Tandis que la tendance actuelle semble être à la découverte de l’espace, les développeurs d’Arachnid Games se laissent plutôt inspirer par les profondeurs marines. Directement inspiré de l’ouvrage Vingt mille lieues sous les mers, Diluvion est un jeu d’aventure immergeant les joueurs dans un mystérieux univers sous-marin. S’agit-il d’un énième titre d’exploration, ou d’une véritable bonne pioche possédant sa propre identité ? Il est temps de se jeter à l’eau pour le découvrir.
Bande-annonce de Diluvion, sur PC et Mac
SOUS L’OCÉAN
Qu’on se le dise immédiatement : le monde de Diluvion n’est pas des plus accueillants, et il ne s’agit pas de contempler les coraux en toute sérénité. En vérité nous avons affaire à un contexte post-apocalyptique, décrit par le biais d’une courte introduction animée. Cette séquence nous apprend qu’autrefois les humains vivaient en surface et en paix ; ils ne manquaient de rien et l’harmonie était le maître-mot. Cependant le mal vivait en chacun d’eux, et ils ne purent s’empêcher de se livrer une guerre sans merci. En punition les dieux provoquèrent un puissant déluge qui engloutit la Terre, avant d’emprisonner ses survivants sous une épaisse couche de glace. Aujourd’hui, les humains sont donc livrés à eux-mêmes dans des cités sous-marines, sans espoir de revoir la lumière du jour.
Il existe pourtant une divinité, Lun, qui a choisi de leur donner une chance en déposant une merveille au plus profond de l’océan. S’agit-il d’une source de connaissances, d’un indispensable outil ? Nul ne le sait, mais tandis que certains s’évertuent à forer la glace, notre tâche sera de rechercher cette légende, qui est peut-être l’unique salut de l’humanité. Tel est le contexte instauré par Diluvion, qui tire donc son nom du fameux Déluge raconté dans bien des cultures. Un contexte catastrophique, duquel naîtront pourtant de belles aventures.
UNE VIE DE CAPITAINE
C’est avec l’espoir de mettre la main sur cet objet providentiel que nous nous aventurons dans les profondeurs de Diluvion. Non pas avec une combinaison de plongée, à l’instar de Subnautica, mais à bord d’un impressionnant submersible. Le titre commence d’ailleurs par le choix de notre vaisseau, parmi trois bâtiments plus ou moins rapides et résistants ; six autres pourront être trouvés lors de nos aventures. Une fois cela fait, nous pouvons commencer à recruter les premiers membres de notre équipage et entamer notre première quête.
Il est en effet nécessaire de souligner que Diluvion est résolument tourné vers l’aventure ; et si le sentiment de découverte est constant, la trame scénaristique se déroule quant à elle de façon linéaire. Notre expérience est ponctuée par de nombreuses rencontres, qui font avancer notre quête : une mission après l’autre, nous remportons des matériaux pour améliorer notre vaisseau, nous gagnons le droit d’accéder à la zone suivante… Il y aura trois grands environnements à découvrir, à travers ce récit qui retiendra notre attention une bonne vingtaine d’heures. On peut regretter la nature quelque peu "Fedex" des quêtes, et l’absence d'objectifs secondaires. Cependant, ces missions sont un prétexte à l’exploration qui elle, est le point le plus réussi du titre.
Diluvion a une identité singulière et enchanteresse, qui reprend les codes de l’œuvre de Jules Verne. Nous sentons très vite que les développeurs ont beaucoup travaillé à nous mettre dans la peau d’un pionnier, visitant un monde aussi fascinant qu’inquiétant. Les décors sont monumentaux et inspirés ; le directeur artistique a opté pour un style rétro-futuriste, steampunk, qui n’est pas sans rappeler Bioshock. La magie opère car en l’absence de lumière, nous découvrons notre entourage au dernier moment : quelle est cette ombre se dessinant au loin ; une épave centenaire, un ennemi redoutable ? Nous ne le saurons qu’en tâtonnant, et en esquissant les contours de notre entourage grâce à notre radar. De plus si nous avons une carte qui se complète peu à peu, nous ne nous voyons pas dessus et devons donc nous repérer à la boussole, ce qui renforce encore notre immersion.
La bande son du titre participe avec justesse à son atmosphère énigmatique. Près de la civilisation et de la lumière, la musique est légère et incite au voyage ; mais si l’on peut aller de l’avant, la grande verticalité du jeu nous emmène aussi dans les crevasses les plus profondes, où l’habillage visuel et sonore change du tout au tout. La bande originale est donc très réussie, et certaines pistes ont un petit air de Morrowind… Ne cherchons pas plus loin, le compositeur Michael Ward a également créé l’OST du mod "Skywind". Généralement très douce, la musique peut cependant s’emballer lorsque de détestables pirates attaquent notre équipage.
