Les jeux de gestion nous ont habitués à tout : de l'antiquité au futur plus ou moins proche, pas une époque n'est passée entre les mains des aficionados de ces jeux à la fois immersifs, stratégiques et dépaysants. Mais au milieu de ces Civilization, Anno et autres Tropico, un petit poucet, issu d'un studio indépendant, tire son épingle du jeu. Avec Democracy 3, vous n'incarnez pas un célèbre empereur ou dictateur, mais le titre de Positech vous propose de prendre les rênes d'un des 6 pays disponibles dans une époque contemporaine et de le faire prospérer à travers le contexte économique et politique actuel. A mi chemin entre gestion et simulation, Democracy 3 propose une approche de la politique encore inédite dans le domaine du jeu vidéo.
Une république à la maison
Democracy 3 vous permet de devenir le chef d'Etat d'un des 6 pays actuellement disponibles : la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie. La première déception vient du fait que seuls des pays développés sont accessibles : adieu l'espoir de transformer un petit pays moins avancé en géant économique et politique. Cependant, l'arrivée pour 2016 d'un add-on sur les pays africains ne ferment pas totalement les portes à cette éventualité. Dans Democracy, pas de personnage réel : exit la possibilité de vous mettre dans la peau de votre bureaucrate préféré (ou pas). Le choix de votre parti politique et celui de l'opposition, étape incontournable en début de partie, est à faire parmi la petite trentaine disponible. Même si le chiffre semble élevé, le choix de votre parti politique n'influera en rien le déroulement de votre partie. Ainsi, vous pourrez aussi bien mener une politique nationaliste avec le parti socialiste qu'une conservatrice avec un parti libéral. Ce manque de cohérence limite sérieusement la crédibilité et le réalisme du jeu, ainsi que la différence entre chaque partie qui deviennent alors très semblables alors qu'elles pourraient être beaucoup plus vastes.
La partie elle même peut s'étendre sur un nombre déterminé ou bien infini de mandats. Le choix de la durée d'un mandat est en option, qui s'étend de 2 à 5 ans et peut donc être ajusté selon le pays afin de coller à la loi en vigueur dans ce dernier. De plus, le jeu se joue au tour par tour, chacun durant un trimestre. Ce fonctionnement apporte quant à lui une certaine cohérence dans le déroulement d'une partie, car le joueur choisi et prévoit alors ses actions à chaque tour. Ce mode de jeu est assez inhabituel pour un jeu de gestion, malgré tout, le principal choc pour le joueur reste l'interface graphique même : ainsi, il n'y a pas de graphismes "visuels" à proprement parler, mais simplement des icônes proposant diverses interactions et qui permettent de contrôler sa partie. Il s'agit d'une interface composée entièrement de ce qui serait simplement des menus dans un autre jeu de gestion.
Pas de cartes ni de graphismes colorées, ici, les courbes et les chiffres seront vos amis. Si cela peut désorienter le joueur à première vue, cela simplifie grandement le gameplay et la prise en main est d'autant plus rapide. On s'habitue très vite à cette interface claire et lisible, et la simplicité de la jouabilité est telle que l'on prends vite ses marques. De plus, si le nombre d'icônes apparaissant en début de partie est plutôt faible, il y en aura de plus en plus avec l'avancée de votre partie, ce qui rends le jeu en même temps plus simple au début et plus complet avec votre avancée. Autre précision à effectuer : le jeu est entièrement en anglais, ce qui peut décourager les non-bilingues et qui limitera fortement l'immersion, la lecture étant essentielle pour une bonne compréhension et immersion dans le jeu.
Un approche différent de la gestion
Si vous êtes un habitué des jeux de gestion, vous serez étonné par la différence avec la plupart de ceux-ci : ici, pour évoluer il faut modifier vos politiques, c'est-à-dire des mesures qui influeront sur votre politique globale et donc sur le déroulement de votre partie. Celle-ci se présente comme des icônes sur l'écran, et c'est en cliquant dessus que l'on accède à sa description et que l'on peut la modifier simplement en faisant glisser un curseur sur une barre. La modification de cette politique s'effectue de droite à gauche et correspond donc aux deux extrêmes : par exemple augmenter ou baisser une taxe, durcir ou adoucir une loi, augmenter ou diminuer une allocation... Ces mesures sont donc le coeur du gameplay du jeu, et un des gros avantages du jeu est leur nombre : on en compte près d'une centaine, toutes très diverses et variées.
