Dans le jeu vidéo, le cinéma ou encore la musique, les habitudes sont ancrées dans notre quotidien et il n'est jamais simple d'être confronté à la différence. Aussi, lorsqu'une production s'extirpe des sentiers battus et vient bouleverser les codes qu'on nous enseigne depuis des années, la gifle n'en est plus que grande. À la fin des années 90, SEGA est mal en point et va alors prendre une décision radicale : donner carte blanche aux créatifs de ses studios internes comme externes. Cette politique donnera naissance à une foule de jeux à la fois étonnants, décalés et techniquement impressionnants. À l'époque, Tetsuya Mizuguchi, longtemps spécialisé dans les jeux de course (SEGA Rally , SEGA Touring Car ...), s'intéresse aux titres musicaux. Après Space Channel 5, un rhythm game coloré mettant en scène la reporter Ulala, le natif d'Hokkaido débarque avec Rez, un OVNI qui sera aussi apprécié que décrié. Bien des années plus tard, et sous l'égide de Enhance Games, il revient sur PlayStation VR et parvient à sublimer un concept qui était déjà follement accrocheur.
Culte. Rez est un jeu culte mais qui s'avère terriblement déstabilisant au premier abord. Se retrouver avec une réalisation en fil de fer à l'heure où la 3D tend de plus en plus vers le photo-réalisme, c'est un peu comme atteindre le mur du son avec un planeur : le choc est total ! Et si ce constat est vrai aujourd'hui, il l'était déjà il y a une quinzaine d'années. Sorti en 2001 au Japon, à l'heure où la console de SEGA tanguait dangereusement, le petit Rez a eu bien du mal à faire son trou, surtout face aux ténors que représentaient les Sonic Adventure 2, Shenmue II ou encore Virtua Tennis 2. Mais au fil des mois, sa popularité n'a eu de cesse d'exploser, jusqu'à ce que sa présence devienne indispensable dans la ludothèque Dreamcast. Rez, c'est l'histoire d'un jeu hors du commun, représentatif d'une époque où les Japonais tentaient des paris fous et qui démontre, à qui veut l'entendre, que son concept est bien intemporel.
UN RAIL SHOOTER PSYCHÉDÉLIQUE
L'idée derrière Rez, selon son directeur Jun Kobayashi, était de plonger les joueurs dans une ambiance de discothèque sans aller au club. Il était aussi question de proposer une expérience qui soit accessible à tout le monde, sans qu'il y ait besoin d'ouvrir une notice. Car oui, il fut un temps, chaque jeu avait sa notice. En se basant sur ces principes, il a alors eu l'ingéniosité d'associer la musique technoïde avec des graphismes en fil de fer, qui ne sont que le symbole de sa passion pour les vieux jeux d'arcade de type Missile Command ou Star Wars. Le résultat, à l'époque, fut totalement déconcertant. Et pourtant, il suffisait d'un essai pour devenir accro et dévorer l'ensemble des stages d'une seule traite.
En y regardant de plus près, Rez n'a pourtant rien d'exceptionnel. Il ne s'agit que d'un rail shooter (un jeu de tir avec un chemin prédéfini) dont la progression est agrémentée de flashs stroboscopiques, de thèmes techno/électro et de lumières hypnotisantes. À la manière d'un Panzer Dragoon, le joueur locke les différentes cibles (jusqu'à 8 simultanément) et fait ainsi grimper son score à mesure que le niveau défile. Vu comme ça, ça paraît fort simpliste mais Rez est bien plus que cela. En réalité, la musique évolue à mesure que le joueur poursuit son périple. Le rythme s'accélère, la mélodie s'enrichit, les basses se font plus pressantes et le jeu finit par nous happer, pour ne plus nous lâcher, jusqu'à un trip final déjanté face au boss. Rez est une envolée visuelle et sonore, découpée en 5 stages, où se multiplient les beats et les combos. Il s'agit d'une expérience grisante qui n'a, encore à ce jour, aucun équivalent (Child of Eden n'est qu'une suite spirituelle). Mais si le PlayStation VR n'est pas obligatoire pour en profiter, il serait dommage de passer à côté de l'atout principal de cette édition. Avec le casque de réalité virtuelle, l'immersion de l'original est carrément décuplée. Et ça redéfinit la perception que l'on a du jeu de United Game Artists.
