La peur. Sentiment négatif, et pourtant le public la recherche. Nippon Ichi Software sent bien cette demande des joueurs pour des univers noirs et malsains. C'est ainsi qu'après The Firefly Diary, le côté "obscur" du développeur japonais refait surface pour plus d'angoisse sur la portable de Sony.
Test réalisé à partir d'une version japonaise. Sortie européenne le 28 octobre 2016
Il ne faut pas longtemps pour entrer dans l'ambiance de Yomawari Night Alone : le tutoriel violent installe l'atmosphère glaciale en une demi-seconde. La petite fille que vous incarnez perd son chien, puis sa grande soeur, et décide aussitôt d'aller les chercher, en pleine nuit.
Yôkai, watch out!
D'apparence, la ville ressemble à n'importe quelle ville japonaise de nuit, sauf qu'elle est infestée de yôkai, pas gentils, ceux-là. En effet, contrairement aux créatures toute mignonnes de Level-5, un seul contact avec ces revenants et la pauvre gamine crèvera dans une mare de sang. Inquiétants, effrayants ou repoussants, la quarantaine de monstres différents présents dans l'aventure provoquent l'angoisse par leur comportement imprévisible et leurs mouvements erratiques. Certains apparaîtront sans crier gare, provoquant d'énormes sursauts de terreur chez le joueur. D'autres sont largement plus prévisibles et plus lents, mais la petite fille ne peut pas courir très longtemps. Elle se fatigue vite, et d'autant plus rapidement qu'elle prend peur : ses battements de cœur accélèrent et provoquent la panique à mesure que le yôkai s'approche de vous. Les buissons vous seront d'une grande aide dans ces cas-là, car la petite fille peut s'y dissimuler un peu comme Solid Snake rentrerait dans son fameux carton. Un grand nombre de poursuites se jouent à un cheveu, on voit la mort approcher et on est pris de convulsions quand malheureusement elle intervient.
Sans surprise, Yomawari Night Alone comporte de nombreux exemples de créatures tirées du folklore japonais. Vous rencontrerez tour à tour le bakeneko (une énorme tête de chat), le kubinashi uma (cheval sans tête galopant sur le route) ou encore le michifusagi (ci-contre), ce dernier fidèle à la description donnée dans les légendes nippones puisqu'il viendra tout d'un coup bloquer la rue. Les rapports sur ce yôkai à travers les années font état d'un rocher ou d'un mur fantôme venu bloquer la voie.
Si la plupart des yôkai sont mortels, tous ne sont pas dangereux. Certains sont totalement inoffensifs, mais se distinguent par un comportement pas moins inquiétant que les autres, participant à la sensation d'angoisse permanente provoquée par le jeu de Nippon Ichi Software. Et cela n'enlève évidemment rien à la manière avec laquelle la jeune fille sera enlevée ou sauvagement tuée par des esprits malsains. Une vision volontairement noire héritée de The Firefly Diary et qui sera reprise dans Rose and the Castle of Twilight.
L'atmosphère de Yomawari Night Alone est son plus gros point fort. Tout le jeu se déroule dans la nuit noire, avec pour seule aide la torche qui servira à éclairer son chemin et à repérer les spectres invisibles. Les rares musiques sont des thèmes extrêmement lourds, aux accents froids et oppressants. Mais le jeu de Nippon Ichi Software va privilégier une piste particulière dans sa sélection : le silence. Comme dans une nuit d'été japonaise, vous avancez avec le seul son des grillons. C'est la meilleure façon pour le développeur d'atteindre son objectif : faire renaître vos peurs d'enfant. Comme dans la réelle peur du noir, l'absence de toute musicalité aiguise l'ouïe et provoque la tension.
Pitch Black
A ceci, Yomawari Night Alone ajoute de nombreux éléments graphiques ou sonores ici et là venant augmenter le stress, comme des sonneries de téléphone inopinées, des inscriptions lugubres, un monde parallèle, etc. L'effroi est également catalysé par des événements surprise se déroulant sur la carte ou plus généralement lors des phases de boss, avec par exemple des course-poursuite des plus tendues. On en décrira pas davantage pour éviter de gâcher le plaisir de la découverte mais... ne répondez pas au téléphone. Prenant toute sa puissance dans la peur de l'inconnu et la noirceur de son univers, Yomawari Night Alone est à consommer la nuit, avec un casque, lumière éteinte et volets fermés.
A l'opposé de ses penchants horrifiques, le design général du jeu est plutôt enfantin. Les personnages paraissent sortir tout droit d'un livre d'images pour enfant, et le menu ainsi que la carte de la ville semble avoir été dessinés par un élève de maternelle. De plus, en version japonaise, toutes les textes sont en hiragana : il n'y a pas un seul kanji, comme s'ils avaient été écrits pour ou par un élève ne maîtrisant pas ces idéogrammes. On pourrait croire que le développeur souhaite adoucir l'aventure avec une touche de kawaii, mais c'est tout l'inverse. L'opposition des deux styles renforce le dégoût des yôkai, le stress de la défaite et le satisfaction de finir le jeu. De sa 3D isométrique très simple (qui lui vaut parfois d'atterrir dans les colonnes indé des magazines japonais), Yomawari Night Alone arrive a communiquer des sentiments simples mais forts avec juste quelques scènes tout au long du jeu. Nippon Ichi Software joue avec les sentiments et les nerfs du joueur de la première à la dernière seconde avec un brio impressionnant pour un jeu aussi modeste.
Silent ville
Cela pourra peut-être surprendre, mais Yomawari Night Alone est un monde ouvert. Certes, on est loin d'une ville grandeur nature comme le ferait un Watch Dogs, mais le principe du jeu veut que le joueur puisse aller le plus librement possible dans la ville dès le point de départ. Les indices sont rares et il faudra explorer chaque coin de rue pour trouver les objets-clé nécessaires à l'avancée, ou tout simplement se frayer un chemin vers les zones reculées. La carte se dessine au fur et à mesure, si bien qu'il y a un gros travail d'exploration et de recherche (à haut risque) pour appréhender la géographie urbaine. Cette absence de dirigisme renforce son côté hardcore et plaira aux amateurs de jeux d'aventure de la vielle époque.
Heureusement, vous pourrez sauvegarder auprès de statues bouddhistes présentes à intervalles réguliers, qui servent aussi de raccourcis pour éviter de reparcourir toute la ville. Attention cependant, chaque sauvegarde coûte une offrande de 10 yens, donc celles-ci sont potentiellement limitées! Le jeu stimule également la réflexion, avec des énigmes dans plusieurs chapitres, et un travail d'observation pour échapper aux différents monstres. En effet, chaque yôkai a un comportement propre et les éviter nécessite parfois une approche particulière, en utilisant la lampe ou d'autres objets d'une manière originale. On pestera sans doute contre la jouabilité un peu millimétrée, symptôme d'un gameplay die and retry assumé, mais c'est largement plus jouable que The Firefly Diary en son temps. Son seul vrai défaut est sa faible longueur, 10 à 15 heures de jeu en prenant son temps.
Yomawari présente ses cauchemars
Points forts
- Ça fait peur
- L'atmosphère inquiétante
- Une histoire simple, mais qui prend aux tripes
- Exploration et réflexion plus que satisfaisantes
Points faibles
- Jouabilité pas toujours précise
- Assez court
Plus effrayant que 15 films Resident Evil mis bout à bout, Yomawari Night Alone signe le retour de Nippon Ichi Software sur une ligne artistique et originale. Court mais intense, ce survival-horror pas comme les autres arrive à apeurer comme à émerveiller, le tout avec une grande liberté de jeu.