Après plus d'un million de jeux vendus à travers le monde sur l'ensemble des versions des deux premiers jeux, la licence Sword Art Online est maintenant un atout majeur du catalogue RPG de Bandai Namco. En proposant une reconstitution du Aincrad de Sword Art Online Hollow Fragment, l'éditeur opère avec Sword Art Online : Hollow Realization une opération séduction sous la forme d'un retour aux sources.
Test réalisé à partir des versions japonaises sur PlayStation 4 et PSVita, sur une partie complétée de 54 heures de jeu.
Invités par Seven à tester la beta d'un nouveau jeu en réalité virtuelle, Kirito et tous ses amis présents dans les deux premiers opus arrivent dans Sword Art Origin. Ce dernier étant développé sur le modèle de Aincrad, théâtre de Sword Art Online Hollow Fragment, le tragiquement célèbre "jeu de la mort" a tôt de se rappeler au souvenirs de Kirito car celui-ci reçoit aussitôt un message anonyme disant "Je suis de retour à Aincrad". Ceci, ainsi que sa rencontre avec un PNJ évolutif du nom de Premiere, sera le point de départ de complications car la programmation de Sword Art Origin ne tardera pas à dysfonctionner.
L'équipe de développement a justifié le choix d'un tel postulat car la production désirait que les joueurs puissent faire l'expérience d'un Aincrad depuis le début (dans Sword Art Online Hollow Fragment, on commençait à l'étage 76). Le système de jeu est donc le même que pour le premier titre sur PS4 et PSVita : on prépare son équipement et on interagit avec les différents personnages dans la ville de départ avant de se téléporter dans les différents mondes qui constituent Sword Art Origin. Seul différence, vous pouvez prendre avec vous trois alliés au lieu d'un seul. Mais la présence de Seven dans le scénario montre que ce dernier titre est à rapprocher davantage de Sword Art Online Lost Song que de Sword Art Online Hollow Fragment.
En effet et à l'instar du deuxième jeu de la licence, la mort dans Sword Art Online Hollow Realization n'est pas définitive : on peut très aisément réanimer un camarade KO, alors que dans Sword Art Online Hollow Fragment, tout KO signifiait un game over sec. Si les joueurs ne craignent rien, les PNJs eux, ne reviennent pas à l'identique. Les PNJs sont vraiment au centre de ce nouveau titre car ils sont très nombreux dans la ville de départ, et chacun d'eux peut être recruté. NamcoBandai fait donc le pari que le joueur pourra s'attacher à eux au même titre que les héroïnes. Mais au final, un PNJ n'est qu'une suite de 0 et de 1, et n'ont pas la personnalité ou la charisme des personnages principaux. Sword Art Online Hollow Realization rate donc ses enjeux, avec une absence de suspense et une répartition inégale de la narration, qui par ailleurs ne représente qu'une fraction de la longueur totale du titre. On est loin, extrêmement loin de la maturité et de l'ambiance prenante des derniers arcs de l'anime.
Girl Gale Online
Et pour cause, l'histoire ne connaît ses premiers développements sérieux qu'au bout de 30-40 heures, moment ou la narration accélère enfin avec quelques jolies (mais rares) cinématiques de circonstance. Avant cela, vous n'aurez rien d'autre à suivre que les événements secondaires liés aux personnages bien connus de l'anime. Autant le dire tout de suite, le ton de ces mini-scénarii est incroyablement léger. L'ambiance plus sombre de la Hollow Area du jeu original n'existe pas ici. Ce sont des scènes de camaraderie entre adolescents, parfois drôles mais très bon enfant. Autre déception, la série conserve la narration sous la forme de dialogues entre personnages en live 2D : pas ou peu de cinématiques temps réel, le jeu décrit des affrontements qu'on ne voit pas... C'est réellement trop modeste pour un jeu de cette importance sur le plan économique et qui veut se mettre sur le même plan que le célébrissime anime. Même une série comme Atelier, nettement moins populaire, ne fait plus ça depuis des années.
