Que diriez-vous d’un « MMO » sans combat, sans quête et sans violence ? Un jeu atmosphérique entièrement dédié à l’exploration d’une immense île peuplée de mystères. Ça pourrait titiller votre curiosité, non ? Sauf qu’à force de vouloir en faire un jeu dénué de but réel, le développeur n’aurait-il pas créé un jeu dénué de tout intérêt ? En route pour le test d’un jeu où l’on prendra la pleine mesure du mot ennui !
Ce n’est pas comme si les jeux d’exploration semi-passive étaient nouveaux, le genre serait même particulièrement populaire dans le milieu indé pour ne citer que lui. On pensera par exemple à Proteus, Dear Esther, Gone Home ou au très beau The Vanishing of Ethan Carter. Malgré leur atmosphère très posée et leur gameplay réduit à la plus simple expérience de la marche saupoudrée de quelques interactions, tous parviennent à nous maintenir en haleine par leur ambiance et leur potentiel narratif explicite ou implicite. Wander, lui, n’y arrive pas…
I Wander how, I Wander why ?!
L’aventure débute par la plus horrible des manières possible d’introduire le joueur à un jeu d’exploration. On se retrouve en effet coincé dans la peau d’un arbre humanoïde, une sorte d’Ent lourd et lent à se mouvoir, plongé au cœur de la végétation dense d’une grande île tropicale, sans but ni repère. Le cauchemar peut maintenant commencer. Vous ne le savez pas encore car Wander ne dispose d’aucune interface, mais l’objectif est ici d’aller dénicher des pierres magiques placées on ne sait trop où pour vous transformer en humain, en lézard ou en griffon afin d’explorer la zone avec plus de facilité. J’imagine que l’on pourra tomber sur une telle pierre après une quinzaine de minutes de jeu en cas de bol, j’y ai passé 2h30 pour ma part. 2h30 à avancer à la vitesse d’une mémé sur du verglas dans un monde à l’interactivité limitée à sa plus simple expression.
Une fois (enfin !) devenu une femme ou un lézard des mers, vous pourrez partir à l’exploration du monde, dévoiler de mystérieux secrets ancestraux, profiter du paysage, vivre d’intenses moments de découverte… quoique non en fait, comment dire... Wander est aussi palpitant qu’un jour de pluie. Rien, il n’y a rien à faire, juste se balader dans un monde truffé de bugs, parfois artistiquement joli mais vide de toute vie et objectif réel. On pourra se targuer d’y trouver une expérience contemplative pure, reposante sous certains aspects, mais il est difficile de dépasser l’impression constante d’ennui qui émane de nos lentes balades sur l’île. Car rien ici n’a véritablement de but, le moindre village isolé, la moindre île à l’architecture bizarre, la moindre caverne éclairée par des plantes recèle du vide. Une promesse visuelle d’exploration et surtout de découverte de secrets qui tombe à l’eau à tous les coups. Wander se passe en effet de trame narrative et ne fait que distiller des bribes de background grâce à des stèles récitant l’histoire de zones et de ses habitants. Un jeu comme Dark Souls parvient à nous faire imaginer de nombreuses histoires rien qu’en observant ses décors, Wander, lui, ne laisse qu’une sensation de vide narratif absolu.
Un aperçu video de la forme de lézard
Wander Woman ?
La seule interaction possible avec le monde se résume donc à ces pierres disséminées ici et là. Elles permettent de découvrir des glyphes à reproduire - non sans mal - à l’écran grâce au pointeur de la souris ou le stick de la manette. On comprendra par la suite que ces symboles permettent en théorie de communiquer avec les autres joueurs dans une langue très basique (bonjour, gauche, droite, stop, etc.), le rozhda. Dans les faits, la fonctionnalité ne sert presque à rien pour plusieurs raisons. On ne va pas se mentir, Wander ne semble pas attirer les foules (à raison sans doute), et pour un jeu labellisé MMO, vous risquez d’attendre de très longues heures avant de croiser le moindre joueur. Il aurait ensuite été intéressant de pouvoir activer certains signes face à des stèles spécifiques pour déclencher quelques événements, mais il n’en est rien.
