Dans le monde des jeux de simulation et de gestion, on peut trouver quelques pépites. Buzz Aldrin's Space Program Manager en fait partie. Développé par Polar Motion, un petit studio assez discret et mystérieux, et édité par Slitherine Ltd, le jeu avait été rendu public en Early Access il y a deux ans déjà. Disponible dans sa version complète depuis novembre 2014, le jeu a depuis été patché dans sa version 1.5.0, corrigeant plusieurs bugs et apportant son lot d'équilibrages. Buzz Aldrin's Space Program Manager, que je résumerai par BASPM pour plus de facilité, est disponible dans une version PC (physique et Steam), Mac mais également iOS.
Année 1955, pleine guerre froide. Les deux blocs idéologiques et superpuissances mondiales que sont les Etats-Unis d'Amérique et l'Union Soviétique s'affrontent sur tous les terrains. Dont la science. Votre mission, si vous l'acceptez, est d'arriver le premier sur la Lune. Votre parcours ne sera pas aisé, et il vous faudra partir de zéro. C'est-à-dire doter votre centre spatial des infrastructures nécessaires et faire les débouchés technologiques requis pour pouvoir mettre au point une capsule et un équipement suffisamment fiable pour ne pas mettre en danger la vie de vos astronautes. Ne vous attendez donc pas à réussir en un claquement de doigts !
Une prise en main rapide et flexible
Le principe du jeu est dans l'ensemble assez simple à saisir. Après avoir lancé votre campagne, selon le mode de jeu choisi, vous aurez droit à un message introductif vous exposant le contexte du jeu et ce que l'on attend de vous. En sachant qu'il existe pour chacune des trois campagnes deux modes de jeu modifiant légèrement la finalité du gameplay (donc "six" campagnes de jeu au total). Le premier mode de jeu est classique, il s'agit d'une campagne standard : vous serez soit aux commandes de la NASA, du programme Soviétique, ou alors aux commandes d'un programme fictif inventé de toutes pièces réunissant les missions de la NASA et du programme Soviétique (un objectif à long terme est fixé, différent des deux autres puisque réunissant les Soviets et la NASA en un seul). Le but étant de réussir à aller sur la Lune avant son concurrent. Le deuxième mode de jeu est dit Bac à sable, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de réelle concurrence et que vous pourrez donc prendre votre temps pour faire ce que vous souhaitez. Seul bémol : il y aura un objectif à atteindre, en termes de "Prestige", chaque trimestre, pour espérer rester aux commandes du programme spatial. Si vous n'avez plus d'argent, ou si votre prestige n'est pas assez haut, c'est la porte. Game over. Il vous faudra donc, dans les deux modes de jeu, faire bien attention à votre budget et réguler le tout en conséquence. Sans être radin, sinon, vous n'avancerez point.
Et donc, comme je le disais, quel que soit le mode choisi, le jeu ne vous laisse pas tout seul. Une introduction, ainsi qu'un message de présentation des différentes interfaces vous permettront de prendre en main le jeu. Graphiquement, BASPM est agréable. L'interface est claire, propre et soignée. Les différentes images respectent l'ambiance. On regrettera le manque d'animation, qui rend le tout assez peu vivant. On pourrait avoir l'impression d'avoir un jeu Web par navigateurs, de temps en temps. Mais ce n'est pas vraiment important après tout. Et même si le jeu pèche par un manque de réel tutoriel, on finit par comprendre comment ça marche. Le débutant devra, par contre, forcément passer par la case "Manuel de jeu", ou de recherche sur Internet pour trouver de l'aide s'il n'arrive pas à jouer. En effet, les aides du jeu présentent l'interface principalement, mais ne donnent pas les différents liens entre chaque action, chaque indicateur... Ce qui peut être fatal.
Un gameplay exigeant et stressant
Ce n'est pourtant pas un jeu vidéo d'horreur ni un survival. Et pourtant... Le jeu fonctionne en tour par tour, les tours étant des trimestres. Chaque trimestre, vous recevez des fonds correspondant à votre budget, fournis par le gouvernement. Ce budget est calculé sur le prestige, prestige qui repose sur la réussite de vos missions spatiales (lancement d'une capsule orbitale, homme dans l'espace, avion spatial, photographies du sol de la Lune, etc.). Et donc, pour augmenter votre prestige, il vous faut réussir des missions, missions qui nécessitent de l'argent. La boucle est bouclée. Votre budget est recalculé tous les 4 ans, à durée fixe. Si vous jouez correctement, il ne devrait donc qu'augmenter.
