L'E3 2015 approche, les constructeurs, éditeurs et développeurs terminent leurs préparatifs. Parmi la pléthore de AAA que l'on verra et que l'on ne verra pas, il y en a un en particulier qui fait baver de nombreux joueurs : F-Zero. Plongée en sommeil cryogénique depuis la sortie de F-Zero GX, paru en 2003 sur GameCube, la série compte de nombreux fans qui meurent d'impatience de voir revenir Capitain Falcon et ses adversaires hauts en couleurs... Alors aujourd'hui, nous n'allons pas parler de F-Zero mais de The Next Penelope, un titre qui s'en inspire - en partie - et qui mérite vraiment le détour.
Aurélien Regard, un nom avec lequel vous n'êtes pas familier, mais que vous avez sans doute déjà croisé, sans même le savoir.. surtout si vous étiez attiré par les petits jeux pleins de bonnes idées qui fleurissaient à une époque sur la DS originale. À l'époque, le bonhomme travaillait chez Arkedo, petit studio indépendant et français, qui s'était acoquiné avec Sega pour sortir Hell Yeah! Wrath of the Dead Rabbit, en 2012. Ce Metroidvania complètement barré avait rencontré un succès critique plutôt positif mais les joueurs avaient été un peu moins réceptifs. Sans doute un peu dépassé par l'ampleur du projet, les développeurs d'Arkedo se sont sans doute un peu perdus en route et aujourd'hui, le studio n'est plus. En tout cas, officieusement. Mais les deux patrons, le sus-nommé Regard et son complice Camille Guermonprez, ont tracé leurs routes chacun de leur côté, et c'est donc le premier qui revient sur le devant de la scène avec ce The Next Penelope particulièrement savoureux.
Ulysse au pays des merveilles
Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non, c'est Homère ! Enfin, Homère... à peu près. Dans The Next Penelope, vous incarnez Pénélope, reine d'Ithaque et donc épouse d'Ulysse. Vous savez, ce monsieur super rusé qui a su tromper les Troyens et faire entrer l'armée achéenne dans la ville, mettant ainsi fin à une guerre de 10 ans. Rusé mais pas forcément malin, puisque notre amoureux des poneys en bois n'a rien trouvé de plus intelligent que de détruire une statue de Posédien, protecteur de Troie, insultant le dieu des océans. Et un dieu, surtout un dieu grec, ça n'aime pas franchement être insulté par un mortel. Le frère de Zeus va donc harceler Ulysse et son équipage pendant 10 années, les empêchant de rejoindre leur doux foyer.
Dans le texte original, Pénélope attend Ulysse chez elle, guettant l'horizon et se débrouillant pour éviter les nouveaux prétendants au trône d'Ithaque. Mais nous sommes aujourd'hui en 2015 et Pénélope a un peu changé...
The Next Penelope nous plonge donc dans un univers mêlant science-fiction et mythologie, se évoquant ainsi Ulysse 31, la fameuse série franco-japonaise des années 80. High-tech, vaisseaux spatiaux, colonnes ioniques et personnages de la mythologie grecque, voilà un mélange pas banal et plutôt rafraichissant. Au cours de son aventure, Pénélope rencontrera Poséidon, Arachne, Charon, le Minotaure... les clins d'oeil sont nombreux et plutôt plaisants.
Merci Arte(na), mais le jeu sinon ?
Eh bien "Penelope" mélange course et shoot'em up de manière plutôt intelligente. F-Zero, WipEout, MicroMachines, les comparaisons ne manqueront pas, mais rien que ces trois là se justifient. La direction artistique, le choix des couleurs évoquent tout de suite l'univers kitch de la série de Nintendo, tandis que la possibilité de flinguer ses concurrents à coups de lasers rappelera forcément WipEout. La vue du dessus à la MicroMachines et le pilotage extrêmement sensible parachevera la triple-comparaison.
Dans son monde futuro-mythologique, Pénélope conduit un petit vaisseau qui lui servira tant à faire la course qu'à parcourir l'univers et à se battre contre les viles créatures qui se mettront en travers de son chemin. Une diversité de fonctions qui est très bien utilisée dans le soft et le sert à merveille, lui permettant d'offrir, sur les quelques heures de jeux qu'il propose, une vraie variété de situations. Qu'on se le dise, en jouant "Penelope", vous ne vous ennuierez jamais.
