L’annonce surprise d’un Double Dragon IV par Arc System Works avait réussi à égayer la curiosité de nombreux gamers aguerris, prêts à en découdre à grands renforts de mandales et de nostalgie. Et puis à un moment, on a la manette dans les mains…
C'est dans les vieux pots...
Pourrais-je résumer mon amour pour Double Dragon II en quelques lignes ? Sorti à la fin des années 80, ce beat’em up était la quintessence du genre, avec des passages devenus épiques, des musiques inoubliables et un gameplay aux petits oignons. Des heures passées avec des potes à tatanner du punk (c’est le but du jeu, j’y peux rien!) jusqu’au boss final ! Des souvenirs à la fois si proches et si lointains que l’annonce de Double Dragon IV a su faire resurgir, une pépite clinquante qui fait largement partie de l’histoire du jeu vidéo.
Et c’est donc avec un aplomb consternant qu'Arc System Works s’est dit, après une concertation qui n’aura certainement pas duré plus de dix minutes : « Hey, et si on détruisait tout » ! Voilà comment est né Double Dragon IV. Car soyons clair, cet opus est un affront à la série et à ses fans, voire à tout bon gamer qui se respecte un minimum. Dans l’idée, un titre aux élans 8-bits qui reprend directement le design de Double Dragon II, le meilleur épisode de la série (Coucou Rivaol !), ça ne peut-être qu'une bonne chose. Aux coups iconiques tels que l’uppercut, le coup de genou ou l’hélicoptère aérien ont été ajoutés une poignée de mouvements supplémentaires, comme une vrille latérale complètement pétée, par exemple. En règle générale, les coups sortent très facilement, même si l’obligation d’être en direction neutre pour certaines techniques s’avère plus pénible qu’autre chose.
... qu'on fait des soupes immondes
Mais le problème n’est pas là. Non, le problème, c’est tout le reste. Certes, le scénario est ultra basique, mais on en attendait pas plus d'un jeu du genre et retrouver les frères Lee qui tabassent du vilain nous suffit largement. Par contre, le level design basé sur des arrivées sans queue ni tête de packs d’ennemis, on s’y attendait déjà moins. Aucune structure, aucune sensation de montée en puissance, encore moins de logique, bref, l’échec à tous les étages. Voilà qu’on nous livre juste des palanquées de sbires un peu au pif sans aucune notion de mise en scène. « Qu’importe si les combats sont fun » dites-vous ? C’est justement là que l’histoire devient drôle.
Alors que mon expérience vidéoludique personnelle s’étale maintenant sur plus de 30 ans, je pense que jamais je n’ai vu une intelligence artificielle aussi ridicule que celle de Double Dragon IV. Et croyez-moi, ce n’est pas peu dire. On pourrait pratiquement lire leurs deux lignes et demie de codes s’afficher à l’écran tellement ils sont neuneu. En gros, ils viennent vers vous et ils tapent. C’est tout. Vous êtes par terre ? Ils tapent dans le vide. Vous tombez dans un trou ? Ils se suicident en essayant de vous rejoindre. Vous êtes sur une platee-formee légèrement surélevée ? Ils restent figés comme des plots, puisqu’ils n’ont même pas été codés pour sauter afin d’éviter un obstacle… Et pour ceux qui se poseraient la question, oui, les ennemis étaient capables de gérer toute ces situations plus correctement dans Double Dragon II. Belle régression dites donc... Mais le plus drôle, c’est de se rendre compte qu’aucun ennemi n’est capable de se rendre sur la ligne la plus basse et la plus haute des niveaux, ce qui en fait des sortes de safe zone totale…
Pour vous donner une idée de l’impact de l’intelligence artificielle sur le gameplay, faisons simple : Il est possible de finir le jeu en utilisant une seule technique, l’hélicoptère (oui, ce n’est pas le nom officiel, mais si vous connaissez Double Dragon, vous savez de quoi je parle). Si vous effectuez cette attaque au moment où un ennemi se relève, il se la prend automatiquement, quoi qu’il arrive. Tous les ennemis… Même le boss final. Elle est pas belle la vie ? Autant dire que cela finit de ruiner une expérience déjà chaotique, d’autant que la technique permet d’éviter de se faire coincer dans une boucle infinie où vous vous faîtes enchaîner par une horde d’ennemis à peine relevé. Du coup, finir les douze niveaux s’avère simple comme bonjour, ce qui se fait en moins de 40 minutes accessoirement…
Si vous n’êtes pas déjà abasourdi par ce désastre, peut-être vous risquerez-vous dans les deux autres modes de jeu ? D’un côté, il y a le mode Tour, un bête survival étage par étage à la fin duquel vous pouvez affronter le boss final de Double Dragon II (Spoiler alert ! Ah, j’aurais dû le dire avant peut-être ?). De l’autre, vous avez un mode versus à deux, tout juste bon à nous rappeler que le gameplay de Double Dragon IV est complètement inintéressant en VS puisqu’on passe son temps à se courir après comme des abrutis. En fait, le seul bon point du jeu tient en la possibilité de jouer avec tous les ennemis (et d’utiliser leur palette de coups) mais franchement, ça ne sauve pas le titre de Arc System Works de la misère. Non, sérieusement, faites comme-ci ce jeu n’avait jamais existé et rejouez plutôt à Double Dragon II, meilleur en tous points !
Points forts
- On peut incarner les ennemis
- Le design à l’ancienne, pour la nostalgie
Points faibles
- Le niveau zéro du level design
- Le niveau zéro de l’intelligence artificielle
- On peut finir le jeu avec un seul coup
- Le contenu est famélique
- Vous aurez la joyeuse impression de vous être fait arnaquer
- Ce n’est pas une impression
Cela me fait bien mal au coeur de mettre une note pareille à un jeu d’une licence chère à notre enfance, mais diable, Double Dragon IV est une insulte à la série et aux jeux vidéo. Codé sur un coin de table, le beat’em up d’Arc System Works réussit l’exploit de rater tout ce qu’il entreprend, en sachant qu’à la base, il n'entreprend pas grand-chose. Son intelligence artificielle buggée jusqu’à la moëlle et son level design sans aucune logique sont l’apanage d’une production fainéante qui n’aurait jamais dû exister. Bref, passez votre chemin, détournez les yeux, ignorez jusqu’à sa silhouette et vous vous porterez bien mieux...