Toutes ces mesures affectent chacunes un ou plusieurs facteurs plus globaux tel que le tourisme, la productivité ou encore les relations étrangères. Ces facteurs globaux sont symbolisés en bleu parmi les icônes, et passer le curseur dessus fera apparaitre les flux qui symbolisent de quels politiques le facteur en question dépend et lesquels il affecte. L'ensemble de ces facteurs sont pris en compte dans les 6 domaines principaux à améliorer dans votre partie, à savoir le PIB, la santé, l'éducation, le chômage, le crime et la pauvreté. A cela s'ajoute des icônes rouges et vertes, qui symbolisent une situation positive ou négative et apparaissent au gré de vos actions. Ces événements ont donc des causes et des effets : ainsi, l'événement "économie peu compétitive" est causé par le manque de productivité et une taxe sur l'entreprise trop élevée, tandis qu'il cause une baisse de la croissance du PIB. Vous l'aurez compris, votre partie dépendra de vos actions pour faire apparaître ou disparaître ces événements pour le bien de votre nation.
Cependant, afin de mettre de l'ordre dans la prise des mesures et dans un souci de réalisme, vous aurez besoin de capital politique pour effectuer des actions. Il s'agit de points générés par votre gouvernement à chaque tour, un tour durant un trimestre, et qui devront être gérés efficacement. En effet, toutes les mesures que vous prendrez ont un coût de capital différent : ainsi, augmenter les fonds pour une petite allocation comme celle sur les biocarburants coûtera très peu de points de capital, tandis qu'il faudra les économiser sur plusieurs tours pour pouvoir prendre une mesure drastique comme instaurer la peine de mort. Cela nécessite de bien planifier ses tours de jeu, afin de ne pas se retrouver à cours de points lorsque cela devient nécessaire, et permet également de limiter le nombre de mesures prise à chaque tour afin d'apporter un certain réalisme au jeu et ne pas bombarder votre pays de grosses modifications à chaque tour.
De plus, ces points ne sont pas générés de la même façon durant toute la partie. En effet, votre gouvernement, composé de 7 ministres (politique étrangère, taxes, allocations, transports, économie, loi et justice et services publiques) vous en offrira plus ou moins selon vos actions. En effet, chaque ministre représente 2 groupes de population : si votre politique insatisfait celui du groupe de population d'un ministre, celui-ci perdra de sa loyauté et générera moins de capital. D'autres ministres sont disponibles, mais cela vous coûtera encore une fois des points pour remanier votre gouvernement. Si lors des premières parties le choix de vos ministres paraîtra donc anodin, il est essentiel de les choisir en accord avec votre politique pour maximiser vos gains de capital. Cependant, le faible nombre de ministres disponibles font que l'on a du mal à constituer un gouvernement solide et cohérent. Avec l'avancée de la partie, très peu de ministres restent disponible ce qui handicape fortement la progression du joueur arrivé à ce stade.
Les groupes de populations évoqués à l'instant constituent un autre point essentiel du gameplay de Democracy. Ils sont au nombre de 21 parmi lesquels les patriotes, les religieux ou les agriculteurs ainsi que d'autre plus globaux tel que les capitalistes et socialistes ou encore les pauvres, les classes moyennes et les riches. Chacun de ces groupes représentent une part de la population, et chacune de vos mesures satisferont certains groupes et décevra les autres. Au final, chaque groupe est représenté par une barre de satisfaction : plus elle est pleine, plus le groupe en question sera satisfait de votre politique et sera donc susceptible de voter pour vous aux prochaines élections.
En effet, il sera essentiel de bien jongler avec la satisfaction de ces groupes, car une défaite aux élections est synonyme de la fin de la partie ! De plus, dans le cas inverse, si vous négligez trop un groupe, il arrive qu'une association extrémiste émerge et menace de façon sérieuse votre partie, pouvant aller jusqu'à écourter celle-ci au moyen d'un assassinat si vous ne prenez pas en compte les considérations de cette dernière. Si la gestion de ces affaires internes est plutôt réussie, celle de la politique étrangère est quant à elle très décevante : elle se cantonne à quelques mesures, et on ne peut pas gérer précisément ses relations avec différents pays. La négligence de cette aspect le rends assez anodin et limite également de façon conséquente le réalisme.
Un jeu riche...mais pas assez
Une autre part importante dans votre partie de Democracy est bien évidemment le budget. En effet, à chaque tour, la différence entre vos dépenses (issues du paiement des retraites, de l'armée, des hôpitaux...) et vos recettes (impôts et taxes) sera soustraite ou ajouté à votre dette. Avec la diminution de celle-ci diminueront les intérêts que vous devez payer, et vous pourrez même passer dans le vert si vous gérez efficacement votre argent. Cependant, le facteur économique ne sera jamais synonyme de fin de partie. Seul une défaite aux élections ou un assassinat pourra entrainer celle-ci. Bien sur, vous satisferez plus facilement vos habitants avec des fonds conséquents, mais vous pourrez toujours rebondir même avec un fort déficit.
