Depuis la nuit des temps, les hommes aiment être confrontés à leurs propres peurs. Au cinéma, les réalisateurs n'ont pas attendu l'ère des effets numériques pour mettre en scène des créatures gigantesques, capables de terroriser des villes entières. Avec King Kong, Godzilla est sans doute l'un des monstres les plus terrifiants du septième art. Allégorie de la bombe atomique, le "kaiju" cristallise à lui seul la peur de l'apocalypse nucléaire auprès du peuple japonais. Depuis son apparition en 1954, le dinosaure a évolué mais son aura reste intacte. Ces dernières années, outre le remake américain de l'an passé, on l'a surtout vu dans de petites expériences sur mobiles. Mais cette fois, Godzilla s'attaque à un autre mastodonte : la PlayStation 4.
Dans l'univers des jeux vidéo, les productions inspirées de Godzilla ne manquent pas. Rampage est assurément l'une des plus connues. Dans ce jeu d'arcade de 1986, on incarne une créature qui doit démolir des villes entières, tout en se nourrissant des pauvres badauds qui fuient ou qui se terrent dans les immeubles. Malgré son gameplay redondant, cette pièce d'époque, jouable jusqu'à trois simultanément, demeure toujours aussi fun. Son casting décalé (George le gorille, Lizzie le lézard ou encore Ralph le loup-garou) et son humour feront d'ailleurs l'objet d'une adaptation au cinéma en 2016 (et ce n'est pas une blague !). Parmi les autres représentants, on peut également citer la série des King of Monsters. Né sur arcade et adapté sur de multiples supports (Neo-Geo, Mega Drive, Super Nintendo...), il s'agit d'un jeu de baston - en un contre un - opposant des monstres gigantesques. Enfin, impossible de passer sous silence l'un des jeux du lancement de la Dreamcast au Japon : Godzilla Generations. Dégommé par la presse internationale, ce titre a surtout marqué les esprits par son VMS collector "Atsumete Godzilla" (intégrant une sorte de tamagotchi) vendu quelques mois avant la sortie de la console et du jeu. C'était lent, mou et vraiment pas passionnant ! Le problème, c'est qu'en 2015, le concept n'a pas beaucoup évolué...
Réalisé par Natsume Atari, Godzilla a pour ambition de vous grimer en gros monstre vénère. Le contexte, par rapport aux anciens épisodes, n'a pas bougé d'un pouce. Il s'agit toujours de détruire une ville tout en suivant différents objectifs. S'il est désormais enrichi de quelques dialogues (en anglais ou japonais), le scénario n'est qu'un prétexte à la démolition. Explosions, bâtiments qui s'effondrent avec fracas, hélicos et tanks qui déboulent à coups de canons... le jeu de Bandai Namco ne fait pas dans la demi-mesure et propose un roster plutôt garni (Mothra, Batra, Rodan, Gigan...).
Une réalisation préhistorique
Le problème, c'est que la réalisation graphique est indigne de cette génération. Disponible sur PlayStation 3 au Japon, le jeu ne profite à aucun moment du gain de puissance de la PlayStation 4. Si l'on excepte la modélisation correcte des créatures, tout le reste est à revoir ! Les environnements, en plus d'être pauvres en détails et sans âmes qui vivent, sont d'une tristesse affolante. Les environnements se répètent, les animations (qui défient parfois les lois de la physique) sont risibles et les commandes sont d'une lourdeur épouvantable ! Que ce soit pour Godzilla, ses variantes (organiques ou mechas) ou les autres monstres, chaque mouvement est une purge ! C'est comme manœuvrer un camion de trente tonnes dans une rue étroite ! Une telle lenteur dans un jeu n'a plus aucun sens de nos jours. Heureusement que les bruitages et les musiques tirés des films sont immersifs ! C'est loin d'être une bouée de sauvetage mais ça adoucit la catastrophe.
