Le titre du jeu ne cache d'ailleurs pas son influence première : Aviary Attorney est une simulation d'avocat dans la veine de la franchise Ace Attorney, à cela près que le jeu transpose la formule Phoenix Wright dans un Paris du 19ème siècle peuplé d'animaux anthropomorphiques. Le génie de ce titre indé est d'avoir su s'inspirer des "Scènes de la Vie Privée et Publique des Animaux", un recueil d'articles satiriques illustré par J.J. Grandville, pour offrir une direction artistique complètement inattendue dans un jeu vidéo. Car l'imagerie animale de Grandville se prête admirablement au propos d'Aviary Attorney qui parodie à sa façon le système juridique de l'époque à travers une série d'affaires rocambolesques rythmées par les musiques du compositeur français Camille Saint-Saëns.

Le Carnaval des Animaux

A la veille de la révolution de 1848, le fantastique avocat Monsieur Jayjay Falcon et son assistant Sparrowson reçoivent une lettre bien inquiétante signée de la main du seigneur Purrtoir Demiaou. Les deux volatiles y apprennent que la fille de ce monsieur, Dame Caterline, vient d'être mise aux fers pour un crime qu'elle n'a pas commis, et que son procès aura lieu dans trois jours. Son père sollicite instamment le secours de l'avocat de renom pour défendre l'innocente accusée devant la cour. Falcon accepte le défi et nous entraîne avec lui dans son quotidien fait d'investigations et de contre-interrogatoires à travers un Paris peuplé d'animaux anthropomorphiques de tous poils.

Calqué sans complexe sur le modèle Ace Attorney, le titre de Sketchy Logic n'est pas là pour réinventer le genre mais pour lui donner un cachet visuel improbable auquel on résiste difficilement. Qui plus est, tout comme Phoenix Wright, notre avocat à plumes possède lui aussi son fidèle assistant, et même son rival digne de Benjamin Hunter : le procureur Cocorico. La visite des lieux marquants du vieux Paris (Le Louvre, l'Arc de Triomphe, la Conciergierie...) à la veille de la révolution de 1848, constitue un autre attrait majeur d'Aviary Attorney qui nous fait ainsi découvrir les différentes facettes de son univers atypique en alternant comme il se doit entre les phases d'enquête et de procès.

"Un instant !"

Le déroulement de ces phases se veut lui on ne peut plus classique, l'aventure plaçant la narration au tout premier plan, la collecte de preuves servant comme toujours à pointer du doigt les failles éventuelles lors des contre-interrogatoires des témoins. Tout ne se joue d'ailleurs pas forcément au tribunal puisqu'il est possible de manquer des indices clefs empêchant l'accès au bon dénouement de certaines affaires. Les mauvaises fins sont une donnée réelle dans Aviary Attorney, et mieux vaut donc planifier son enquête du mieux possible en explorant les endroits les plus pertinents sous peine de louper une preuve cruciale.

C'est là que le défilement du temps vient mettre son grain de sel dans la partie puisque la visite de certains lieux et l'interrogation des NPC qui en découle consomment une journée entière, et comme la date des procès est immuable on peut facilement rater un ou deux indices clefs. Les choses se corsent donc à partir de la troisième affaire où l'on prend réellement conscience de l'existence de plusieurs embranchements possibles pour atteindre le dénouement avec l'éventualité terrible d'une fin amère en cas de bévue.

Le problème, et c'est justement ce qui met en péril l'efficacité du titre, c'est que le jeu sort en version soit-disant finalisée alors que certains chapitres ne sont pas totalement terminés. Et malgré les promesses du développeur, le fait de ne pas pouvoir continuer l'aventure suivant les choix qu'ils ont décidés au départ reste déjà en travers de la gorge de certains joueurs. Certes, tout cela sera vite corrigé mais, dans la mesure où le jeu reste relativement court, on peut légitimement s'estimer floué par le choix de Sketchy Logic de ne pas avoir opté plutôt pour une période d'Early Access. Malgré tout, la frustration de voir s'afficher le terrible écran de chapitre inachevé (voir la capture ci-dessous) est plus ou moins compensée par la possibilité de revenir en arrière dans l'intrigue pour tenter de débloquer de nouveaux embranchements conduisant à une autre fin.

Dommage qu'il ne soit alors pas possible de zapper la tonne de textes déjà lus pour accéder directement aux choix à effectuer, car il faut être quand même bien motivé pour accepter de tout refaire sans garantie de débloquer de nouveaux éléments nécessaires à la résolution des procès.

Espérons que cet écueil ne vous empêchera pas pour autant de découvrir ce titre qui reste par ailleurs vraiment plaisant à parcourir. Les procès ne sont jamais gagnés d'avance puisqu'on peut facilement perdre la faveur du jury en s'attardant sur les questions les moins pertinentes, et l'histoire réserve quelques rebondissements assez énormes qu'on n'envisagerait même pas dans un épisode de Ace Attorney.

Alors certes, il n'y a pas les fameux "pétages de plombs" des témoins et la brièveté des affaires condamne irrémédiablement la durée de vie du soft, mais le fait de pouvoir réellement se tromper et voir sa partie déboucher sur de mauvaises fins sans que cela empêche l'histoire de se poursuivre est une nouveauté réellement appréciable dans un jeu de ce type. Car le défi n'est plus seulement de réussir à obtenir le verdict "non coupable" mais de découvrir l'entière vérité sur des faits qui se révèlent souvent bien plus complexes qu'ils n'en avaient l'air à première vue.

MAJ : Le chapitre 4c est à présent disponible.