Quelle est la principale différence entre un jeu qui se termine d'un point A à un point B et un jeu qui s'inscrit dans un univers étendu ? Généralement, on s'attache à la continuité de l'univers. Jeu indépendant de son état, LastFight ne déroge pas à la règle.
Un univers qui ne sort pas de n'importe où
LastFight, c'est d'abord LastMan. Un manga français réalisé par 3 auteurs et qui en est aujourd'hui à son 8ème tome. Si la qualité de la narration de cette œuvre est déjà une référence du genre chez nous, l'univers qui est dépeint a été pensé pour entrer dans une logique transmédia. Pour ceux qui ne sont pas à l'aise avec le concept, disons simplement que le manga est une planète dans l'univers LastMan, et que le LastFight en est une autre. Si des éléments sont communs aux deux (Richard Aldana pour commencer), l'univers de LastFight amène son lot d'intrigues et de particularités propres.
Le manga Lastman est publié aux éditions Casterman depuis 2013. Mis sur pied par Bastien Vivès, Balak et Michaël Sanlaville, cette bande dessinée se présente comme un récit fleuve, avec ce que cela comporte de saisons et d'exploration du profil des personnages. L'intrigue s'axe, au commencement, sur le personnage de Richard Aldana, qui semble arpenter les tournois de combat en tout genre. Rapidement, il se mêle aux habitants de la Vallée des Rois, une contrée reculée, mais son passé sombre semble en proie à faire basculer le destin de son entourage. Si le manga s'ouvre sur un univers coloré, le ton se durcit à mesure que l'intrigue évolue, si bien qu'il sera de bon ton de conseiller cette œuvre à un public averti.
Un jeu qui sent bon Power Stone
Il est difficile de ne pas faire le lien dès le premier combat. Le gameplay de LastFight est clairement basé sur le titre de Capcom, ce qui change un peu des versus fighting qui se basent sur les classiques Street Fighter ou King of Fighters ! Les joueurs évoluent donc en arène, avec une vue sur l'ensemble du terrain. Les combattants s'affrontent avec leurs attaques mais également les éléments perturbateurs et objets parsemant les lieux.
Le jeu n'autorise pas de free-for-all au contraire d'un Super Smash Bros. avec 4 combattants les uns contre les autres. Il s'agit uniquement de 1VS1, 2VS1 ou 2VS2, comme dans le J-Stars Versus de Bandai Namco, ce qui se justifie dans la scénarisation du mode Histoire. Quant à l'IA, si on regrette de pouvoir la paramétrer comme on l'entend, on retrouve l'exigence héritée de Power Stone ; l'ordinateur apprend au joueur à ses dépens que dans ce jeu, il ne faut pas hésiter à utiliser tout ce qui peut faire mal autour de soi pour anéantir son adversaire !
Un ensemble pêchu et maîtrisé
LastFight repose surtout sur son univers caractéristique et haut en couleur. Déjà, visuellement, c'est du tout bon : modélisations propres, belles textures cartoon et lumières agréables. Une esthétique peaufinée reste essentielle, même pour une expérience courte, ce que Piranaking a bien intégré ! On a plaisir à enchaîner les tatanes avec des personnages qui bougent bien et interagir avec un décor et des objets bien conçus. Fidèle aux axes développés dans le manga LastMan, un mode histoire permet de donner un peu de background aux énergumènes présents dans le roster. S'il fallait situer l'intrigue du jeu par rapport à la bande dessinée, on pourrait indiquer qu'elle se déroule en amont des événements du tome 1.
Le mode histoire a pour amorce de choisir entre les deux personnages principaux, les combats et les textes changeant sensiblement en fonction d'un chemin ou d'un autre. Chaque personnage est introduit par de petites scénettes fidèles à l'histoire. Si l'intrigue présente un schéma classique, elle n'en reste pas moins empreinte de sa dose d'humour décalé, de seconde lecture et d'une critique de la drogue (parce que c'est pas bien). Enfin son traitement graphique - supervisé soigneusement par les auteurs - achèvera de retenir l'attention.
C'est dans les vieilles mécaniques qu'on fait les meilleurs jeux
S'il n'y a rien de nouveau sur le soleil du gameplay, on assiste à un exercice de style des plus agréables. C'est bien un pari dont sont capables bon nombre d'indépendants : retranscrire une expérience du passé dans une nouvelle peau. Et c'est exactement la sensation en jeu, avec un univers de qualité ! Ainsi, brandir un lance-roquettes ou une massue pour atomiser un peu plus rapidement l'adversaire fera partie des grandes joies / peines des parties multijoueur. Une mécanique du jeu, en outre, est de collecter ce qui semble être des petites friandises apparaissant çà et là sur le terrain. Dès qu'un joueur en collecte 3, il se métamorphose pendant un court laps de temps en un monstre agressif et puissant. Ah, les affres du dopage...
Si les power-ups, les armes et les décors alimentent le fun, LastFight ne propose pas de mode en transgression avec l'esprit originel de ses inspirations. C'est d'ailleurs là où on pourrait formuler une critique un poil négative. Tant qu'à exploiter l'univers, il y aurait pu y avoir un contenu en ligne et/ou ralliant avec les différentes parties d'un univers qui se tissent à mesure des jeux, mangas et bientôt animés. On pourra trouver le jeu finalement très sage, tant la qualité tenue dans le jeu pourrait faire grandir les attentes du joueur.
Points forts
- La direction artistique léchée
- L'écriture des personnages
- Un gameplay bien maîtrisé et bien fun...
Points faibles
- ...mais assez convenu tout de même
- Un contenu un peu léger, même pour un jeu indépendant
- Quelques latences au démarrage
On a vu de quoi Piranaking était capable, et ce n'est pas peu dire que c'est une sacrée entrée en matière ! Eloge de Power Stone et consorts, visuellement au poil, une empreinte en terme de mise en scène et de narration... Si on peut lui reprocher un contenu timide, on ne peut qu'admirer le travail de qualité technique et artistique. C'est une superbe vitrine pour un univers qu'on espère voir grandir encore et encore. L'écosystème LastMan a de beaux jours devant lui s'il progresse à partir de ce genre de matériau de base.