Rouler à plein Pégase
Une fois passé le petit tutoriel fort bienvenu, Pénélope aura accès à la carte de l'espace sur laquelle elle pourra se déplacer et accéder à différentes planètes, qui sont autant de niveaux dont il faudra triompher. Chaque niveau se compose de trois sous-niveaux. Le schéma est globalement toujours le même :
- une première course, généralement en solo, qui vous permet de découvrir les particularités de la zone (un ennemi, un certain type d'obstacle...) et/ou la nouvelle arme que vous pourrez ajouter à votre arsenel une fois le niveau terminé. Elle vous sera particulièrement utile tout le long dudit level.
- une seconde course, cette fois contre des adversaires. Il faudra bien sûr finir premier, en utilisant tout son arsenal et éviter la destruction de votre véhicule, synonyme de Game Over.
- et une bataille contre un boss.
Parlons des courses, si vous le voulez bien. Ou même si vous ne le voulez pas, en fait. Dès son lancement, le jeu vous conseille d'utiliser une manette (dans mon cas, un pad Xbox One) et cela sera plutôt utile en effet, même si cela reste très jouable au clavier. Sur manette, vous pouvez opter pour une direction au stick, ou avec les gâchettes analogiques. Les deux fonctionnent très bien, chaque joueur devrait trouver son compte. Depuis notre aperçu, début février 2015, les contrôles ont manifestement été améliorés : trop nerveux il y a quelques mois, votre petit vaisseau pouvait finir très (trop) rapidement dans un mur, ce qui pouvait se montrer frustrant à l'occasion. Désormais il répond au doigt et à l'oeil et on prend beaucoup de plaisir à avaler la route, toujours plus vite et avec toujours plus d'aisance.
Les différents circuits sont plutôt bien pensés puisqu'ils vous obligeront à utiliser le bonus de la zone de manière plutôt intelligente. On aurait simplement aimé que le téléporteur soit aussi disponible pour les ennemis, puisque sans lui, ils perdent rapidement du terrain sur notre Pénélope.
Le talent d'Achille
Mais ne pensez pas pour autant que "Penelope" est un jeu facile. En fait, si vous ne devriez avoir aucun mal à finir les missions d'introduction, gagner les courses ou vaincre les boss seront deux tâches autrement plus corsées. D'abord parce que le jeu a pris le parti de ne proposer aucun frein et que votre petit vaisseau avance tout seul, laissant peu de place à l'erreur. Ensuite parce que vos concurrents partent obligatoirement (ou presque) avec un peu d'avance, et ce grâce à un démarrage turbo qui surprend un peu les premières fois. Tel un Anakin Skywalker des temps anciens (ou futurs ?), vous devrez donc remonter au classement et trouver un moyen de doubler le premier avant qu'il n'atteigne la ligne d'arrivée. Ce qui ne sera pas aisé...
De même, les boss, plutôt old-school dans l'esprit, vous infligent énormément de dégâts, et il ne sera pas évident de le leur rendre bien. La petite subtilité de votre vaisseau, c'est qu'il dispose d'une jauge d'énergie, qui se videra lorsque vous encaisserez des tirs ou percuterez des murs, mais aussi lorsque vous utiliserez vos diverses armes. Mitraillez bêtement votre adversaire, et ce sera le Game Over assuré. Il faut donc observer votre ennemi pour comprendre son pattern et quelles armes utiliser contre lui. Certains sont particulièrement durs à battre, avec une mention spéciale aux deux derniers boss qui m'en ont bien fait baver...
L'Arès au stand
Si vous trouvez le jeu trop difficile, le développeur (parce que oui, il est seul) a pensé à incorporer dans le jeu une boutique dans laquelle vous pourrez utiliser l'XP gagnée durant votre quête pour booster diverses compétences. Une plus grande vitesse de pointe, plus de résistance, une caméra plus éloignée (vous permettant de prévoir plus facilement ce qui va croiser votre route)... C'est plutôt bien vu. Notez que de l'aveu même de son créateur, cette boutique est là avant tout pour les débutants. Il en déconseille l'utilisation à ceux cherchant un vrai challenge. Vous êtes prevenus !