Les (nombreuses) illustrations sont un peu convenues et apparaissent contre un compromis très tiède par rapport à ce que proposait Sword Art Online Hollow Fragment. Ce dernier, classé CERO C au Japon (contre CERO B pour Hollow Realization) offrait par exemple nettement plus de fan-service. Autant se reporter sur les excellentes adaptations en manga Sword Art Online Progressive et Sword Art Online Girls' Ops.
Sleepy Hollow
Cédons à l'appel de l'aventure et partons dans le monde de Sword Art Origin. Celui-ci n'est pas "ouvert" tel qu'on l'entend aujourd'hui. Chacun des six mondes thématiques (plaine, forêt, citadelle, etc.) se débloquent les uns après les autres et sont eux-mêmes divisés en zones successives. Assez tristement, Sword Art Online Hollow Realization se dote d'un vaste univers parfaitement linéaire. Les objectifs sont tous indiqués (souvent assez mal d'ailleurs) et aucune quête annexe ne vous demandera d'explorer à fond ni de revenir en arrière. Pas de réelle liberté de jeu donc, la seule distraction résidant dans les Event Fragments, des mini-quêtes inopinées vous opposant à des monstres un peu plus coriaces. C'est un vrai levier de gameplay, car l'expérience et les équipements gagnés sont précieux.
Le système de combat est un mélange des deux précédents : c'est un action-RPG car permet d'attaquer directement (alors que le premier épisode était basé sur un auto-attack). Du côté plus tactique, on retrouve les nombreuses palettes d'actions de Sword Art Online Hollow Fragment. L1 et R1 permettent que donner des instructions aux alliés, dont le désormais célèbre switch qui permet à un camarade de changer de position avec Kirito et placer son attaque spéciale. Mieux encore, un autre ordre invite les trois alliés à jeter toutes leurs forces en même temps. Une bonne coordination permet de déclencher le skill chain, un sort d'une efficacité radicale. Petit bémol, la précision des coups et le ciblage laissent parfois à désirer, vous faisant frapper largement à côté... Premiere est le seul personnage qui peut "mourir", mais là encore l'arbitrage est plutôt prudent car on a 60 secondes pour la réanimer. On ne retrouve pas la radicalité du premier où le moindre faux pas renvoyait à la case départ, donnant une véritable tension aux affrontements.
La palette en bas de l'écran contient l'ensemble des capacités relatives au statut du personnage principal. Il y a beaucoup de place pour insérer de nombreux items, ce afin de se constituer le héros le plus puissant possible. Il est possible de décupler sa force, sa défense, ses HP, sa résistance aux altérations d'état... Obtenir un tel surhomme demandera un gros travail d'analyse de l'arbre des capacités, tellement vaste que les 40-50 heures nécessaires pour boucler l'histoire principale ne permettent d'une remplir qu'une petite partie. Donc si la variété de gameplay est moins bonne que dans Sword Art Online Lost Song (voir ci-dessous), on ne pourra pas l'accuser de manquer de profondeur.
Cela prend tout son sens dans les combats contre les boss principaux, plutôt convaincants car plus élaborés qu'auparavant. Chaque boss a plusieurs parties qu'il s'agira de cibler pour l'emporter, par exemple en détruisant ses membres pour le faire tomber et le infliger de gros dégâts. Le tout en compagnie de nombreux PNJ, ce qui donne une réelle impression de raid. La complexité de ces affrontements ira crescendo, avec de conditions de plus en plus draconiennes qui demandent des choix judicieux dans l'arbre des capacités. Le boss de fin extrêmement féroce confirme un challenge prenant et un parti pris judicieux pour l'intensité en dépit de l'absence de mort définitive. Dommage que cela ne se retrouve pas dans les combats standards où ces sensations ne sont pas au rendez-vous.
Adieu, camarades !
