Apparue en l’an de grâce 2000 sur PC, la licence Hitman connut ses heures de gloire durant les six années qui suivirent avant une traversée du désert qui dura autant de temps. En 2012, l’agent 47 revint sur le devant de la scène avec un nouvel opus communément appelé Absolution. Un titre à la portée action tantôt apprécié tantôt décrié. Puis l’envie d’en découdre poussa notre assassin au costume sur mesure et à la cravate rouge sang sur mobiles. Hitman GO était né. Un jeu de plateau digital. Une suite de puzzles se libérant de cette volonté tout “action” au profit d’une réflexion de chaque instant. Face au succès critique de ce spin-off (81% sur Metacritic), Square Enix prit de nouveau pour cible les joueurs mobiles avec Hitman : Sniper.
Le ciel s'assombrit à mesure que le jour laisse place à la nuit. Une villa à flanc de falaise, bercée par le ressac, s'éclaire en réponse à cette obscurité nouvelle tandis que les premiers flocons de neige virevoltent dans les bourrasques. Sur son promontoire, tapi dans l’ombre, l’agent 47 patiente. Le fusil à l’épaule, la paume tenant fermement la culasse, il insère la balle. Le doigt flirtant avec la gâchette, il attend… Soudain le hurlement de la poudre à canon déchire le silence. Un vol d’une fraction de seconde, une pointe de métal percutant la chair pour une cible gisant désormais à terre.
Reprenant le mode "Sniper Challenge" d'Hitman Absolution, Hitman : Sniper fait la part belle aux séances de tir à distance. Une apologie du headshot par douzaine dans une discrétion toute relative. Côté scénario, le strict minimum est absent. Aucune mise en situation, aucun contexte, à l’exception de la voix d’une opératrice guidant 47 et pour cause... la règle d’or étant de ne jamais poser de questions. Notre tueur à gages enchaîne donc les contrats. Chaque mission implique une cible prioritaire qu’il s’agira d’éliminer en moins de dix minutes et plusieurs objectifs secondaires à ne pas négliger sous peine d’échouer et de devoir recommencer celle-ci.
L’apologie du score
Les missions sont variées, renouvelant constamment le challenge proposé par des objectifs de plus en plus délicats à compléter. Une difficulté ô combien stressante fondée à la fois sur la réflexion, la précision et le timing. Eliminer X gardes, aligner les tirs à la tête, abattre X cibles secondaires en X secondes… Bien que variés, ces objectifs finissent par devenir répétitifs. 150 missions avec de belles heures de jeu en perspective mais se résumant bien trop souvent à augmenter le nombre de victimes, réduire le temps imparti… Un sentiment de langueur exacerbé par la présence d’un environnement unique, une immense villa au bord de l’eau de nuit par temps neigeux. Rien de plus. Aucun changement climatique, aucun cycle jour / nuit pour enrichir l’ensemble.
La mission se conclut par un score une fois le temps écoulé ou la cible abattue. Un score se traduisant en points d’expérience augmentant votre rang de tireur d’élite. Un score calculé d’après vos prouesses, prenant en compte la moindre cartouche tirée : effectuer des tirs complexes en combinant explosions et dissimulation, morts multiples, utilisation du décor... Ce simple principe devenant un “cauchemar” une fois la mission 100 effectuée. Les suivantes vous donneront du fil à retordre vous obligeant à allier compétence fusil en main et réflexion sur le pouce pour un ballet mortel au doux rythme de la culasse extirpant la douille encore chaude. Cependant, Square Enix a pensé à tout offrant aux joueurs les moins patients la possibilité de dépenser des H$ (la monnaie du jeu) pour passer la mission sans la compléter.
“J’adore quand un plan se déroule sans accrocs”
La vie de tueur à gages est régie par un code, des règles à suivre, des principes à appliquer. Une routine nécessaire et dont vous aurez besoin dans Hitman : Sniper. Prendre connaissance de la mission et analyser les objectifs. Choisir le fusil adéquat (“C’est à l’outil que l’on reconnaît un bon ouvrier”). Etablir une stratégie et s’y tenir. Respirer. Presser la détente. Recommencer. Pour finalement vivre cet instant, avec patience, dans le calme.
La connaissance des lieux est primordiale et plus particulièrement les rondes des gardes, les emplacements des éléments interactifs du décor (lampe à gaz, transformateur, balustrade en verre, piscine…). Hitman: Sniper vous pousse à utiliser l’environnement, à l’assimiler pour en faire un outil au même titre que votre fusil. Dissimuler un corps en le faisant chuter d’une falaise, détruire une barrière pour faire chuter une cible 20 mètres en contrebas, créer des accidents afin que tout paraisse on ne peut plus normal pour les autres habitants de cette demeure luxueuse… Tant de manières d’agrémenter le métier de tueur en apportant un haut degré de réflexion. Un aspect puzzle se résumant à élaborer une stratégie et donc déterminer en amont l’ordre des tirs afin de compléter les objectifs secondaires avant de fondre sur la cible principale. Divers aléas venant gâcher la fête requérant une réponse appropriée bien que prise sur le pouce.
