Quantic Dream apprécie décidement ses fonds de tiroirs. Après une sortie légèrement remaniée de leurs deux derniers jeux sur nouvelle génération, le studio français déterre maintenant une autre de ses productions : Fahrenheit. Sorti il y a plus de 10 ans, les équipes de David Cage ont jugé bon de lui offrir un ravalement de façade dans les normes. Seulement, et au-delà de l'aspect lucratif, certains jeux vieillissent quand même avec difficulté.
Sorti fin 2005, le Fahrenheit originel avait été bien acceuilli par la presse (cf. par exemple le test de Jihem, qui lui avait attribué un 15/20), et avait connu un certain succès d'estime au près des joueurs. Il nous proposait d'incarner un dénommé Lucas, qui se retrouve embarqué bon gré mal gré dans une aventure tout sauf plaisante. Celui-ci va tuer un homme d'un coup de couteau dans la poitrine. Seulement, et le joueur s'en rend très vite compte, Lucas n'avait pas sa propre conscience lors de cet acte, et il est tout aussi dépité que vous de se retrouver les mains pleines de sang et le corps d'un inconnu gisant à ses pieds. Comme à son habitude, le studio apprécie les introductions cryptiques au possible. Et il en va de même pour toute la production, puisque si vous n'êtes pas coutumier du travail de Quantic Dream, ce jeu va être extrêmement rebutant.
Notre Gaming Live de Fahrenheit
Que ce soit dans son gameplay ou même dans le déroulement de sa narration, Fahrenheit est un titre à part. Si on devait le calquer sur une autre de leurs créations, il serait l'alter-ego d'un Heavy Rain : une intrigue à multiples points de vues qui se matérialisent in-game par le contrôle de personnages diamétralement opposés (on peut contrôler à la fois le tueur et le policier). Cela offre à Fahrenheit un scénario très alambiqué, voire carrément lourd et laborieux : pointée mainte fois du doigt lors de sa sortie, l'intrigue souffrait d'un rythme très disparate et surtout d'une fin en queue de poisson. Mais là où se situe le véritable problème, c'est que le studio n'a nullement corrigé le tir pour ce remaster. Les dialogues et le déroulement de l'action sont strictement identiques, et les incohérences restent à leurs sempiternelles places même après 10 ans de réflexions.
On pouvait toutefois espérer que Quantic Dream avait sûrement délaissé les changements scénaristiques au profit d'un autre aspect important du remaster, comme le gameplay par exemple. Et bien là encore non, le studio laisse Fahrenheit patoger dans son jus. Les mêmes QTE qui essayent tant bien que mal de ressembler à l'action réalisée ou encore le déclenchement et l'orientation des dialogues, tout ceci reste inchangé. Là où cela pose problème, c'est que l'ensemble a maintenant le poids des années. Cela aurait pu être sympathique pour les fans du studio de découvir les débuts, la mise au point de leur patte artistique ainsi que des techniques de narration, mais malheureusement le jeu n'est même pas pourvu d'un making-of ou même de quelques commentaires de production. Rien. Et c'est bien dommage tant Fahrenheit est intéressant, car même si on ne fait qu'énoncer des défauts depuis le début de ce test, le jeu possède quand même des qualités héritées de la version de 2005. Il fait preuve premièrement d'une bonne mise en sène, certains plans sont très étudiés, et témoignent de l'audace dont fait preuve Quantic Dream dans sa volonté de rapprocher le jeu vidéo du 7ème art. On peut également noter quelques embranchements scénaristiques qui valent le détour. Malheureusement, toutes ces qualités étaient déjà présentes sur le jeu de base, ce qui tourne complètement en dérision ce remaster.
La seule réelle plus-value que Quantic Dream a accordé à cette itération, c'est une amélioration graphique — enfin, plus exactement, un polissage. Les textures restent en effet globalement identiques, même si elles apparaissent à l'écran un poil plus affinées. Par ailleurs, le studio implémente aussi la possiblité de jongler entre la version orignale et la version retravaillée, complètement à la manière du remaster de Grim Fandango. Malheureusement, ça ne fait que mettre en exergue la flemmardise du studio, tant l'ancienne et la nouvelle version ont peu de différences. Déjà que le jeu en 2005 n'était pas un étalon graphique, il fait aujourd'hui peine à voir dans ses déplacements ou même l'animation des protagonistes. Et c'est bien dommage, car un véritable remake (simplification du scénario, nouvelles modélisations...) aurait permis de rendre hommage comme il se doit à l'ambiance et la teneur de l'aventure. Car actuellement, ce remaster ne gomme aucunement les errances de l'original, il les laisse dans leur jus tout en les recouvrant d'une minuscule couche de cirage.
Points forts
- Une ambiance "Lynchienne" intéressante
- Mise en scène audacieuse
Points faibles
- Un remaster à la patte très, très légère
- Un gameplay et des graphismes qui accusent le poids des années
- Un scénario inutilement alambiqué
Autant vendre le jeu originel plutôt que d'énoncer un remaster qui n'en a que le nom. Fahrenheit Remastered n'est pas dépourvu de qualités, loin s'en faut, seulement elles étaient déjà toutes présentes dans le jeu de base. Seule une minuscule mise à niveau graphique est apportée par ce remaster, mais toutes les autres tares que se traîne Fahrenheit depuis un paquet d'années restent inchangées. C'est regrettable dans le sens où un véritable remake, lui, redonnerait ses lettres de noblesses à un titre à l'approche novatrice et surtout à l'inoubliable ambiance.