A chaque trimestre, vous pourrez opérer différentes actions. Améliorer des quelques infrastructures de votre centre spatial. Vous ne pourrez pas les personnaliser, celles-ci sont déjà placées sur la carte. Il ne reste qu'à cliquer et payer leur construction ou amélioration. Il vous faut également passer par l'étape de recrutement : des scientifiques pour les recherches, des contrôleurs pour la tour de contrôle, des astronautes pour piloter les missions. Le nombre de personnel maximum est déterminé par le niveau des infrastructures, sachant que certaines missions demandent X astronautes, et X contrôleurs. A vous donc de gérer tout ça. En ce qui concerne les missions, d'ailleurs, celles-ci sont découpées par catégories et couvrent énormément de sujets : de la découverte de l'espace timide des années 50, jusqu'au plus profond du système solaire. Autant dire que de ce côté-là, il y a du contenu. Ces missions nécessitent différents éléments, dont les plus basiques sont : la fusée et la capsule. Ces éléments de missions sont de toutes sortes : fusée, capsule, engin motorisé, combinaison spatiale, etc. Ils pourront être étudiés et améliorés par les scientifiques, et ce sont eux qui déterminent la réussite d'une mission (en plus du niveau des contrôleurs et des astronautes).
Ainsi, chaque trimestre, les scientifiques que vous aurez attribués sur tels éléments augmenteront le niveau de fiabilité de l'élément. Plus les éléments sont fiables, plus la probabilité moyenne de réussite de la mission est importante. Il faut savoir d'ailleurs que le personnel dispose de différentes spécialités, qui déterminent l'efficacité dans tels domaines. Ainsi, les scientifiques spécialisés dans les fusées habitées seront plus efficaces pour travailler sur des fusées habitées. Et ainsi de suite. Il en va de même pour les astronautes et contrôleurs. A vous donc de bien répartir votre personnel. Sachant qu'il est possible d'éduquer et de former vos employés pour augmenter leur capacité. Lors du recrutement d'ailleurs, plus votre prestige est important et plus le moral de vos employés est grand, meilleurs seront les candidats. C'est vraiment important, quand on sait que les fiabilités des éléments n'augmentent que très lentement sinon.
Les missions sont donc découpées en catégories, dits des programmes. Ces programmes doivent être ouverts (nécessitent de passer par la caisse), et il y a une limite de programmes ouverts en même temps. Il est donc inutile de garder un programme ouvert si vous avez déjà fait toutes les missions à l'intérieur. Les missions permettent de débloquer des "Goals" (Objectifs), qui permettent de débloquer d'autres programmes. C'est ainsi donc qu'on évolue dans la hiérarchie et qu'on progresse vers des programmes plus ambitieux encore.
Enfin, le gameplay est stressant. Car, en-dehors de ces actions qui paraissent simples et prenantes, il y a l'exécution des missions à proprement parler. Celles-ci se font entre deux tours. Il faut les programmer au préalable, et attribuer les contrôleurs et astronautes (toutes les missions ne nécessitent pas d'astronautes). Attention, car l'attribution ne doit pas être faite à la légère. Les contrôleurs jouent pour beaucoup sur la réussite de la mission. Heureusement, le jeu prévoit un bouton pour gérer cela automatiquement. Et force est de constater que l'IA réagit très bien et attribue parfaitement les postes selon les choix qui lui sont donnés. Lorsque la mission est programmée et lancée, le véritable stress commence. A partir de là, vous ne pouvez plus rien faire. Le jeu fait tout, et c'est un certain fatalisme qui s'empare de vous. La mission coûte de l'argent, mais surtout, si vous échouez, vous perdrez du prestige. Ce qui peut faire très mal. Mais si vous réussissez, vous en gagnez. A vous donc de lancer la mission quand la probabilité moyenne de réussite est élevée (90% environ). Vous avez le choix entre assister en direct à la mission (ce qui est le plus excitant mais qui peut devenir ennuyeux après plusieurs heures), ou passer directement au résultat. Assister en direct à la mission est plutôt bien fait. Vous vous retrouvez devant un écran vous résumant les différents contrôleurs et astronautes, ainsi qu'un plan de vol avec chaque étape. Chacune de ces étapes est susceptible de faire échouer la mission (qui se résume dans 99% des cas à la mort de l'équipage). D'où l'importance d'avoir de bons contrôleurs, qui permettent de résoudre les problèmes qui se présenteraient. Les animations sur l'écran sont bien faites, bien que perfectibles parfois, et la bande-son assez moyenne (vous vous en lasserez vite des bruitages). Mais quand le message annonçant un problème apparaît... Là c'est le drame. L'icône clignote quelques secondes, et les sueurs froides apparaissent, on espère impuissant que tout reviendra dans l'ordre. Et si cela échoue, vous aurez droit à une petite explosion ou simplement à un écran d'échec. Mais bien entendu votre partie continue !