De plus, votre budget dépendra également de l'économie globale : celle-ci est indépendante de votre politique et vous ne pourrez pas agir dessus. Cependant, elle affectera votre partie : une récession entrainera par exemple une diminution de la croissance. Tout cet aspect budgétaire de la partie est très bien représenté par des diagrammes et des graphes dans un menu dédié. De plus, celui-ci est très réaliste et immersif : on retrouve en détail les dépenses et les recettes de chaque politique, chiffrée et en pourcentage, ce qui permet rapidement d'entrevoir les gouffres financiers. On retrouve également quelques extras qui rendent l'expérience plus réelle, comme la notation des agences, le taux d'intérêt ou le ratio dette/PIB.
Ainsi, les amoureux des chiffres et des graphes trouveront sans problème leurs marques. Cependant, on peut également regretter le fait que le PIB n'est, lui, pas chiffré. De plus, celui-ci est plafonné à une certaine valeur et ne pourra donc plus augmenter, ce qui limite fortement la progression et l'intérêt du joueur pour une partie qui dure. Le manque d'objectif dans votre partie réduira aussi l'intêret pour celle-ci, car seule une défaite y mettra un terme, ce qui rends une partie très vite ennuyante, et même si l'ajout de succès pimente un peu l'expérience du jeu, cela ne suffit pas à doper de manière conséquente la durée de vie du titre.
Enfin, à chaque tour apparaîtra un événement ou il vous sera demandé de faire un choix : par exemple, autoriser ou non la fracturation hydraulique. Ces évènements apparaissent de façon constante et influeront également votre popularité ou votre économie. Cependant, on regrette qu'il ne soit que peu nombreux, et que l'on puisse retomber plusieurs fois sur le même au cours d'une partie, le tout au détriment encore une fois de l'immersion. De plus, d'autres évènements totalement aléatoires peuvent apparaître à chaque début de tour, comme par exemple un scandale ministériel ou un krach boursier. Ceux-ci peuvent vous aider ou vous handicaper durant votre partie, et il sera nécessaire de faire avec pour évoluer. Si ces événements rendent l'expérience plus agréable et complète, ils ne modifient malheureusement pas la durée de vie qui reste un gros défaut du jeu.
Si les développeurs ont intégrés des succès à débloquer, on regrette le manque de variation du gameplay d'une partie à l'autre : toutes les parties se ressemblent, peu importe le pays ou le parti choisi. On peut par exemple regretter le manque de missions scénarisées qui permettrait d'apporter une approche un peu nouvelle sur le jeu. Cela affecte malheureusement l'expérience de jeu et le rend trop vite lassant et répétitif. A cela s'ajoute un fond sonore constant et peu attrayant, qui, même sans être exigible pour un jeu de ce type, pourrait être plus varié. De plus, on regrette que certains aspects de la gestion d'un pays ne soient pas inclus, comme la démographie par exemple. Même si le jeu reste très crédible, de nombreux progrès auraient pus êtres apportés afin d'enrichir le jeu. Cependant, le manque de profondeur du jeu contraste avec celui des premières parties, ou le sentiment de gestion est tout simplement incroyable : le nombre et la diversité des politiques rendent le jeu hyper immersif et réaliste, même si cela ne se limite qu'aux premières heures.
Trailer de Democracy : Extremism
Points forts
- Les politiques à la fois nombreuses et variées
- Une prise en main simple
- Une interface claire et agréable
- L'aspect budgétaire très plaisant
- Pas vraiment de concurrents dans le domaine du jeu de gestion
Points faibles
- Le coté politique étrangère pas assez poussé
- Une bande son inexistante
- Beaucoup de pourcentages et pas assez de chiffres concrets
- Pas de missions/scénarios
- Seulement 6 pays au gameplay quasi identique
- Pas de gestion de la démographie
- Une ambiance bâclée
Pour conclure, Democracy 3 est un OVNI parmis les jeux de gestion. Entre gestion et simulation, il offre une expérience unique à ce jour, en même temps agréable, instructive et stupéfiante. De nombreux contrastes existent sur les différents points du jeu : si celui parait excellent dans les premiers instants, l'illusion retombe vite et le jeu s'avère très rapidement peu profond et répétitif. Malgré tout, ses singularités font du titre de Positech un jeu à essayer, même si son manque de diversité et, sur certains points, de réalisme, peu faire de lui un mini-jeu plus qu'un véritable poids lourd de la gestion-stratégie.