Lancé il y a désormais 8 mois, Life is Strange du studio DONTNOD vient de proposer sa conclusion à travers l'épisode 5 et il est grand temps de faire le point sur la totalité de la première saison. L'aventure narrative et épisodique, diablement entraînante, nous a donc emmenés en cette année 2015 dans les méandres d'Arcadia Bay, petite ville de l'Oregon où d'étranges phénomènes n’ont pas tardé à se mêler à la petite vie tranquille de Max Caulfield, étudiante en lycée spécialisé... Précisons au passage que ce test ne contient aucun spoiler…
Une semaine pour changer le monde
8 mois après notre test sur l'épisode 1 qui vous livrera notre ressenti et avis complet après avoir posé la toute première pierre de la saison, il est donc temps de s'attarder sur l’œuvre dans sa globalité. Bien rythmée et prenante à souhait avec son univers cohérent, contemporain et atypique, Life is Strange nous embarque dans une aventure narrative dans la peau d'une étudiante candide et introvertie, qui apprendra au fur et à mesure à gérer des problèmes « de grand » et notamment son pouvoir, celui de revenir dans le temps sur une courte période. Bousculée par le retour dans sa vie de Chloé Price, sorte de cliché ambulant de l'ado rebelle qui saura charmer le public au fil des épisodes, notre héroïne aura, tel Ashton Kutcher dans l’Effet Papillon, tout le loisir de changer ou non la destinée de ses semblables.
L'intrigue prend tout son sens dès les premières minutes de jeu puisque l’on apprend qu'une étudiante du lycée de Blackwell a disparu mystérieusement depuis quelque temps. Cette étudiante, Rachel Ambers, était d’ailleurs la meilleure amie de Chloé et cette dernière souhaite ardemment enquêter sur cette affaire avec l'aide de Max et de ses pouvoirs nouvellement acquis. Manque de bol, les capacités surnaturelles de la jeune fille ne viennent pas seules et le joueur a très vite une vision, celle d'un futur apocalyptique incarné par une énorme tornade se dirigeant vers Arcadia Bay. Le temps presse puisqu’il se trouve que le cataclysme intervient précisément une semaine après le début de l'aventure... Voilà, vous avez le pitch de cet étonnant périple.
Notre Gaming Live du second épisode de Life is Strange
Une esthétique parfois low cost mais terriblement efficace
Titre épisodique à petit prix, puisque la saison 1 coûte seulement une vingtaine d'euros, Life is Strange arbore une esthétique à mi-chemin entre la 3D un peu cheap au rendu « pâte à modeler » et un travail de textures au style proche de l'aquarelle. Le tout dispose d'une âme certaine et s'avère plaisant à la longue, même si les émotions ont parfois du mal à transpirer lors de certaines séquences durant lesquelles le tout passera tout de même par l’acting vocal, d'excellente facture. Malgré ce manque d'ambition technique, la puissance du titre est irréprochable tant l'aventure est bien écrite et fourmille de détails renforçant l'immersion. Loin d'être tape à l’œil, Life is Strange nous embarque dans de nombreux lieux d’Arcadia Bay au court de son épopée. Des environnements toujours soignés qui apporteront chacun leur ambiance, leur lot d'objets à scruter, de choses à lire, et d'éléments qui interloqueront l'héroïne, souvent de manière savoureuse.
Déclaration d'amour à l'aventure narrative
Avant d'être un album photo de la vie désinvolte d'une étudiante, Life is Strange est une véritable déclaration d'amour au milieu des aventures narratives. Journal intime, SMS, mails, feuilles volantes, coupures de journaux, descriptions très personnelles des protagonistes, tout est là pour vous immerger à fond dans la peau et la vie de cette adolescente crédible et originale. Notre photographe amateur a son mot à dire sur tout et il devient très vite irrésistible de fouiller chaque pièce jusqu'à épuisement des possibilités tant les remarques de Max sont bonnes et blindées de références. Les voix et dialogues sont irréprochables et accompagnent avec brio une bande originale somptueuse composée de folk et d'indie, d’Alt-J à Foals en passant par Syd Matters. Autant de titres qui forment une ambiance sonore parfaitement adaptée au contexte « histoire d'ado dans une petite ville paumée des Etats Unis ». On pourra également compter sur plus de 70 pages de journal intime permettant d’avoir le point de vue de Max sur son aventure. Un œil souvent innocent et candide qui amplifie grandement l’empathie que l’on éprouve à l’égard de ce personnage.
Notre Gaming Live de l'épisode 3 de Life is Strange
Désormais disponible dans son intégralité, l'aventure a su jouer sur l'attente des joueurs, enchaînant les cliffhanger de fin d'épisode et les longues semaines de patience pour les fans avec quelques retards à la clé. Les fans ont d'ailleurs témoigné durant ces 8 mois d'un soutien toujours plus fort à l'égard du projet, n'hésitant pas à multiplier les cosplay, dessins et messages, preuve que l'aventure a pu captiver sur le long terme des publics de tous âges et de tous genres. De manière très cyclique, l'attente d'un nouvel épisode se faisait d'abord par une estimation de la date de sortie sur les réseaux sociaux, puis par l’annonce officielle de cette dernière, souvent accompagnée d'un trailer que les aficionados lutaient pour ne pas regarder. C'était enfin l'heure de diffusion au jour J qui levait le dernier voile sur la disponibilité du nouveau chapitre de l'œuvre. Pour une toute nouvelle licence, l'engouement fut d'une rare intensité.
