Au beau milieu d’un marché du MMORPG en pleine mutation, le genre du sandbox s’impose depuis quelques années comme un nouveau souffle tant pour l’industrie que pour les joueurs. Lancé en 2014 sur un modèle free-to-play en Corée du Sud, Black Desert Online en aura fait frétiller d’impatience plus d’un avant l’officialisation de sa localisation en Europe par son éditeur Daum. Un changement de modèle économique plus tard, le MMO de Pearl Abyss est désormais disponible chez nous en format buy-to-play sans pour autant avoir perdu ses promesses de graphismes léchés, de gameplay dynamique et de gestion avancée du commerce et de l’artisanat. Un mélange capable de ravir le cœur des joueurs en cette année 2016 ? Réponses dans ce test.
Une création de personnage pleine d'options
Si Black Desert Online (BDO) s’est avant tout fait connaître grâce à ses graphismes léchés, son éditeur de personnage a aussi acquis une certaine renommée dans le secteur. À tel point que son studio Pearl Abyss l'aura décliné en version stand alone afin de permettre aux joueurs d’explorer l’étendue de ses possibilités avant la sortie du jeu. Les options de personnalisation fourmillent dans l’interface de création, de la morphologie avancée du visage ou du corps en passant par la position mèche par mèche de la chevelure de notre avatar. L’outil est tout simplement l’un des plus complets disponible à l’heure actuelle sur le marché. Revers de la médaille, comme beaucoup de productions coréennes BDO verrouille la plupart de ses classes à un sexe prédéfini. Ce “Gender Lock” vous empêchera par exemple de joueur un archer mâle ou une barbare armée de puissantes haches. Le développeur indique avoir voulu concentrer ses efforts sur l’animation de chaque classe en fonction de son sexe afin de leur apporter plus de personnalité. Quoi qu’il en soit, le jeu propose 7 classes avec une seule et unique variation de genre pour le Magicien qui propose les deux sexes. Vous pourrez incarner un Guerrier, une Rôdeuse, une Sorcière, un Berserker, une Valkyrie, une Dompteuse et enfin un ou une Magicienne. À terme, d'autres classes comme le Blader ou le Ninja devraient arriver sur notre version du jeu.
Terres de découvertes
Dans un pur esprit bac à sable dans la veine de celui d’ArcheAge, le monde de Black Desert offre une multitude d’activités à réaliser. À tel point que les combats passent souvent après la réalisation de diverses tâches chronophages, mais véritablement intéressantes comme l’artisanat, la gestion des ressources, les échanges commerciaux voire même le simple plaisir d’explorer ce vaste monde dénué de temps de chargement. Black Desert peut en effet se prévaloir de graphismes splendides dotés d’une rare élégance dans leur naturel à dépeindre une architecture largement inspirée par l’Italie de la Renaissance. Le mélange subtil entre les différents folklores européens fonctionne et confère le sentiment réel de découvrir un monde vaste et cohérent. Le tout est aidé par un moteur graphique capable d’afficher une profusion de PNJ et de détails à l’écran secondé d'une gestion douce et naturelle de l'éclairage environnemental.
Revers de la médaille, l’apparition des objets distants ou la pleine résolution des textures et des PNJ souffrent d’un effet de popping excessif ce qui brise un peu l’immersion lorsque vous vous déplacez dans des zones particulièrement denses comme les villes. N’oublions pas que nous sommes confrontés à un MMO particulièrement exigeant en ressources doté d’une optimisation somme toute variable préférant souvent sacrifier le cap des 60 fps au profit de la richesse de ses décors. Cela se paye à l’écran par un manque de lisibilité des détails lorsque la végétation où les effets des sorts masquent parfois les créatures que nous attaquons. Le titre ne manque toutefois pas d’options graphiques pour tenter d'atténuer ces problèmes. Nous vous recommandons par exemple de diminuer les effets de secousses de la caméra en combat voire de supprimer le filtre de couleurs par défaut très (trop) fortement contrasté. Néanmoins, cette optimisation variable du titre n’arrive pas à occulter le charme évident du jeu.