NAVIGUER EN EAU TROUBLE
Le Déluge aura laissé derrière lui un monde déchiré et faible en ressources, où chacun fait ce qu’il peut pour survivre. Si certains font de la collecte au fond de l’océan, d’autres n’hésitent pas à saborder les vaisseaux ayant le malheur de passer à proximité. Heureusement notre bâtiment est équipé pour ce genre d’aléas : il est possible de tirer de la "mitraille", confectionnée à partir de morceaux de ferraille trouvés ici et là ; mais également des torpilles, bien plus rares et puissantes.
Les affrontements ne s’improvisent pas, et un soupçon de gestion s’impose. D’un clic de souris, ou d’une pression de bouton sur notre manette, nous pouvons voir l’intérieur de notre sous-marin ; tandis que la quasi-totalité du jeu est en 3D, cette vue intérieure est toute en 2D, ce qui rappelle dans sa forme le jeu Faster Than Light. Ici nous voyons quatre postes : la timonerie, le sonar, la torpille et l’artillerie ; nous pouvons y assigner différents membres d’équipage, selon leurs statistiques, afin de soutenir ces postes. Parce qu’il est difficile de gérer cela sous le feu ennemi, une sorte de phase de bullet time appelée "temps du capitaine" ralentit l’action durant quelques secondes, et nous permet de donner des ordres rapidement avant de retourner au front.
Les combats ne constituent pas le point le plus réussi de Diluvion, surtout en raison d’un manque de maniabilité. Les contrôles au clavier et à la souris requièrent de revoir l’assignation des touches, via un menu un peu cryptique et pas entièrement traduit. Plus accessible à la manette, la direction de notre sous-marin reste lourde et peu intuitive. Il s’agit en effet d’utiliser le joystick pour plonger et remonter, tandis que les touches LB et RB servent à changer de vitesse, de "lente" à "surrégime". Déjà un peu problématique lors de l'exploration, ce manque de réactivité devient un casse-tête lors des combats.
Malgré leur bonne réalisation visuelle et musicale, ceux-ci s’avèrent éreintants. C’est de façon très régulière que nous croisons des ennemis, quasiment impossibles à éviter, et nous frottons à la maniabilité très perfectible de Diluvion, mais également à ses ressources rares. Les munitions sont en effet loin d’être limitées, tout comme la nourriture de l’équipage et bien entendu, l’oxygène. S’il est déjà de base difficile de faire un voyage sans escale pour recharger cette denrée, les affrontements nous retiennent encore davantage, mettant notre excursion en péril. Heureusement à force de patience, nous collectons davantage de bouteilles d’oxygène, améliorons la résistance et la vitesse de notre submersible, recrutons des marins expérimentés… De quoi nous tirer victorieux de combats de boss impressionnants et rigoureux, cristallisant tout l’intérêt de Diluvion : la rencontre avec le mystérieux et l’inimaginable.
Depuis l'écriture de cet article, Diluvion a été patché une première fois et promet la liste des correctifs suivants :
- Ajustement de la navigation et des contrôles
- Curseur du champ de vision étendu - jusqu'à plus de 35° (~90° au total)
- Icônes et polices modifiées sur la boussole pour une lecture plus claire
- Ajustement des checkpoints et ajout de checkpoints sur tous les points de repère
- Sauvegarde au dernier checkpoint avec un réservoir d'air rempli quand le niveau d'air est vide
Notre gameplay de Diluvion
Points forts
- Une immersion totale et une découverte constante, achevée grâce au sonar et à la boussole
- Le travail sur la verticalité des environnements
- La direction artistique steampunk, qui arrive à trouver sa propre identité
- La bande son, très bonne
- Un mélange de 2D et de 3D qui fonctionne bien
- De nombreuses références
Points faibles
- Une succession de quêtes linéaire et peu engageante
- Une maniabilité qui hérisse les poils
- L’interface, austère et pas entièrement traduite
- Des combats nombreux et fatigants
- Une gestion millimétrée des ressources
Une agréable surprise que ce Diluvion, dans le sens où il vient apporter une petite brise marine à ce début 2017. Le titre d’Arachnid Games est pourtant loin d’être exempt de défauts. Brut de décoffrage, il est à l’image de notre sous-marin : ce coucou-là ne se laisse pas apprivoiser facilement, et se dirige avec une importante lourdeur. C’est lors des affrontements par ailleurs très nombreux que la lumière est faite sur cet écueil. Avare en ressources comme en explications, l’opus a de quoi rebuter et parvient tout de même à retenir notre attention. Pourquoi ? Parce qu’en termes de mise en scène, d’atmosphère, d’ambiance musicale, les développeurs parviennent avec brio à faire naître en nous la flamme de l’exploration. Si vous avez 20€ dans votre pot à curiosité, dirigez votre trois-mâts sur ce titre inégal mais assez passionnant.