Pan, Pan, t'es mort
Je le disais plus haut, The Next Penelope mélange jeu de courses et session de shoot'em up. Si vous avez effectivement la possibilité de mitrailler vos ennemis en course, vous aurez aussi à traverser de véritable phase de shoot, présentes sous différentes formes : scrolling vertical, scrolling horizontal, ou sur une map étalée, façon Geometry Wars. Si la réalisation, de très bonne facture, est bien entendu appréciable, ce qui compte ici c'est surtout la grande variété de situations et de gameplay que ces moments apportent aux jeux. La conséquence est bien entendu la suivante : on ne s'ennuie jamais en jouant à The Next Penelope. Parce que le jeu n'est pas que bien réalisé, il est aussi rempli de bonnes petites idées et présente un challenge non négligeable.
Bonne nouvelle concernant la durée de vie du titre (qui ne coûte, de toute manière, qu'une petite dizaine d'euros), The Next Penelope bénéficie d'un petit mode multijoueur plutôt fun, allant de trois jusqu'à quatre joueurs. Vous pouvez tous jouer avec une manette ou sur le même clavier, et donc en profiter pour faire les pires saletés à vos amis. Choisissez un vaisseau, un pouvoir, un circuit, et hop, le premier qui remporte 5 manches à gagner. Pour cela il suffira d'être le dernier entier sur le circuit, en sachant que ceux sortant de l'écran seront impitoyablement détruits. Pour l'avoir testé avec quelques collègues entre midi et deux, cela fonctionne plutôt bien, les manches sont très courtes et les parties s'enchainent rapidement. Le tout est assez addictif, en fin de compte.
Une version Switch réussie (mise à jour du 17/01/2018)
Après moult pérégrinations et une sortie Wii U annulée, Pénélope débarque enfin sur une console Nintendo, et pas n'importe laquelle : la Switch, s'il vous plaît ! La petite hybride du fabriquant japonais a largement séduit les développeurs indépendants et c'est donc avec beaucoup de plaisir que nous avons retrouvé The Next Penelope, pour une nouvelle partie. Le portage s'est fait dans la douleur mais le résultat est là : le soft ronronne comme un chaton qui a l'estomac bien rempli. On note notamment la belle fluidité de cette version, qui a fait des progrés par rapport à la précédente. C'est perceptible lorsque le pouvoir de téléportation est utilisé : lorsque nous l'avions testé en juin 2015, nous avions alors constaté quelques légers ralentissements, qui ont cette fois complètement disparu.
Il nous aura toutefois fallu un peu de pratique pour dompter le vaisseau de Pénélope sur ce nouvel hardware. Le petit joystick de la console y est sans doute pour quelque chose, car il offre une précision moindre par rapport à la manette que nous avions utilisé lors de notre test PC. Ce n'est toutefois pas handicapant au point de rendre l'expérience désagréable, mais cela demande un petit temps d'adaptation. Les développeurs de Seaven Studio, qui se sont occupés de ce portage, ont manifestement trouvé la bonne formule, ce qui n'était pas forcément gagné d'avance : The Next Penelope peut se montrer assez exigeant et il était primordial que le joueur puisse garder un contrôle total de son aéronef. Quelques heures de jeu ont suffi à nous rassurer, même si en définitive, nous avons préféré opter pour la manette Pro Switch, qui sied mieux aux gros pouces de l'auteur.
Notre Gaming Live de The Next Penelope (février 2015)
Points forts
- Franchement joli
- Du challenge
- La variété de gameplay
- Le mélange mythologie/science-fiction, bien pensé
- Le jeu a une vraie identité
- Le multijoueur
- Le juste prix
Points faibles
- Un peu léger en termes de contenu. Mais pour 12€, on ne va pas trop se plaindre.
The Next Penelope est court, The Next Penelope n'est pas bien cher, et The Next Penelope passera sans doute un peu inaperçu. Et c'est bien dommage. Mêlant avec intelligence F-Zero, MicroMachines et les shmup de notre enfance dans un délire futuro-mythologique assez rafraichissant, ce petit jeu indépendant , développé par un seul homme, prouve que l'on peut faire beaucoup à partir de pas grand-chose. Sans être révolutionnaire, le jeu est délicieusement rétro, mais avec juste ce qu'il faut de modernité pour ne pas puer le passéisme mielleux, comme c'est parfois le cas avec ce genre de productions. Une petite pastille de fraicheur et de couleurs pour bien commencer l'été.