Les paysages se montrent diversifiés : de vastes plaines ensoleillées, des viticoles à perte de vue, des forteresses abandonnées perchées sur les falaises, des grottes secrètes à dénicher, il n’y a aucun mal à envisager Black Desert comme un MMO dans lequel on passera beaucoup de temps à profiter de la vue. D’autant plus que l’exploration est secondée par un système d’escalade permettant à votre avatar de grimper sur à peu près tous les obstacles à portée de saut (murs, toits, rochers, etc), le tout avec des déplacements fluides qui mériteraient néanmoins un peu plus de finesse sur notre contrôle des trajectoires.
Extrait - On explore le monde de Black Desert Online
Travailleurs, travailleuses !
Après avoir fait connaissance avec l’exaspérant esprit sombre qui lui servira de guide tout au long de sa progression, le joueur est pris par la main pendant ses premières missions afin d’absorber quelques-unes des possibilités de cet open world. On ne peut pas dire que Black Desert Online usurpe son label sandbox tant il déborde de choses à faire. Presque tous les PNJ croisés sont capables de vous confier une mission de plus ou moins grande importance. Il faut comprendre ici qu’espérer terminer toutes les quêtes du jeu tiendra du projet aussi fou que peu optimisé pour votre progression. L’éventail des tâches à réaliser est si vaste que notre journal de missions peut rapidement se retrouver saturé par des demandes du type “ramenez-moi dix patates”, “allez tuer 15 citrouilles démoniaques dans mon champ” ou encore “faites-vous la main dans l’une des compétences d’artisanat en me fabriquant une planche de bois”. Si la phase de pex vous conduira jusqu'au niveau 50 en moins de 15h pour les , le cap reste théorique puisqu'il est possible de le dépasser à grand renforts d'heures de grind. C’est donc au joueur de s’imposer une liste de tâches définies susceptibles de le faire progresser de manière efficace sans laisser de côté le vaste volet lié à la gestion et au commerce avec les PNJ et les joueurs.
Car l’une des caractéristiques les plus intéressantes de BDO est son système de contribution. Le MMO de Pearl Abyss opère une distinction entre l’expérience récoltée pour gagner en niveau et celle amassée pour augmenter notre jauge de points de cotisation. Voilà pourquoi toutes les quêtes du jeu ne valent pas la peine d’être effectuées si vous n’avez pas réellement besoin de cette ressource. En utilisant ces points, le joueur peut à sa guise louer certains objets auprès des PNJ (des armes, des objets de quêtes, de l’équipement, etc.), investir dans la location de propriétés utilisées pour le housing, le stockage ou encore le craft, mais aussi associer des nœuds sur la carte afin de créer de véritables routes commerciales. En ce sens, Black Desert prend rapidement des airs de jeu de gestion où l’essentiel de votre temps connecté pourra être passé directement sur l’affichage 3D de la carte du monde à contrôler vos différentes chaînes de productions. Chacune de nos actions de récolte ou de craft ponctionne une partie de notre barre d'énergie, une ressource qui se régénère à travers le temps et dont le maximum augmente grâce à certaines quêtes.
Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes
Si le labeur quotidien s'effectue d’abord à la seule force de nos bras, on débloquera rapidement la possibilité d’embaucher des ouvriers dans les différentes villes du jeu afin d’automatiser la plupart des tâches redondantes liées à l’artisanat. Je peux par exemple décider d’envoyer Robert mon bûcheron récolter du bois dans la forêt proche de Velia afin que Francis mon ébéniste utilise ensuite ces ressources pour fabriquer à la chaîne différents types de meubles que j’exposerai dans ma maison ou que je revendrais sur le marché. Les échanges de Black Desert Online sont - tout comme dans le monde réel - basés sur le principe de l’offre et de la demande. Ainsi, il est souvent préférable de faire l’effort de transporter vos biens vers des marchands éloignés pour augmenter leur valeur de revente. De manière fastidieuse à pied, à dos d’âne ou de cheval, ou à l’aide de chariots à louer ou à construire, les routes commerciales de BDO sont l’occasion de vous faire un paquet d’argent afin d’améliorer votre équipement. À condition bien entendu de ne pas vous faire dépouiller par d’autres joueurs une fois le mode PvP activé aux alentours des niveaux 35/40.