Des défauts qui plombent trop le jeu
Tout ceci pourrait paraître excitant. Qui n'a jamais rêvé de vivre la conquête spatiale ? Surtout que le contenu semble au rendez-vous (pour une fois), et que le jeu n'a quasiment aucun bug ! Il est stable, et les sauvegardes sont bien gérées. Toutefois, sa difficulté est écœurante. Qu'on se le dise tout de suite, les missions ne peuvent être lancées que lorsqu'un certain pourcentage de fiabilité est atteint. Et cela prend énormément de temps et d'argent, on se retrouve très vite dépassé par l'adversaire IA. On pourrait prendre cela pour du challenge, ou un défi, mais le jeu en lui-même est lent et pas assez vivant. On se lasse à faire toujours les mêmes actions ou à attendre qu'un élément ait fini d'être amélioré, et on finit vite par baisser les bras. Ou pour certains, avoir envie de tricher pour avoir de super scientifiques qui sont à 100% partout... Ce qui n'est guère le but du jeu à la base. Il faut constater l'absence totale de conseils en cours de partie, et le niveau de difficulté le plus faible est "Normal" (pas de mode facile ou "sans contraintes", un réel Bac à sable donc). Ce qui peut être frustrant pour le plus commun des joueurs. BASPM est donc réellement réservé aux joueurs assidus ou fans de ce type de jeux. Personnellement, j'ai réussi à le terminer, mais seulement parce que je me suis accroché comme un fou.
Un autre souci se tient dans la traduction française du jeu. Bien que dans l'ensemble, tout aille bien, il y a tout de même quelques fautes d'orthographe ou des textes qui sont sur deux lignes au lieu d'une. Un détail, mais qui peut rebuter quand on sait que tout le jeu repose sur l'interface et son organisation. D'autant que celle-ci est assez lourde au niveau des missions et programmes, je n'ai toujours pas compris d'ailleurs comment revenir à une page précédente sans se retrouver radicalement sur l'accueil des programmes. Assez énervant donc. De plus, il est assez difficile de s'y retrouver lorsque l'on a plus de deux programmes d'ouverts, surtout si ceux-ci comptent plus de 5 missions chacun et nécessitent une dizaine d'éléments de missions. Ça devient vite fourre-tout et on s'emmêle les pinceaux à faire des multiples allers-retours pour mémoriser les noms (surtout que les missions soviétiques ne sont guère très faciles à retenir...).
Enfin, vous ajoutez à ces deux points noirs un manque total de rejouabilité, et vous avez un avis tranché sur le jeu. En effet, les campagnes sont linéaires, et il n'y a aucune part d'aléatoire si ce n'est celle de la réussite de vos missions. Votre concurrent gagne toujours au même trimestre de la même année, et il n'y a aucune interaction entre lui et vous. Vous vous sentez donc... Seul. Sachant qu'une partie de jeu standard ne dépasse pas les 5 heures, et que le mode Bac à sable est parfaitement le même que la campagne, malgré le contenu conséquent, il n'est pas assez stimulant pour vous retenir jusqu'à la mission sur Mars ou Vénus, voire même plus loin encore. Assez difficile à avaler quand on sait que le jeu est assez cher, comparé à d'autres jeux (même en solde).
Points forts
- De jolis images et visuels
- Un stress qui tient en haleine pour chaque mission
- La possibilité de choisir l'ordre d'exécution des missions
- Un challenge au rendez-vous
- Aucun bug notable et très bonne stabilité
Points faibles
- Pas assez d'explications en jeu
- La difficulté, qui même si elle est intéressante, peut rebuter sur le long terme
- Manque de rejouabilité
- Trop cher compte tenu de la courte durée de vie
Au final, BASPM n'a pas été une perte de temps. J'ai aimé gérer mon petit programme spatial, et le mener à son terme. Je suis juste frustré. Frustré qu'il n'ait pas été plus ambitieux encore, frustré qu'il soit si difficile, frustré qu'un jeu avec un tel potentiel ne soit au final qu'assez redondant. Et même s'il ne plaira qu'à un public bien précis, il aura au moins eu le mérite d'offrir un vent de fraîcheur dans un monde vidéoludique qui ne s'intéresse pas beaucoup à la conquête spatiale. Un juste milieu aurait donc été parfait. On notera toutefois la très bonne recherche des développeurs pour rendre leur jeu fidèle historiquement.