Comme à chaque épisode, nombreux ont été les lève-tôt et les couche-tard à faire l'aventure dès ses premières minutes de sortie afin de donner leur avis au monde entier comme lorsqu'on attend un épisode de Game of Thrones pour être le premier à en discuter. Voir une telle aura autour d'un titre n'est pas commun et la sphère des streamers Twitch peut en témoigner tant le jeu a été suivi en let's play. Maintenant que les 5 morceaux du puzzle sont disponibles, les nouveaux joueurs vont pouvoir goûter et déguster d'une traite ce Life is Strange, en passant à côté de cette fameuse aura de mystère, héritée de l'attente des joueurs et de leur désir d'en savoir plus en ce qui concerne le scénario et l'issue de l'intrigue, quitte à en discuter ensemble et à échafauder des théories scénaristiques. Faisant partie de cette frange de joueurs s’étant laissé happé par Arcadia Bay dès le premier épisode et attendant impatiemment l’arrivée progressive des suivants, le jugement de votre humble serviteur peut être biaisé par des mois de macération, qui ont sans doute motivé le côté "coup de coeur" de ce test. Néanmoins nous espérons que votre épopée sera à la hauteur de notre avis pour cette véritable démonstration de story telling.
= Gameplay définitivement en second plan ? =
Nous vous en parlions lors de notre test du premier épisode, le gameplay de Life is Strange est relativement simpliste. On peut marcher, trottiner, et interagir contextuellement de plusieurs façons avec les objets. En dehors de ça, il faudra composer avec une difficulté quasi inexistante qui repose souvent sur un bon usage du retour dans le temps. Notre pouvoir surnaturel est donc utilisable sur une simple pression de touche et permet de remonter quelques instants dans le passé afin de changer un choix de dialogue, ou d’activer un événement qui n’est disponible que parce que nous savons ce qu’il se passera dans le futur. Une mécanique qui s’avère assez peu présente au final dans le titre et interviendra qu’une dizaine de fois de manière obligatoire. Il arrive néanmoins que des petits événements apparaissent à l’écran et vous incitent à utiliser votre pouvoir. Ces actions découlent souvent de l’arrivée à l’écran d’un petit logo de papillon, emblème du jeu qui symbolise la théorie du chaos. De là à dire que le battement d’aile d’un papillon peut avoir l’effet d’un ouragan, il n’y a qu’un pas…
Notre Gaming Live de l'épisode 4 de Life is Strange
Toutefois, ne nous méprenons pas, la plupart des choix dans Life is Strange ne sont pas si importants qu'on veut nous le faire croire. Et si certains d’entre eux vous travailleront pendant des heures, leurs conséquences ne sont au final que cosmétiques, purement liées à votre perception de l’aventure et à ce que vous auriez fait à la place de Max, sans pour autant que cela ne change significativement l’histoire. Pas de réels embranchements à la Heavy Rain ou Until Dawn donc, mais bien une aventure « personnalisée » qui saura vous rappeler vos décisions tout en vous chuchotant à l’oreille qu’il s’agit là de l’instant ou du dialogue qui découle de tel ou tel choix pris parfois plusieurs heures auparavant. A ce sujet, sachez qu’il est possible de comparer à la fin de chaque épisode afin de savoir si vos décisions ont été les mêmes qu’une majorité de joueur, ce qui est toujours sympa à voir. Le rythme de la trame s’accélère d’ailleurs au gré des épisodes et il est agréable de voir apparaitre des scènes plus atypiques, d’infiltration, d’enquête, et d’action filée où l’usage du temps est primordial pour arriver à ses fins… Mais trêve de divulgations, si vous souhaitez en savoir plus sans vous gâcher l’aventure, sachez que Life is Strange est clairement à découvrir par soi-même.
Points forts
- Une narration et mise en scène d’une rare qualité
- Un background fouillé et extrêmement bien retranscrit (les réseaux sociaux, les nombreuses lectures, le journal intime...)
- Un duo d’héroïnes terriblement attachant
- Un rythme de plus en plus soutenu au fil des épisodes
- Excellent rapport qualité-durée/prix (15 heures de jeu sans se presser pour une vingtaine d’euros)
- Une bande son d’une intensité rare et des doublages irréprochables
Points faibles
- Synchro labiale et réalisation parfois un peu décevante
- Difficulté zéro et très peu de challenge
- Un final prévisible bien que touchant
- Trop faible importance des choix
Life is Strange est assurément un des coups de cœur de l’année côté aventure narrative. Si le jeu pèche parfois un peu côté réalisation et gameplay, c'est son écriture, son ambiance, sa BO et son scénario qui arrivent à tirer le titre dans la caste des jeux dont on se souviendra longtemps pour leur qualité. Une aventure à faire, que l’on soit attiré par le concept ou non. En attendant une éventuelle saison 2, on ne peut que saluer le travail de DONTNOD qui avec Life is Strange porte haut les couleurs du jeu vidéo français.