Après une décennie portée sur l’action à outrance, l’odeur de poudre à canon et l’héroïsme primaire, la peur refait surface armée d’une flopée de titres (The Evil Within, Alien Isolation, The Vanishing of Ethan Carter…) se réappropriant de vieilles recettes ayant fait la gloire des sagas Resident Evil et Silent Hill entre autres. Forgotten Memories : Alternate Realities, premier volet d’une saga en devenir, est de cette trempe. Développé par Psychoz Interactive, ce survival-horror surfe sur cet obscur besoin de trembler à chaque instant. Sortez la lampe-torche, rechargez vos piles, armez votre fusil de chasse et respirez une dernière fois… vous vous apprêtez à plonger consciemment dans l’horreur.
Forgotten Memories : Alternate Realities prend place dans un asile abandonné. Lieu où Rose Hawkins, une femme à la recherche d’une jeune fille disparue appelée Eden se réveille après avoir été laissée pour morte… Groggy et désorientée, déambulant dans des couloirs drapés de rideaux rouge vif, elle rencontre Noah, une “patiente” de l’asile dans l’incapacité de parler. Communiquant par divers enregistrements sur tourne-disque, elle demande à Rose de révéler le drame vécu par Dorothy Simmons, une infirmière ayant travaillé durant de nombreuses années à l’asile, en échange d’informations concernant Eden. Une quête de vérité qui confrontera notre héroïne à ses peurs les plus profondes.
Le scénario ne transcende pas le genre reprenant copieusement ses poncifs : la femme forte abandonnée dans un lieu en perdition, un protagoniste bien trop volontaire, un asile sujet aux secrets, un mystérieux meurtre… le tout servi par des cinématiques succinctes et porté par des notes et autres fichiers audio disséminés ici et là. A la croisée d’un Shutter Island et d’un tome de la série de romans Chair de Poule, Forgotten Memories : Alternate Realities ne se démarque en rien par la plume… Mais par son ambiance.
L’asile est assurément un cliché de l’horreur au même titre que le manoir hanté et le cimetière en rase campagne et pourtant l’effet est garanti. Savoir qu’entre ces murs sommeillait la pure folie éveille les sens. Le parquet grince. Le vent s’infiltre dans la demeure par les carreaux cassés d’une vitre. Les cellules capitonnées laissent place à une chaise électrique et à une salle d’opérations pour lobotomie… Un papier peint décrépi par l’humidité et les affres du temps accompagne les ombres projetées au rythme des lumières vacillantes. Le jeu de Psychoz Interactive est littéralement plongé dans le noir. A de rares exceptions, un travail sur l’effet de clair / obscur donne à ce lieu des intentions morbides pour un asile figé à jamais hors du temps. La présence de mannequins et autres poupées, corps sans âme, sans conscience à l’image des patients ayant vécu ici, accentue le malaise ressenti. Des mannequins positionnés dans tous les couloirs. Des êtres vides changeant de positions au gré des allers-retours de Rose et prenant vie au détour d’un couloir, fondant sur notre héroïne avec le meurtre pour seule envie et le cliquetis de leurs articulations pour seule invitation.
Un sound design épuré, composé de bruitages se fait l’écho de l’aventure. Le bruit du vent, des ennemis, des portes, des interrupteurs… viennent polluer le silence de mort régnant dans l’asile. La musique elle-même se fait violence sachant s’adoucir le temps de l’investigation pour mieux éclater à chaque mauvaise rencontre.
Forgotten Memories : Alternate Realities est un jeu à la 3ème personne, un survival-horror dans la plus pure tradition, se voulant l’héritier de Resident Evil, Silent Hill et Alone in The Dark. La progression s’articule donc autour de deux axes majeurs que sont l’investigation et la confrontation. L’enquête de Rose commence avec la découverte du corps de Dorothy Simmon. La recherche d’indices, de clés… la conduira au plus profond de l’asile abandonné. Ouvrir un casier, accéder à une pièce verrouillée, résoudre diverses énigmes… et découvrir un à un les secrets dissimulés, telle sera la vie de notre héroïne. Chaque indice récolté viendra nourrir un bloc-notes retraçant vos pérégrinations. N’hésitez pas à le consulter afin de ne pas errer encore et encore.