Gears, Gains & Guns
Jeu de sniper oblige, le feeling fusil en main est excellent. Après plusieurs missions effectuées, un vrai sentiment de maîtrise émane de chaque tir. L’apprentissage se fait en toute simplicité et votre dextérité s’accroît à mesure que les tombes fleurissent. Zoomer, marquer les ennemis, contrôler sa respiration pour stabiliser la visée, recharger via QTE, anticiper la trajectoire de la balle ainsi que les mouvements de la cible... tout cela paraît diablement naturel. Enchaîner les victimes devenant un véritable jeu d’enfant et me rappelant les paroles du chanteur MC Solaar “John à l'fusil à lunette, c'est comme un jeu. Tiens je te vends un feu. Tu fumes qui tu veux.” (Arkansas - Cinquième As). Désignant du bout de son canon sa prochaine victime, porté par un calme olympien, 47 se transforme alors en agent de la mort.
Un panel de fusils de sniper est à votre disposition. Après avoir commencé avec l’Izanami, vous débloquerez divers fusils aux avantages bien distincts. Débloquer de nouvelles armes demandera de rassembler les différentes pièces afin d’assembler celles-ci. Ces pièces sont fournies en fin de mission par l’intermédiaire d’un système aléatoire de roulette, votre rang de tireur d’élite déterminant la rareté des pièces obtenues. De plus, chaque arme possède plusieurs caractéristiques passives (bonus de score en %…) et des compétences allant des balles perforantes aux explosives en passant par une vision au rayon X permettant de désigner les cibles à travers les murs et autres éléments du décor. Toutes les armes peuvent également être améliorées ce qui augmente leurs statistiques et donne accès à de nouvelles compétences. Nouvelles armes et améliorations sont accessibles via paiement en H$, une monnaie accumulée par la réussite des missions. Cependant, certaines armes ne sont disponibles qu’à l’achat en argent réel. Une limitation dommageable pour un jeu Premium mais en aucun cas problématique, le nombre de fusils mis à disposition étant conséquent.
Une IA à la chasse aux fraises en plein hiver
L’art de l’élimination nécessite des adversaires. Les gardes et les cibles feront l’affaire… enfin, sur le papier, l’intelligence artificielle répond aux besoins du gameplay. Plusieurs états caractérisent ainsi le degré d’alerte des ennemis : OK / Curieux / Suspicieux / Alerte. Différents états symbolisés par des icônes et un code couleur (blanc / jaune / orange / rouge). Une fois en mode Alerte, le garde tentera de déclencher l’alarme en passant un appel radio tandis que les cibles et autres témoins iront prévenir un garde. Les abattre reste la seule solution. Ainsi, à première vue, l’IA remplit son rôle et pourtant… à la fois primaire, prédictible et bien trop souvent circonspecte, elle ira jusqu’à passer devant un cadavre sans broncher. Pour un jeu alliant réflexe et réflexion, un comportement si conditionné des ennemis appauvrit une expérience au demeurant riche.
Minimaliste et sobre
Alors qu’Hitman GO offrait une approche rafraîchissante par une direction artistique inspirée des jeux de plateau, Hitman : Sniper se contente de proposer un environnement certes maîtrisé mais trop pauvre et surtout conventionnel. A l’exception de quelques effets (explosion, électricité), rien ne vient enrichir le tableau. Le travail sur l’éclairage est à noter, une manière sans fioritures de porter le gameplay. Malheureusement, un sentiment de déjà-vu et de trop peu se dégage de cette réalisation en demi-teinte.
Cependant, les animations des personnages (marche, surprise, impact…) sont de bonne facture, permettant au joueur d’identifier leur comportement et de réagir en conséquence. De plus, aucun crash n’est à déplorer pour un jeu à la stabilité sans reproches.
Viser, zoomer, tirer, passer à la cible suivante… De prime abord, le combo clavier / souris s’affiche comme l’unique réponse pour un jeu de tir à la première personne. Et pourtant, les contrôles sont véritablement pensés pour le tactile avec Hitman : Sniper. Square Enix apporte un réticule de visée désigné pour le mobile, où toucher l’icône d’un garde vous permet de le cibler automatiquement, où d’une simple pression vous sortez du mode visée… Preuve s’il en est que le tactile possède des atouts propres et que le mobile est une véritable plate-forme de jeu.
Points forts
- Une recette action / réflexion savamment dosée entre frénésie et stratégie
- Des missions toujours plus complexes pour une courbe de la difficulté maîtrisée
- Une “simulation” de sniper offrant un excellent feeling arme en main
- Une dizaine d'heures d'élimination pour une durée de vie conséquente
- Un jeu pensé pour le mobile (session de jeu de 10 minutes, contrôles…)
Points faibles
- Un sentiment de langueur dû à la redondance des objectifs et de l’unique environnement
- Une intelligence artificielle binaire et sans surprise
- Une réalisation en demi-teinte et une direction artistique lambda
Après un Hitman GO novateur, Square Enix met de nouveau un contrat sur la tête du marché mobile. Généreux avec ses 150 missions et sa durée de vie dépassant les dix heures, Hitman : Sniper est un titre réfléchi offrant au joueur une expérience entre réflexion mortelle tout en puzzles et sentiment viscéral et grisant de toute puissance pour de pures séquences de sniper. Un choix de vie ou de mort tactile ne sachant comment se dépêtrer de son IA capricieuse, du minimalisme de sa réalisation et de cette lassitude naissant contrat après contrat.