Une importante partie du jeu repose sur l’automatisation programmée des différentes tâches liées au commerce. Le jeu hérite de cette philosophie propre aux productions asiatiques, il se charge de réaliser à votre place certaines des actions que d’autres MMO vous demanderaient de réaliser. On pourra par exemple se déplacer automatiquement vers un lieu ou un PNJ de quête, laisser nos ouvriers gérer les sales besognes, voire même pêcher en mode AFK avec le jeu réduit dans la barre des tâches du PC. Loin d’être gênante, ces fonctionnalités automatisées contrebalancent le souci de réalisme constant du jeu. Black Desert est un monde immense où de nombreuses mécanismes de gameplay limitent votre progression. Votre inventaire, bien qu’extensible, est assez réduit en début de partie, votre monture dispose d’une barre d’endurance diminuant avec l’effort et le temps, il n’est pas possible de la faire se reposer dans une étable et de la récupérer dans une autre, il n’y a pas de téléportations entre les villes, tous les objets ramassés pèsent un certain poids y compris votre or ; bref, vous l’aurez compris, BDO est exigeant mais fourmille en contrepartie de choses à faire partout et tout le temps, ce qui confère l’agréable sensation d’évoluer dans un monde vivant et cohérent.
Lassé de commercer ? Pourquoi ne pas vous lancer dans le domptage de chevaux sauvages, la traite des vaches ou bien l'entretien de votre petit lopin de terre personnel ? Malheureusement, le titre de Peal Abyss ne prend pas suffisamment la peine de se montrer didactique sur la plupart de ses mécanismes. Certes, des petits tutoriels vidéos vous aideront à effleurer les bases du système, oui certaines quêtes introduiront la prise en main des différents métiers de craft, mais l’ensemble se montre trop chiche en détails au point de rendre certaines tâches difficiles à comprendre. Il est possible d’augmenter votre niveau d'amitié avec la plupart des PNJ afin de débloquer de nouvelles quêtes ou marchandises, mais le mini-jeu associé à cette fonctionnalité ne nous est jamais réellement expliqué en détails. On comprend donc aisément l’intégration d’un wiki communautaire dans l’interface du jeu.
La bagarre !
Si le joueur passera probablement beaucoup de temps à gérer ses ressources, Black Desert Online ne serait pas un MMO sans nous permettre d'occire des adversaires à la pelle. Une bonne partie de votre progression jusqu’au niveau 50 (et au delà) est liée à du grind pur et simple de mobs. Notre agaçant esprit sombre facilite la montée en niveau grâce à ses quêtes “scénarisées” jusqu’aux abords du niveau 35/40 avant que le joueur ne se transforme en machine à regrouper les adversaires pour les faucher par pack de 10 afin de pexer seul ou idéalement en petit groupe. Atteindre le niveau 50 ne nécessitera pas plus d’une quinzaine d’heures de farm avec de bons spot de farm. Cette rapidité n’impacte pas outre mesure la durée de vie du titre puisque ce dernier repose, vous l’aurez compris, avant tout sur la gestion. Le niveau maximum ouvre aussi les portes de la seconde ambition HL de BDO, son mode PvP.
Le système de combat de Black Desert semble être la prolongation directe et plus moderne de ce que les MMO dynamiques sans ciblage proposaient au joueur il y a quelques années. Nos attaques de bases sont associées aux boutons gauche et droit de la souris puis complétées par une petite poignées de raccourcis clavier ouvrant néanmoins la porte à de multiples possibilités de combos tous plus dévastateurs les uns que les autres. Donnez un coup d’épée en maintenant la touche avant (Z) appuyée déclenche une attaque différente que si le joueur maintient la touche arrière (S) ou de côté (QD) enfoncée. Il en résulte une prise en main fluide, nerveuse et interactive. Le rythme soutenu des combats est donc capable de faire passer la pilule de plusieurs longues heures de farm en mode cerveau débranché. On retrouve ici un côté hack’n’slash à la Diablo avec cette frénésie à vouloir grouper un maximum d’ennemis pour maximiser nos gains et notre plaisir à tout dégommer. Les compétences des diverses classes s’obtiennent en dépensant des points dans un arbre de talent aux possibilités d’évolution assez étendues en fonction du type de gameplay souhaité.
Extrait - Le système de combat de Black Desert
Et sur la durée maintenant ?
