Quand les Ukrainiens de GSC Gameworld sont revenus sur le devant de la scène en annonçant un Cossacks 3, certains d’entre nous ont eu du mal à se retenir. 15 ans après le mythique Cossacks European Wars, le studio de Kiev nous faisait miroiter un STR qui (enfin) plairait aux vétérans du genre tout en attirant de nouveaux joueurs. Un nouvel âge d’or du jeu de stratégie en somme. Nous avons eu droit à une bonne douche froide le 20 septembre.
Les plus jeunes ne connaîtront peut-être pas European Wars, le premier opus de la licence Cossacks. Mais, pour nous les vieux, c’était une révolution en 2001. A l’époque, un petit Ukrainien venait jouer les outsiders sur un marché du STR, dominé par Microsoft et Blizzard. Et là où Starcraft et Age Of Empire tenaient le haut du pavé, affichant à l’écran leurs quelques dizaines de Marines ou de paladins, Cossacks permettait d’aligner jusqu’à 8000 unités. Aujourd’hui, cela peut sembler anodin. Pourtant, à l’époque, GSC Gameworld mettait un bon coup de pied dans la fourmilière, forçant les challengers à innover.
C’était il y a 15 ans. Depuis, le studio de Kiev s’est fait connaître avec la franchise Stalker avant de sombrer dans les mannes de l’oubli. Après des American Conquest ignorés et un Cossacks II bugué et critiqué (parfois injustement), GSC quittait la scène. L’annonce de son retour avec un Cossacks 3 en a fait bondir plus d’un. Alors que tout le monde s’accorde à dire que l’âge d’or du STR est terminé depuis longtemps, l’Ukrainien nous a littéralement vendu du rêve. Puis nous avons appris que ce nouvel opus ne serait qu’un remake du premier. De quoi doucher bien des ardeurs. Mais une lueur d’espoir subsistait. En quinze ans, les choses ont bien changé. Ce Cossacks 3 pourrait reprendre les bases d’European Wars et de ses expansions, en y ajoutant les bons éléments de Cossacks 2 et des nombreux titres sortis depuis, une meilleure IA, plus d’interactions avec l’environnement, plus de formation, plus d’options tactiques...
Un vieux canasson rhabillé pour l’hiver
Au démarrage, nous voici donc sur un menu extrêmement sobre et efficace. On y retrouve les Campagnes, les Cartes Aléatoires, le Multijoueur, les Options, l’Editeur. 12 nations sont jouables (Algérie, Angleterre, Autriche, Espagne, France, Pologne, Prusse, Russie, Suède, Turquie, Ukraine et Venise), sachant qu’une poignée d’autres factions seront rajoutées au fil des prochains DLC. L’action se déroule dans l’Europe et l’Afrique du Nord des XVIIe et XVIIIe. Autant dire que les vétérans d’European Wars ne seront absolument pas dépaysés. Le menu Campagne propose un didacticiel, assez bien fourni pour ceux qui découvrent la licence mais absolument dispensable pour les autres, ainsi que divers scénarios historiques se déclinant en plusieurs missions.
Ce qui frappe avant tout, c’est l’indigence de la narration. Ne vous attendez pas à des cinématiques, ni même à des dialogues. Nous sommes de retour en 2001, avec des planches de texte pour raconter l’histoire et les protagonistes. Mais, globalement, les scénarios sont satisfaisants, permettant au joueur d’incarner une nation (ici la France, là l’Ukraine) lors des grands événements guerriers qui ont fait leur histoire. Le déroulement des missions implique une véritable progression, à l’instar des premiers Cossacks. Autre point positif, la variété des champs de bataille lors de ces campagnes : un beau petit tour d’Europe en perspective.
Bon, entrons un peu dans la partie maintenant. Car c’est bien ça qui nous intéresse, voir des milliers de petits gars s’entre-tuer joyeusement au son des mousquets et des canons. GSC a bien rappelé qu’il s’agissait d’un remake, d’un retour aux sources. N’y allons pas par quatre chemins : rien, mais alors RIEN, n’a changé en quinze ans. À part les graphismes, améliorés mais loin d’être au niveau de la grande majorité des productions aujourd’hui. A ce propos, une chose est particulièrement traumatisante : les canons avancent tous seuls, sans équipage humain. On comprend l’absence d’animation pour des questions de performance en 2001. En 2016, c’est clairement de la paresse !