Le système de combat de Sword Art Online Hollow Realization est donc une reprise assez fidèle et relativement efficace de celui de Sword Art Online Hollow Fragment. Orthodoxe, cet immobilisme apparaît en réalité comme un recul si l'on considère les éléments de Sword Art Online Lost Song qui ont purement et simplement disparu. En particulier, comment ne pas s'étonner, voire se scandaliser du fait que les quelques vingt personnages devenus jouables dans le deuxième jeu de la licence ne le sont plus du tout ! Seul Kirito est jouable, on se demande bien comment l'éditeur a pu penser que supprimer des personnages jouables serait une bonne idée... Pire, l'arc n'existe carrément plus ! Shinon, sniper dans de l'arc Phantom Bullet de l'anime et archer dans Mother Rosario, est ici condamnée à se battre avec une lance... En plus d'élaguer le gameplay, Sword Art Online Hollow Realization ne fait même plus d'efforts pour coller au contexte.
A la décharge du titre, signalons que le héros est complètement modifiable à tout moment. Le menu de création est plutôt complet avec de nombreux items de customisation, qui permettent de façonner le héros ou l'héroïne de son choix. Cela dit, le personnage principal reste Kirito dans la narration, source de confusion si jamais le joueur décidé de se créer un personnage féminin. Ceci d'autant plus que la voix par défaut est obligatoirement masculine (même si elle est désactivable). Le multijoueur, qui permet de parcourir l'ensemble des environnements entre amis pour aller chasser des monstres rares et autres boss, est encore le meilleur moyen de profiter de son personnage original et de l'entraîner plus efficacement, voire plus ludiquement.
Sur PSVita, Sword Art Online Hollow Realization perd malheureusement une grande partie de son charme. D'abord graphiquement, les textures en prennent un sacré coup et la modélisation des personnages, même principaux, oscille entre insuffisant et correct. Un niveau de finesse largement inférieur à Sword Art Online Lost Song sorti l'an dernier. Incompréhension, les décors étant eux carrément fades, et laids, comparés aux environnements de la Hollow Area qu'on a eu le plaisir de parcourir il y a deux ans. Désarroi enfin devant le framerate chaotique, qui s'est tout de même un peu amélioré tout au long des 5 mises à jour. Sur les combats de boss, la chute est quand même violente... Une bien curieuse manière de remercier les joueurs PSVita qui firent le succès de la licence, initialement exclusive à la portable de Sony.
Sur PS4, ça va évidemment un peu mieux. Les textures sont bien meilleures, surtout en ville, mais les décors ne gagnent pas en richesse. Les effets de lumière ainsi que ceux consécutifs aux attaques ont de la suite dans les idées. La modélisation des personnages, en revanche, ne progresse pas autant qu'on aurait pu l'espérer : le modèle 3D de Premiere est toujours aussi hideux, et des bugs de collisions grossiers ne s'invitent que trop souvent. Soulagement, les 60 images par seconde ne vacillent pas quand on joue sur la console de salon. La musique est encore le seul domaine dans lequel Sword Art Online Hollow Realization se rapproche du sans-faute : les orchestrations sont dans la droite lignée de la série, grandioses et entraînantes, et les musiques d'ambiance sur le terrain bercent agréablement. Welcome to SAO est tellement remarquable qu'on pourrait laisser tourner le menu toute la journée.
Points forts
- Bonne profondeur de jeu
- Les combats contre les boss
- Le mode multijoueur
- Editeur de personnage efficace
- Une bande originale dont on se souviendra
Points faibles
- Histoire peu convaincante et mal racontée
- Désespérément linéaire
- Les décors sans éclat
- Faible performance graphique en général
- Version Vita sacrifiée
- Un seul personnage jouable
Sword Art Online Hollow Realization, c'est l'histoire d'un éditeur qui fait des ventes AAA mais qui s'obstine à faire un jeu AA. Le sous-investissement chronique depuis 2 ans fait que ce dernier épisode n'a tout simplement pas la carrure pour faire honneur à la licence ô combien adulée. On était en droit d'attendre beaucoup mieux qu'un recyclage, au demeurant imparfait, de Sword Art Online Hollow Fragment, et la suppression sans raison des progrès apportés par Sword Art Online Lost Song est tout bonnement sidérante. Les tares techniques ici et là font bien de l'ombre au tableau sur les deux supports. BandaiNamco doit faire beaucoup plus d'efforts, surtout sur PS4 où des concurrents plus modestes, Compile Heart et Gust en tête, arrivent avec de nouveaux moteurs de jeu.