Après un Automatron passable et un Wasteland Workshop tout à fait dispensable, autant dire que nous avions toutes les raisons d'être inquiets quant à la teneur du troisième DLC à destination de Fallout 4. Annoncé comme étant le plus gros contenu additionnel développé à ce jour par Bethesda Games Studio, Far Harbor nous propose de mener l'enquête sur une toute nouvelle carte située au Nord du Commenwealth. Les arguments de vente de Far Harbor sont-ils assez solides pour être convaincants une fois éprouvés en pratique ? Réponse dans ces colonnes.
Comme le veut la coutume, le déclenchement du DLC se passe via votre Pip Boy. Un message radio vous enjoint de vous rendre directement dans le bureau de Nick Valentine, personnage hautement charismatique du jeu original et particulièrement apprécié des joueurs. Élément important qu'il faut connaître avant de vous lancer : il est nécessaire d'avoir complété la quête relative à Valentine dans le jeu principal, afin que ce dernier puisse devenir votre compagnon, faute de quoi le DLC ne vous sera pas accessible. Une fois que vous avez satisfait à ce prérequis et que vous vous êtes rendus dans les locaux de votre partenaire, vous apprenez qu'une nouvelle enquête est arrivée sur le bureau du détective.
Aux sombres héros de l'amer
Vous partez alors au Nord du Commonwealth afin de recueillir les premières informations sur une jeune fille qui s'est volatilisée sans crier gare. De brèves investigations vous permettent de déduire que la disparue a en réalité mis les voiles vers Far Harbor, petite île située au delà des eaux irradiées du Commonweath. Il vous suffit alors de prendre le premier bateau disponible pour accéder à l'intégralité de la nouvelle zone.
Arrivée sur une île de charme
La première chose qui frappe lorsque l'on débarque la première fois sur Far Harbor est le soin incontestable que Bethesda a apporté à l'atmosphère générale de l'île. Outre le design coloré et corrodé qui faisait le charme de Fallout 4, c'est essentiellement le travail sur la lumière, la brume et l'architecture globale de l'endroit qui séduit immédiatement. C'est bien simple, explorer les zones tantôt marécageuses, tantôt plus urbaines de l'île est un vrai plaisir et les influences directement puisées dans la mythologie de Lovecraft crèvent les yeux. S'il n'est pas lieu de s'attendre à parler de l'éveil d'un Grand Ancien dans Far Harbor, les sentiers brumeux et radioactifs de l'île participent grandement à l'immersion du joueur dans cet univers ténébreux qui instaure un climat de mystère assez inédit dans Fallout 4. Si l'on ne manquera pas de penser à Point Lookout, troisième extension de Fallout 3, Far Harbor profite d'une identité visuelle suffisamment prononcée pour que la comparaison s'arrête là.
Les environnements de Far Harbor invitent donc naturellement à l'exploration et de ce point de vue soyez rassurés puisque les dimensions de l'île vous permettent de vous en donner à cœur joie. Sans pouvoir évaluer avec précision les proportions exactes de Far Harbor, sachez simplement qu'elles sont plus que raisonnables et offrent énormément d'endroits à voir et à explorer. Bien évidemment, vos pérégrinations vous conduiront à rencontrer un tout nouveau bestiaire à tendance aquatique, globalement assez original, ainsi que tout ce que Fallout comprend de goules et de pilleurs. De quoi mesurer à quel point l'action prend une place prépondérante au sein de la saga Fallout tant les ennemis sont parfois nombreux.
Un ennemi un brin costaud
Car au niveau du gameplay, ne vous attendez pas à connaître la révolution avec Far Harbor. Si, nous le détaillerons plus bas, le DLC gomme pas mal de défauts du jeu original, il n'entend pas bouleverser les règles instaurées par Bethesda avec Fallout 4. Ainsi, l'action sera assez soutenue, et certains de vos adversaires seront particulièrement résistants... trop, peut-être. À l'image de ce que l'on pouvait constater sur Automatron, certains de vos opposants sont ridiculement endurants, à tel point que l'accès à une zone trop envahie de créatures de haut niveau peut-être vite décourageant. Nous ne pouvons donc que chaudement recommander de bien vous préparer avant de vous lancer à l'assaut du nouveau contenu. Munitions en nombre, armure solide et équipement robuste seront indispensables si vous désirez finir Far Harbor sans trop souvent mordre la poussière. Et en passant, pensez à vous approvisionner généreusement en Rad-X et Rad-Away, la radioactivité de l'île étant omniprésente.
Effectivement, Far Harbor est en permanence auréolé d'un brouillard radioactif qui, conformément à la nouvelle approche de la radioactivité dans Fallout 4, réduit votre barre de vie à mesure que vous y êtes exposé. Cette idée, en plus de participer à la qualité de l'atmosphère du jeu, mettra plus que jamais la radioactivité au premier plan, même s'il faut bien reconnaître qu'un œil attentif à votre jauge d'exposition devrait suffire à ce que vous ne vous en préoccupiez plus à long terme.
Le sursaut Fallout
Nouveau bestiaire, nouvelle carte aux dimensions honorables récompensant l'exploration et atmosphère soignée... sur tous ces plans Far Harbor s'en sort avec les honneurs. Toutefois, s'il est bien un point sur lequel de nombreux joueurs attendent au tournant ce nouveau contenu, c'est bien celui de l'écriture. Alors, le DLC, au-delà de la place qu'il laisse à l'action et au bourinage en règle, sait-il également se faire plus subtil, et proposer une intrigue et des dialogues dignes d'une saga qui s'est (presque) toujours illustrée par la qualité de son écriture ?