Vous allez me dire, mais alors qu’est-ce qu’on fait dans le jeu ? Eh bien rien, si ce n’est avancer sans but et éventuellement trouver un intérêt à errer dans le décor. Il existe toutefois quelques sursauts d’intérêt lorsque l’on découvre les pierres de transformation en d'autres formes. La forme humaine nous délivre de la lenteur exécrable de l’arbre tandis que le lézard se déplace rapidement sous l’eau. On pourrait imaginer que le summum de la liberté réside dans la forme de griffon, grave erreur ! Son maniement exécrable rend les escapades aériennes pas si décoiffantes que les trailers de gameplay pourraient nous le laisser penser. Wander échoue donc à susciter l’intérêt et en devient pénible à la longue. Il donne au final l’impression d’être un projet en alpha, une sorte d’early access technique de ce que le jeu sera capable d’offrir mise à disposition des joueurs avant une sortie calée à dans plusieurs mois.
L' impossibilité d'une île
Et pourtant, le titre est bel et bien étiqueté jeu terminé, il est disponible à la fois sur PC et sur PS4 et au prix fort de 22 € à l’heure où j’écris ce test. Pire, la version PS4 subit de gros ralentissements et bugs en tous genres. Si vous cherchez un simulateur de randonnée, Dear Esther, Ethan Carter ou le moindre RPG en open world fera l’affaire, si vous voulez de la magie et de l’atmosphère Peace & Love, ce ne sont pas les productions indé moins chères et mieux finies qui manquent. Wander n’est au final que l’illusion d’un monde vivant, un monde mort peuplé de promesses déçues.
Wander se targue d’utiliser le Cry Engine en guise de moteur graphique. Dans les faits, la végétation sent bon le copier-coller, les ombres sont floues et le popping des éléments du décor est incessant. Le rendu offre tout de même quelques paysages agréables à observer quelques instants, mais le manque flagrant de finition vient ruiner un tableau pourtant vendu comme idyllique. Les options graphiques sont aussi nombreuses que les interactions en jeu et passent par des menus que l’on croirait tout droit issus d’un build de développement. Aurais-je oublié de mentionner les plantages fréquents, les bugs de collision omniprésents et l’absence totale de faune en jeu ? Un joli tableau n’est-ce pas ? Seule la bande-son sort la tête de l'eau avec ses jolies mélodies transcendantes accompagnées de chœur apaisants.
Points forts
- Certains joueurs pourront y trouver le moyen de se détendre
- Direction artistique parfois agréable à l’œil
- Bande-son apaisante
- M’a fait relativiser le sens du mot ennui
Points faibles
- Très rapidement vide d’intérêt
- Animations maladroites
- Des collisions aux abonnés absents
- Un MMO ? Réellement ?
- Il aurait été bon de finaliser les menus et les options avant de sortir le jeu non ?
J’ai l’impression d’être sans cœur, d’avoir perdu mon âme d’éternel rêveur… J’ai beau avoir tenté de m’immerger dans Wander pendant des dizaines d’heures, rien n’y aura fait, il n’est pas du tout parvenu à éveiller en moi la moindre once d’intérêt. J’en arrive donc à cette conclusion : le jeu ferait bien de se recoller une étiquette alpha au plus vite et de poursuivre son développement. Car à l’heure actuelle, bien plus qu’une expérience non violente d’exploration, le titre est une parfaite simulation du vide. Jouer à Wander, c’est un peu comme regarder un épisode de Derrick, on s’y ennuie quelques minutes par curiosité puis on zappe. La faute à un manque cruel d’interaction avec le monde, de finition et tout simplement de magie...