite plongé dans l'ambiance sombre du titre.
Une question de temps
Rose va donc pouvoir faire deux choses : arrêter le temps en aspirant du sang, où le faire redémarrer en octroyant du sang. Typiquement, arrêter un rocher qui chute, faire tomber une dalle, etc. Plus important encore, elle peut stopper et faire redémarrer un ennemi, talent qui sera là encore au coeur de la progression. Rose ne peut avoir qu'un seul "stock" dans la fleur derrière son dos : rien que le fait de "charger" et "décharger" aux bons endroits impose aussi une certaine gymnastique cérébrale... ainsi qu'un certain sens du timing ! En cas de blocage (car ça arrive), Rose peut tout simplement se suicider pour revenir au checkpoint précédent. Ambiance, ambiance...
En errant dans le château, Rose va rencontrer un Titan, qui ne l'attaque pas et se propose même de l'aider à sortir de ce sinistre endroit. C'est là qu'on a toute l'étendue du gameplay de A Rose in the Twilight, car Rose et le géant se complètent parfaitement. Celui-ci pourra par exemple porter Rose pour qu'elle échappe à certains pièges, ou la lancer vers des endroits surélevés. Il va aussi pouvoir porter des objets lourds, ce qui servira à libérer comme à construire un passage. En outre et contrairement à Rose qui décédera au moindre contact avec un monstre ou d'un élément nocif du décor, le géant est invincible et pourra progresser relativement loin pour actionner des interrupteurs par exemple. Mais l'éloignement est en réalité une difficulté supplémentaire car Rose et son grand compagnon doivent impérativement être ensemble pour sortir d'une zone. Il faut donc non seulement penser judicieusement les rôles respectifs de la fille et du géant pour résoudre les puzzles, mais également se ménager une porte de sortie.
Sang pour sang réflexion
A Rose in the Twilight propose une bonne variété d'énigmes de complexité parfaitement progressive. Il n'y a rien d'évident et il faut souvent voir les problèmes sous des angles différents pour pouvoir avancer. L'architecture des cartes redouble sans cesse d'ingéniosité et d'originalité pour garantir un intérêt constant et un degré de réflexion toujours croissant. De plus, à aucun moment le jeu n'est répétitif car, en plus de l'entraide toujours plus poussée entre les deux compères, la réflexion apporte constamment des éléments nouveaux : l'arrosoir permet de faire pousser les plantes et stimuler les larves, le canon déblaie le terrain, les barils sont à la fois une arme et une cachette... Il faudra également repeindre des tableaux selon des règles bien particulières, ou encore remettre des livres en place selon un récit allégorique complètement farfelu.
La jouabilité est (heureusement) bien plus posée et précise que dans The Firefly Diary : l'inertie insupportable a disparu et surtout le fait que les deux personnages soient contrôlés distinctement évite les prises de tête (le changement de personnage se fait simplement avec R). Mais tout n'est pas parfait, notamment au niveau des contrôles. sert à peu près à tout, ce qui est source de confusion. Le géant va par exemple ramasser Rose avec , mais aussi la lancer avec ce même bouton alors c'est pour la poser. Du coup, on a tendance à la lancer au mauvais moment, et surtout un peu trop loin... Même problème pour les objets, il n'est pas rare de lui balancer un banc dans la figure par erreur ! Autre bémol, les séquences en “mouvement” (en glissade ou des sur plates-formes mouvantes) trahissent un peu l'imprécision du saut et peuvent conduire à s'arracher les cheveux. Encore une fois, ces soucis sont purement périphériques dans un ensemble qui répare beaucoup les inconforts de gameplay du précédent titre.
Le Rouge et le Noir
A Rose in the Twilight est glauque. C'est encore plus noir dans la thématique que Yomawari. Le jeu est centré sur des thèmes comme la mort, la souffrance, l'exclusion... On est en fait dans une expérience infinie de la mort, car Rose est enfermée par la malédiction dans le cercle vie/mort. Ce jusqu'au-boutisme dans la noirceur fait de A Rose in the Twilight une oeuvre unique qui explore le côté le plus sombre de l'âme humaine, sans toutefois tomber dans le négativisme. La musique d'ambiance, sombre et légère, accompagne bien l'exploration mais surtout fait ressortir les bruits de pas sourds qui donnent une impression de désolation. Le design, comme d'habitude avec ce genre de production NIS, a du caractère, notamment par l'opposition du rouge et des nuances de gris. Enfin, le développeur prend un malin plaisir à piéger le joueur au moyen d'un embranchement scénaristique dont l'une des issues est profondément cruelle.
Mais pour autant qu'il est profondément inquiétant, A Rose in the Twilight garde comme Yomawari un petit côté suspense et émotion. Il y a d'une part les flashbacks qui racontent l'envers du décor : il faudra pour cela récupérer les tâches de sang dissimulés ici et là dans les niveaux, ce qui fait office de quête annexe tout au long de l'aventure. D'autre part, et surtout, l'enchaînement de la séquence finale est une nouvelle fois marquant.
Bande-annonce : A Rose in the Twilight
Points forts
- Enigmes variées et complexes
- Tour de force artistique
- Rendu magnifique sur OLED
- Ambiance et histoire prenantes
Points faibles
- Assez court
- Quelques phases de plate-forme irritantes
Après Yomawari, Nippon Ichi Software reste au meilleur de son art avec A Rose in the Twilight. Avec un trait toujours unique, une ambiance sans faille et des sentiments communicatifs, cette nouvelle œuvre sombre est encore une fois une expérience à part, doublée d'un excellent jeu de réflexion. En contrepartie, l'aventure reste plutôt courte.