Pensez à toujours partir en combat avec une bonne réserve de potions de soins car BDO ne propose pas a proprement parler de trinité. La capacité du joueur à bloquer ou à esquiver les attaques est donc la clé de voûte du système de combat du jeu. Si certaines classes (Valkyrie et Guerriers par exemple) servent de soutien, l'absence de structure conventionnelle de groupe éloigne le titre d'ambitions PvE de haut niveau (HL). Le MMO de Perl Abyss se montre plutôt chiche en contenu à parcourir à plusieurs. Il existe quelques donjons publics et boss mondiaux à envisager à plusieurs, mais ne vous attendez-pas à trouver le moindre raid structuré. Les activité “endgame” sont pour la plupart structurées autour du PvP à plus ou moins grande échelle. Du simple PK (Player Kill), en passant par les arènes ou les guerres entre guildes pour la capture et la sécurisation de routes commerciales et de forteresses, le HL de Black Desert s’envisage avant tout au sein d’une structure communautaire capable d’offrir au joueur les moyens d’explorer cette facette du jeu. Pas sûr que ce type d’expérience sandbox soit capable de tenir en haleine pendant des mois le joueur solitaire qui finira immanquablement par avoir du mal à digérer la quantité colossale de bashing et son manque de réelle récompense à l’arrivée.
Il faudra aussi apprivoiser une interface de base surchargée en informations pour y voir un peu plus clair durant les combats. La faute à des racines coréennes que l’on sent encore bien présentes malgré l’effort d’adaptation au marché occidental opéré par Daum. Comme EVE Online, Black Desert peine à diffuser l’information de façon claire et pertinente au joueur, il n’est pas non plus aidé par sa localisation plus qu’hasardeuse dans la langue de Molière. Entre des pans entiers de dialogues non traduits de l’anglais et des textes qui se chevauchent dans les menus, la marge d’amélioration du MMO reste encore importante.
Cible de nombreuses critiques, le cash shop de Black Desert accompagne le modèle buy-to-play du jeu. Si l’achat du MMO vous reviendra à 29,99 € (ou 49,99 € selon le pack choisi), Daum propose aussi aux joueurs d’investir plus d’argent dans des objets de commodité ou dans des éléments cosmétiques. Costumes, meubles, familiers, espace supplémentaire dans l’inventaire, on retrouve la liste traditionnelle des objets des boutiques en ligne. Si beaucoup pointent du doigt le fait que les éléments de customisation des personnages leur octroie certaines statistiques supplémentaires, il nous semble important de signaler que ces mêmes bonus s’obtiennent très facilement en jeu via le craft ou la nourriture.
On se montera par contre plus critique vis-à-vis de la tenue de camouflage proposée par Daum. En plus de masquer l’affichage de votre nom au dessus de votre tête, cette dernière pose de véritable problème de perception aux personnes touchées par des problèmes de vue comme le daltonisme. Le gros problème actuel de la boutique concerne le tarif prohibitif et absurde appliqué pour la plupart des tenues : il faut en effet débourser plus de 25 euros pour un costume complet, 7 euros pour le moindre sous-vêtement et 20 € pour une monture. Rien ne nous oblige à dépenser de l’argent pour progresser certes, mais ces prix n’en demeurent pas moins trop élevés pour de simples pixels dans un jeu en ligne.
Extrait - Black Desert, un tour de la capitale du monde
Points forts
- Graphismes réussis
- Monde vivant, cohérent, doté d’une superbe ambiance
- Système de combat nerveux
- La gestion du commerce et de l’artisanat
- Des tâches secondaires nombreuses
- Outil de création de personnage très avancé
- PvP agréable
Points faibles
- Peu didactique dans son approche
- Une progression rythmée par le grind
- Un contenu HL sans PvE structuré
- Optimisation variable (popping, chute de framerate, scintillement)
- Narration au second plan
- Une localisation encore bancale
- Interface peu claire
Black Desert Online peut créer un fossé entre les attentes d’une partie des joueurs et sa réalité une fois en jeu. Non, il ne s’agit pas d’un énième MMO asiatique générique entièrement basé sur une approche dynamique des combats. Il est question ici d’un véritable sandbox aux mécanismes tentaculaires dont seules une bonne compréhension et gestion des tâches quotidiennes seront capables d’en faire ressortir tout l’intérêt sur la durée. Beau à en susciter la contemplation, le titre de Pearl Abyss se montre encore parfois trop rugueux sur certains angles. Il parvient toutefois à contrebalancer ses défauts les plus visibles grâce à l’introduction d’éléments de gameplay surprenants liés à l’artisanat et au commerce. On en vient à regretter certaines de ses racines coréennes le faisant dangereusement pencher vers un excès de bashing susceptible de décourager le joueur sur le long terme.