Une progression ponctuée par des affrontements. Les ennemis s’animent et se traînent, allant à votre rencontre avec la ferme intention de vous tuer. Au fur et à mesure de l’aventure Rose saura trouver les ressources nécessaires pour survivre. Medikits, adrénaline, tuyau en fer, revolver, fusil à canon scié… Une aide salutaire face aux mannequins, spectres sensibles à la lumière (référence à Alan Wake) et autres poupées tueuses armées de couteaux (voir la saga Chucky). Les ennemis sont véritablement coriaces, demandant plusieurs coups pour s’écrouler tandis que quelques coups suffisent à vous faire mourir. Chaque rencontre est donc à l’origine d’une tension grandissante et cette tension ne fera que s'accroître par le manque de lumière et de sauvegardes. La survie reste une question d’économie des moyens mis à notre disposition et Forgotten Memories ne l’a que trop bien compris
Afin de déambuler dans les couloirs de l’asile, une lampe-torche vous sera nécessaire. Une source de lumière que Rose devra recharger à une borne sous peine de se retrouver dans le noir complet après un laps de temps d’utilisation. La possibilité d’avancer dans le noir est à envisager… bien que déconseillé. Et ces maudites bornes ne sont pas légion et surtout éparpillées aux quatre coins de l’asile. Tout comme les ordinateurs permettant de sauver votre progression. Sauvegarder vous demandera donc de dénicher un ordinateur mais également de posséder une disquette afin de pouvoir écrire dessus. Sans disquette, aucune sauvegarde ne sera possible à la manière des tampons encreurs de Resident Evil. Autant vous dire que les balades nocturnes ne seront de mise que si nécessaire car mourir dans Forgotten Memories signifie souvent recommencer 30 minutes de jeu ! Un die & retry très frustrant.
Trouver une source de lumière, un lieu pour sauvegarder, fouiller les décombres… d’incessants allers-retours seront au programme et avec ces derniers de merveilleuses rencontres qui épuiseront vos medikits et munitions et vous feront tourner en rond, errant parfois plusieurs minutes avant de vous repérer… souvent trop tard. Cependant, la perte de repère accentue la peur ressentie une fois plongé dans l’obscurité et Psychoz Interactive manie cet outil avec brio tout en apportant à Rose, par touches discrètes, un phare dans la nuit : lumière rouge, zone lumineuse… dans cet asile labyrinthique.
Des effets de lumière travaillés, des ombres projetées nettes, des textures fines, des effets “mouillés” bluffants… Forgotten Memories se drape dans des graphismes à saluer pour un jeu Mobile tout en se permettant une direction artistique soignée, basée sur un clair / obscur tout en jeux de lumière et projection d’ombres. Cependant, pour un jeu à la technique maîtrisée, des temps de chargement bien trop longs sont à déplorer. Seule ombre au tableau dans ce domaine.
Avec le Mobile vient le tactile et le jeu de Pyschoz Interactive prend le pari de proposer un pad virtuel (Joysticks + Boutons) dont la précision reste toutefois correcte que ça soit pour les déplacements ou pour viser un ennemi. Cependant, l’utilisation d’un pad physique pour un jeu gamer de cette trempe me semble nécessaire.
Points forts
- Un hymne aux jeux et films d’horreur d’antan
- Une ambiance pesante portée par une direction artistique soignée
- Une aventure tout en démence
- Un jeu exigeant
Points faibles
- Une succession d‘archétypes pour un scénario éculé
- Un level design redondant malgré...
- ... une courte durée de vie (4 heures au premier run)
- Une difficulté retorse qui rebutera 90% des joueurs Mobile
Forgotten Memories : Alternate Realities est une aventure survivaliste empreinte d’une nostalgie horrifique, une douce ode à la peur annonçant si cela était encore nécessaire, le retour de l’âge d’or du survival-horror !