Dans l'univers de la gestion et du management, le jeu vidéo reste assez frileux. Si la série Football Manager règne en maître dans ce domaine, on ne peut pas dire que le genre se bouscule dans les starting-blocks. Pendant des années, les amateurs de sport automobile ont attendu la venue du jeu-prodige, capable de les immerger dans les coulisses de la F1. Avec Motorsport Manager, un titre déjà paru sur mobiles et tablettes, les développeurs de Playsport Games offrent aux joueurs la possibilité de prendre la tête d'une écurie pour propulser leurs pilotes vers les sommets. Mais se grimer en manager n'est pas donné à tout le monde, il faut des reins solides pour choisir la technologie adéquate et s'adapter aux différents aléas d'une saison. Et c'est sans doute ce qui rend cette production si intéressante !
Sans surprise, ou presque, c'est SEGA qui a décidé de tenter le pari avec Motorsport Manager. Déjà éditrice de l'incontournable Football Manager, la firme japonaise élargit son domaine de compétences et brave le défi des paddocks. Malgré le succès d'estime du jeu mobile, les développeurs ont dû revoir l'oeuvre originale pour l'adapter aux exigeances des utilisateurs de PC et de Mac. Mais en travaillant de concert avec l'équipe de Playsport Games, SEGA est parvenue à apporter l'expérience de Football Manager dans le microcosme de la F1 numérique. À une exception près...
DU FICTIF CALQUÉ SUR LA RÉALITÉ
Cela pourra brusquer les puristes de la discipline mais l'éditeur japonais n'a pas pu obtenir les licences officielles. Propriétés de Codemasters et KOCH Media, celles-ci n'apparaissent que sous la forme de noms et couleurs faisant référence aux vrais pilotes et écuries. Par conséquent, si vous souhaitez reconstituer l'intégralité de la saison à venir, il va falloir passer de longs moments dans l'éditeur. Pour toucher au maximum à la réalité, cela sera un passage obligé pour réordonner les noms, les dates, les écuries, etc. Il en va de même pour les tracés qui ne sont que des variantes de circuits utilisés durant le calendrier officiel. Malgré tout, on reconnaît aisément chaque piste (Monza qui devient Milan par exemple) et on en vient à oublier ce léger désagrément. C'est d'autant plus vrai que ces "détails" ne viennent entacher en rien la passion qui ressort d'une telle production. Les développeurs de Playsport Games sont assurément des fous de l'automobile et on ne tarde pas à le découvrir.
QUAND LA POLITIQUE SE MÊLE AU SPORT
À l'instar d'un Football Manager, la partie débute par la création de votre avatar. Dans les grandes lignes, les options restent classiques mais l'utilisation d'un domaine de compétences apportent un aspect stratégique intéressant. Vous devez ainsi attribuer à votre pilote une expérience de pilote, de financier, d'ingénieur ou même de politique (le jeu instaure un système de votes intitulé GMA qui s'apparente à la célèbre FOTA, l'association des équipes de Formule 1). Bien évidemment, cette sélection aura un impact sur les relations que vous entretiendrez avec le monde de l'automobile (les mécaniciens, les sponsors, les pilotes...), tout comme elle définira vos aptitudes en matière de gestionnaire. Et pour une approche encore plus fun, il est possible d'adjoindre la capacité d'outsider à votre personnage, autrement dit une absence totale d'expérience. Le petit bleu qui prend le contrôle d'une écurie, avouez que ça donne envie ! Tout comme dans Football Manager, chacun de vos choix sera primordial pour atteindre l'excellence dans les diverses catégories. Pour gagner des galons, chaque élément aura son importance : l'équilibre du budget, la sélection des pièces équipant le véhicule, la recherche et le développement, la gestion du staff et des pilotes... rien ne doit être remisé au placard !