Un vrai tank
En matière de gameplay, certains choix sont également incompréhensibles. Outre la palette de coups limitée, le joueur doit se coltiner des combinaisons qui dépassent l'entendement. Par exemple, pour faire pivoter le monstre à droite ou à gauche, il faut utiliser les touches latérales R1 / L1. C'est pourtant bien une créature que l'on déplace, pas un hélico ! Alors certes, en plus des coups standards, il est possible de déclencher des attaques spéciales (via des jauges "furie" et "souffle" prévues à cet effet) mais les enchaînements sont si peu variés que les séquences se répètent encore et encore, jusqu'à l'épuisement. Pis, à ce martelage de boutons, il faut ajouter l'impossibilité de se protéger ou d'esquiver ! On passe donc son temps à se prendre des bastos dans la figure. Les développeurs ont pourtant tenté d'intégrer un véritable scénario et des communications entre l'opératrice de la G-Force et le dirigeant au pouvoir mais ça ne suffit pas à faire oublier toutes les tares du jeu. Alors oui, il y a bien le mode "Evolution" qui permet de débloquer de nouvelles compétences, mais ces dernières ne font que booster, pour la plupart, les attaques déjà existantes. Un bon coup de nitro, ça ne lui aurait pas fait de mal à ce vieux dino !
Le changement, c'est pas maintenant
Ce n'est pourtant pas faute d'essayer. La trame principale, matérialisée par le mode "Dieu de la Destruction", est divisée en plusieurs actes. Si les objectifs sont peu originaux, cette section a pour originalité de proposer plusieurs embranchements (plus ou moins difficiles). En fonction de vos choix, les dirigeants changent et adoptent des stratégies différentes selon leur personnalité. Dommage que cet aspect soit juste survolé et qu'il n'ait pas d'impact réel sur la progression. Vous pouvez également choisir d'envahir la ville avec un autre kaiju (si vous êtes lassé de la démarche de Godzilla) ou au contraire prôner la défense de l'humanité en incarnant un kaiju allié (qu'il faudra au préalable débloquer). Le mode "Roi des kaijus", quant à lui, s'apparente à un time attack. Le but consiste à vaincre 6 créatures en un minimum de temps. Rien de très croustillant à se mettre sous les crocs ! C'est d'autant plus vrai qu'on en fait le tour beaucoup trop rapidement. Pour couronner le tout, si un mode en ligne est bel et bien présent et accueille des parties à deux ou trois simultanément, vous serez ravi d'apprendre qu'il n'y a aucune option en mode local. Les parties à plusieurs, c'est sur le Net et puis c'est tout ! Bref, le contenu se contente du strict minimum et peine à cacher son manque d'intérêt global.
Du fan service avant tout
Comparé à ses "illustres" prédécesseurs, Godzilla enclenche la marche arrière. Certaines animations ont disparu (pas d'esquive ?) et la réalisation est à peine plus ambitieuse qu'à l'époque de la Dreamcast. Clairement, le jeu est destiné aux fans qui pardonneront plus facilement les problèmes de rythme et d'ergonomie. Ces derniers prendront sans doute plaisir à débloquer l'ensemble des éléments du jeu (figurines, matériaux...) et à découvrir l'encyclopédie retraçant l'histoire de chaque créature. Les autres, en revanche, préféreront retourner à Jurassic World, voire à un épisode de Denver le dernier dinosaure.
Points forts
- Plusieurs monstres à incarner
- C'est fun de tout détruire
- L'ambiance des films (bruitages et musiques)
- La VO
Points faibles
- Gameplay d'une lourdeur innommable
- Graphismes indignes d'une PS4
- Zones trop petites et délimitées par des lignes
- C'est lent, c'est mou et vraiment pas... bon ok, j'arrête
- Pas de multi en local
- Un contenu qui manque de punch et d'originalité
Dès qu'il s'agit de jeux vidéo, la licence Godzilla peine à convaincre. Et ce n'est pas cet épisode qui va déroger à la règle. Entre les graphismes du siècle dernier et les contrôles inconfortables, le vieux dino a raté la marche de la modernité ! Si tout n'est pas à jeter, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour toucher un public autre qu'une base de fans. Pour un titre proposé à ce tarif, on peut difficilement omettre de signaler ses errances visuelles et son gameplay venu d'un autre temps. C'est mou, c'est lent et vraiment pas passionnant ! Comme un air de déjà-vu...