Retour vers le passé
On se retrouve donc à jouer de la même façon qu’en 2001. On passera la majorité du jeu à sécuriser et collecter les six ressources (bois, nourriture, pierre, or, fer et charbon), lesquelles nous permettent ensuite d’envoyer nos paysans construire des bâtiments, où nous recrutons enfin des unités militaires. Comme dans tout STR digne de ce nom, les bâtiments se divisent en plusieurs catégories : récolte, production d’unités, technologies. Ce sont les technologies qui apportent le plus à Cossacks, en offrant la possibilité d’améliorer ses bâtiments, sa production ou encore ses soldats. Infanterie, cavalerie, flotte, artillerie : chaque catégorie d’unités peut être upgradée depuis son bâtiment de production, mais aussi depuis la forge et l’académie. C’est justement cette dernière qui vous permettra de « changer d’époque », de passer au XVIIIe siècle, débloquant ainsi de nouvelles unités et technologies. Puis on déploie ses troupes et on part la fleur au fusil raboter la tronche du mec en face… Et ce sera toujours la même chose en partie Carte Aléatoire, toujours le même déroulement. Lassant à la longue…
Pire encore, on retrouve tous les défauts qui, acceptables en 2001, passent aujourd’hui pour des aberrations. Passons sur le manque criant de fonctionnalités et sur une interface dépassée, sur l’absence de nouvelles formations (carré, ligne, colonne, toujours avec un officier et un musicien), qui fait un peu mal quand on passe derrière un Total War. GSC aurait pu au moins rajouter un onglet affichant les troupes en formation et permettant de les sélectionner rapidement. Une gestion de la soldatesque alignée sur le champ de bataille aurait été appréciable… mais non ! Les affrontements consisteront donc à lancer un énorme de blob de soldats contre celui de l’adversaire. Négligeons également la topographie des terrains, pauvre au possible ou encore l’absence d’indicateurs tels que la portée des mousquets. Cossacks 2 avait introduit cette fonctionnalité très intéressante tactiquement, offrant à chaque unité trois niveaux de portée selon son placement, les obstacles sur la ligne de tir, son type… Voilà qu’il aurait été sympathique d’implémenter ! Mais c’était sans espoir.
Une IA ivre comme un cosaque
Mais tous ces reproches ne sont rien comparés à ceux que l’on peut faire à l’IA. Déjà, le pathfinding de vos propres unités laisse à désirer, entre navires qui ne cessent de s’entrechoquer, cavalerie qui se perd sur la map et, votre pire ennemi, le tir ami. L’IA, en partie Carte Aléatoire, est affligeante. Aucune notion de tactique, aucune formation : sa seule stratégie consiste à balancer successivement des gros groupes de soldats. Ajoutez à cela le problème de pathfinding et vous aurez de gros blobs bloqués au pied d’une montagne. Mention spéciale à ces pauvres grenadiers prussiens, agglutinés en bord de mer. Sans doute voulaient-ils se serrer les uns les autres pour se réchauffer. Les volées de boulet de mes navires de ligne ont mis, très facilement, un terme à leurs souffrances. Enfin… quand ils ne tiraient pas complètement à côté ou quand leurs tirs n’étaient pas bloqués par… je cherche toujours quoi. Par ailleurs, en parlant de canons, vos tours tireront toujours pendant des heures dans le vide… comme dans European Wars en fait.
Et ne comptez pas sur le multijoueur pour sauver Cossacks 3. Primo, il est complètement bugué. Deuxio, si vous espérez jouer contre d’autres joueurs humains de manière stratégique, abandonnez tout espoir. Mais avouons qu’il est assez jouissif de faire s’entre-tuer des mousquetaires par grappes de mille en 1v1v1v1. À condition d’avoir pu accéder à la partie… Le jeu reste jouable, voire plaisant le temps d’une ou deux parties de temps en temps. Mais la copie livrée par GSC Gameworld en 2016 est clairement insuffisante : ce manque cruel d’améliorations, sinon graphiques, risque d’en rebuter plus d’un à part peut-être les plus nostalgiques... et encore.
Points forts
- Le Cossacks de 2001 en plus beau
Points faibles
- Le Cossacks de 2001 en plus beau
Cossacks 3 est-il un mauvais jeu ? Non, il s’agit purement et simplement de la copie conforme d’un des meilleurs STR de tous les temps, mais sorti au début des années 2000. Il faut surtout souligner le « courage » de GSC, qui ose commercialiser aujourd’hui un titre ne visant que les nostalgiques d’un âge d’or regretté. De plus, le studio semble assurer un vrai suivi, ayant d’ores et déjà patché de nombreux bugs (mais il en reste). Le problème est le manque d’innovations, pour ne pas dire d’audace. GSC aurait pu piocher dans ses autres titres de bons éléments de gameplay et les ajouter à la base que représente Cossacks premier du nom. Mais il a fallu que les développeurs oublient leurs propres titres et reprenne juste European Wars, avec de jolis graphismes. Cossacks 3 n’est donc destiné qu’aux nostalgiques du premier, bien que ceux-ci préféreront acheter sur Steam ou d’occasion le pack réunissant l’ensemble des vieux STR de GSC. Tous les autres passeront leur chemin.