TOURNÉ VERS LE GRAND PUBLIC
Pour autant, afin de ne délaisser aucun joueur, les créateurs du jeu ont simplifié la réalité. Si l'aspect financier est important, il se laisse dompter sans qu'il y ait à passer des heures à se triturer les méninges. On remarque aussi quelques ajustements, ici et là, pour atténuer l'aspect ascétique de la gestion en général. Par exemple, pour les sponsors, vous n'aurez pas à partir à la pêche, ils viendront directement vous proposer leurs services. Libre à vous d'accepter ou non. Là où Motorsport Manager devient passionnant, c'est dans la montée en puissance de vos performances. Au fil de vos exploits, vous pourrez ainsi signer dans une autre écurie en tentant des paris de plus en plus osés, comme embaucher des pilotes au caractère bien trempé, quitte à risquer des indemnités (élevées) de licenciement en cas d'échec. Toutes ces données participent à l'équilibre et à la cohérence du jeu. C'est d'autant plus vrai que les plus craintifs pourront, petit à petit, apprendre les rouages du métier grâce à un tutoriel soigné et réussi. Dans ces conditions, on ne peut saluer cette première tentative, même si tout n'est pas parfait. Les assoiffés des chiffres et des calculs auront sans doute plus de mal à accepter le manque de possibilités liées à la finance. Il est par exemple impossible d'effectuer un crédit et la plupart des opérations se résument à une simple consultation des dépenses et recettes. Tout l'inverse de la mécanique et des courses qui, eux, sont assez poussés !
DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
En course, un visuel permet de suivre l'évolution de vos véhicules et d'agir, en temps réel, sur la mécanique, tout en choisissant le niveau d'attaque de vos pilotes. Celui-ci, classifié en cinq points, peut ainsi vous faire grappiller quelques places au classement mais ça sera au détriment de l'usure de vos pneus. Vous aurez aussi à choisir le moment opportun pour passer aux stands. Ce mix entre tactique et gestion est assurément l'une des plus grandes réussites de ce Motorsport Manager et chaque course est un apprentissage à l'anticipation. Cela peut aller du comportement des pilotes adverses à la météo en passant par les évènements qui se déroulent en temps réel sur la piste. On doit d'ailleurs souligner la qualité globale de l'interface et du rendu graphique. Alors oui, ce n'est pas avec Motorsport Manager que votre carte graphique se mettra à fondre mais le visuel est franchement correct, avec de beaux effets et une 3D propre et léchée. Si vous êtes fans du genre, que vous attendiez ce type de productions depuis des lustres, c'est le moment de craquer ! Le jeu de SEGA souffre peut-être de l'absence d'un mode en ligne et de quelques éléments survolés (finance, IA qui tente des dépassements improbables, manque de choix de stratégies durant les courses...) mais il signe une première tentative des plus honorables. C'est simple, il possède de tels atouts qu'il peut intéresser les joueurs qui ne sont, à l'origine, pas attirés par ce type de jeu.
Un jeu qui parlera aux amateurs d'automobile... et aux autres.
Points forts
- Un jeu de gestion dans l'univers de l'automobile
- Le dynamisme et le déroulement des courses
- Interface réussie
- Prenant et de longue haleine
- Le mélange entre stratégie, gestion et politique
- Le tutoriel très bien fichu
Points faibles
- Le système des transferts
- La partie financière en retrait
- IA à peaufiner
- Aucun mode en ligne
- Pas de licences officielles
- Au bout d'un moment, le jeu devient trop facile
S'il n'a peut être pas l'étoffe d'un F1 Manager ou du mastodonte Grand Prix Manager 2, Motorsport Manager réussit presque tout ce qu'il entreprend. Grâce à ce titre, les coulisses de l'automobile n'auront plus de secrets pour vous. Les décisions ont un réel impact sur les performances des pilotes, des mécaniciens ou de l'écurie en général et il faut réfléchir pour ne pas se faire distancer par la concurrence. Malgré certains éléments plus en retrait, le jeu de Playsport Games démontre un incroyable potentiel pour les saisons à venir. Il y a de petites choses à améliorer à droite et gauche mais ce premier tour se conclut par les encouragements du jury. Et depuis le temps qu'on attendait un jeu du genre, on ne va pas s'en plaindre.