CALIBRÉ POUR LA VR
Avec la VR, le fait de se retrouver à la place de l'avatar offre une nouvelle dimension à cette "fuite en avant" virtuelle. Avec l'animation en 60 images en seconde et la résolution en 1080p, on redécouvre un jeu qui n'avait, pourtant, plus de secrets pour nous. Que ce soit avec le PlayStation Move ou la manette PS4, Rez Infinite délivre des sensations tout bonnement fabuleuses ! Pour progresser, le joueur n'a qu'à bouger la tête pour cibler les formes à détruire et cumuler le tout avec la touche d'action. C'est simple à comprendre et d'une efficacité redoutable ! La finesse de l'ensemble permet d'ailleurs d'éviter tout syndrome de motion sickness et il est même possible, pour les non-habitués au PS VR, de conserver le style "standard" (au lieu de dynamique) pour une approche plus douce. On prend un plaisir fou à évoluer dans ce monde mi-numérique, mi-organique, en se déhanchant au rythme d'une bande son qui continue de faire date. La progression, qui rappelle les jeux Panzer Dragoon (même certains ennemis longiformes semblent tout droit sortis des jeux de la Team Andromeda), est d'une créativité sans limite ! On parvient sans mal à s'imprégner de l'atmosphère dans laquelle on est happé. Les petites entités électroniques du premier niveau font place à des créatures de plus en plus complexes et imposantes et chaque rencontre avec un boss est un moment unique. Rez est un jeu totalement à part et il faut bien avouer qu'on n'en sort pas indemne.
LA DIMENSION X
Avec cinq niveaux, il est indéniable que Rez souffre d'une durée de vie express. Pour atténuer ce défaut, les développeurs ont décidé d'apporter du sang neuf à l'original et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont mis le paquet ! Basée sur le moteur Unreal Engine 4, la Zone X est un nouveau mode dans lequel il est possible d'incarner l'avatar en se déplaçant librement. Pendant une demi-heure environ, on profite d'un trip qui donne une idée de ce que pourrait être un hypothétique Rez 2. Difficile de rester de marbre devant un tel amas de particules et de couleurs avec, en prime, un final en apothéose ! Avec une telle immersion, on a vraiment envie que Tetsuya Mizuguchi et les siens nous livrent une suite. Que les fous du high score se rassurent, il est toujours possible de braver les différents boss dans un mode dédié ou d'exploser les records en se perfectionnant à la manière d'un véritable DJ. Quant aux novices, ils pourront s'adonner au mode "Voyage" qui, comme son nom l'indique, empêche toute erreur. Rez s'était constitué une solide réputation, il est en train de se forger une véritable légende.
Points forts
- B.O de dingue
- La Zone X (et sa musique !)
- La VR sublime le jeu original
- Sensations uniques
- Les boss
- Et sinon, on vous a dit que la musique déchirait ?
Points faibles
- Trop court, on en veut plus !
- Techno, électro, on aime ou pas
- Les cervicales en Zone X
Incompris à l'époque, Rez était véritablement en avance sur son temps. Avec la réalité virtuelle, le jeu de United Game Artists démontre que les expériences d'hier peuvent être adaptées avec les technologies du moment. Fun, immersif et non avare en nouveautés, Rez Infinite est un titre génial ! La Zone X est assurément l'un des moments les plus exaltants et renversants que l'on ait pu vivre avec le PlayStation VR ! Même son thème, créé par le duo Hydelic, parvient à se mettre au diapason de la formidable B.O du jeu de base. Comme on pouvait s'y attendre, Rez Infinite fait un sans-faute et se place parmi les meilleurs jeux du support. Maintenant que Tetsuya Mizuguchi est convaincu du potentiel de la réalité virtuelle, il n'y a plus qu'à attendre la suite !