N'y allons pas par quatre chemins, la réponse est « oui ». Avec un peu d'indulgence, en oubliant cette roue de 4 réponses toujours aussi peu à propos, et en pardonnant le fait que les sarcasmes proposés semblent davantage sortir de la bouche d'un enfant de 7 ans que d'un adulte rompu aux rigueurs de la vie post-apocalyptique, nous pourrions dire que l'écriture de Far Harbor est une réussite. Là où la quête de Fallout 4 manquait cruellement d'aspérités et ne proposait qu'une approche bien trop prude de nombreux évènements, il semblerait que les scénaristes de Far Harbor se soient donnés les moyens de redonner ses lettres de noblesse au concept de choix moral.
Votre aventure vous amènera à gérer un conflit entre les insulaires, ici depuis toujours, les synthétiques, menés par le charismatique DiMA, et les Enfants d'Atome, illuminés révérant les retombées radioactives de la Grande Guerre. L'équilibre entre les trois factions est mince et la paix plus que précaire. Ainsi, comme vous vous en doutez, vous vous trouverez rapidement embrigadé au milieu de discours et d'intérêts contradictoires et vos actions vous conduiront à prendre des décisions drastiques qui pourront même remettre le sort de l'île entre vos mains. S'il n'est pas évident de vous vanter les mérites de l'écriture sans vous spoiler le plaisir de la découverte, sachez simplement qu'enfin, la trame principale de Far Harbor donne beaucoup plus d'épaisseur à l'histoire des synthétiques et que les embranchements existants vous causeront parfois de sérieux problèmes de conscience. Mieux encore, vous pourrez aisément vous rendre compte qu'une décision précipitée peut conduire à des conséquences terriblement sombres et brutales que vous ne soupçonniez pas nécessairement. Voilà des propos bien en phase avec Fallout et nous ne boudons pas notre plaisir de voir la licence renouer, au moins partiellement, avec sa saveur d'antan.
L'implication morale du joueur est d'ailleurs renforcée par la qualité des personnages croisés sur l'île, la plupart profitant d'une vraie personnalité qui ferait presque oublier les trop nombreuses faiblesses d'écriture de Fallout 4. En outre, sachez que les quêtes secondaires proposent souvent des intrigues au moins aussi travaillées que la quête principale. Certaines font preuve d'un humour noir caractéristique de la saga, d'autres développent des histoires sombres, tout à fait dans le ton d'un univers post-apocalyptique. Cerise sur le gâteau, en prenant le temps de faire toutes les quêtes et en prenant votre temps, Far Harbor devrait vous offrir facilement 30 heures de contenu.
Des défauts qui collent à la peau
Toutefois, rien n'est parfait dans ce bas monde et Fallout 4 : Far Harbor n'échappera pas à sa dose de doléances. Nous n'évoquerons plus les choix de dialogue toujours trop limités, certains adversaires bêtement résistants et passerons aussi sur le fait que l'île n'offre pas grand-chose à faire une fois l'ensemble de son contenu parcouru. En revanche, nous nous attarderons sur les nombreux bugs qui feraient presque oublier qu'une quantité astronomique de patchs sont normalement venus corriger depuis un moment les errances du jeu d'origine. Personnage bloqué, saute de textures, framerate parfois aux fraises, Far Harbor n'est pas parfait et devra être largement peaufiné pour prétendre à être irréprochable techniquement.
Enfin, et même si l'on salue l'effort manifeste effectué dans le but d'enfin apporter un peu de profondeur aux drames qui se déroulent dans l'univers de Fallout 4 et de Far Harbor, nous ne pourrons que déplorer des maladresses dans certaines quêtes ou déclarations de votre personnage, qui parviennent immanquablement à nous faire sortir de l'ambiance pourtant si soignée de ce nouveau contenu. Un peu à l'image de la simulation de piratage et de récupération de données qui intervient à mi-parcours et qui devrait, par son décalage dans l'univers de Fallout et ses mécaniques rédhibitoires, venir à bout de la patience des plus persévérants. Enfin, celles et ceux qui ont aimé la gestion de colonies dans le jeu de base seront sans doute déçus de savoir que finalement peu de nouveautés viendront compléter votre fièvre de construction. Pas de quoi bouder son plaisir néanmoins, des DLC aussi costauds, nous voudrions en voir plus souvent.
Points forts
- Atmosphère soignée
- Enfin un peu de relief dans l'écriture !
- Gestion des factions réussies, de véritables choix moraux
- Certains personnages franchement travaillés
- Nouveau bestiaire sympa
- Entre 25 et 30 heures de contenu
- Beaucoup de choses à voir et à dénicher
Points faibles
- Certaines quêtes franchement maladroites
- Nombreux bugs et chutes de framerate
- Nouveau compagnon pas spécialement intéressant
- La radioactivité, finalement un peu gadget
Solide. Voilà sans doute le terme qui sied le mieux à ce nouveau DLC de Fallout 4. Au delà de l'atmosphère délicieusement Lovecraftienne de cette nouvelle île, qui offre de nombreuses choses à voir et à faire, c'est essentiellement pour l'effort effectué sur l'ensemble des quêtes qu'il faut saluer Far Harbor. En offrant au joueur des personnages plus complexes, des dialogues mieux pensés et des dénouements plus dramatiques et profonds que dans Fallout 4, Bethesda semble avoir écouté certaines doléances des joueurs déçus et a apporté un peu d'aspérité à une saga qui en avait cruellement perdu. Restent toujours les défauts qui collent à la licence depuis le jeu d'origine, les nombreux bugs et problèmes techniques, un nouveau compagnon un peu creux et des maladresses dans certaines quêtes pour empêcher de faire passer Far Harbor du rang de « très bon » à « excellent DLC ». Ce n'est déjà pas si mal, et ce contenu est autant à recommander aux amateurs du jeu de base qu'à ceux déçus par ce dernier.