Débutée par un petit J-RPG doté d'un gameplay sans grand génie et de graphismes loin d'être adaptés à la PS3, la série des Hyperdimension Neptunia a pourtant su trouver son public au fil des ans, notamment en capitalisant sur son idée de base plutôt originale, c'est-à-dire reproduire la guerre des consoles en personnifiant chaque grand constructeur du jeu vidéo par des fillettes au look manga : Neptune incarne ainsi le défunt Sega, quand Nintendo et Microsoft sont représentés par Blanc et Vert. Mais celle qui a su le plus séduire les joueurs est sans conteste Noire, allégorie de Sony, tout simplement parce qu'elle est une caricature de la tsundere parfaite. Pas étonnant dans de telles conditions qu'Idea Factory et Compile Heart aient décidé de lui dédier un spin-off, donnant ainsi naissance à Hyperdevotion Noire. Toutefois, si les joueurs pouvaient craindre de se retrouver face à une copie sans saveur d'un Hyperdimension Neptunia classique, il n'en est rien, puisqu'à travers ce nouvel épisode la série a décidé de se tourner vers un genre qu'elle n'avait pas encore exploré : le tactical RPG.
Les quatre héroïnes de la Lumière
Il ne serait pas étonnant que pour ce nouveau titre les développeurs se soient inspirés du succès actuel de la PS4 à l'échelle planétaire. En effet, le scénario est simple mais très fidèle à cette volonté permanente de multiplier les références à la sphère vidéoludique : le monde de Gamindustri, sur lequel quatre déesses règnent pacifiquement, est perturbé par Arfoire, incarnation du piratage, qui n'a de cesse de semer la zizanie. Noire n'a donc d'autre choix que de reconquérir son royaume en s'alliant avec ses anciennes concurrentes, Blanc, Vert et Neptune, afin de faire front commun contre l'ennemi. Toutefois, chaque territoire de Gamindustri a été confié aux généraux des déesses qu'il va falloir convaincre afin de progresser dans cette reconquête. Et c'est bien là l'une des grandes forces de ce jeu : totalement fidèle à l'esprit d'Hyperdimension Neptunia, chacun de ces nouveaux personnages inédits va incarner à son tour non pas des développeurs ou des constructeurs comme d'habitude, mais bel et bien des icônes de jeux vidéo sortis sur consoles Sony. Pas de Mario redesigné en fille pour l'occasion donc, même si évidemment les clins d’œil aux concurrents sont multiples, mais du Solid Snake, du Hatsune Miku, du Chun Li, du Dragon Quest, du Final Fantasy ou encore du Pro Evolution Soccer. Difficile parfois de les reconnaître, mais généralement les symboles sont bien présents : un parasol d'Umbrella pour Resident Evil, une boule orange flottante pour Opoona, un jeu méconnu dans nos contrées. Au total, plus d'une vingtaine de personnages jouables, chacun ayant ses coups et ses caractéristiques très particuliers.
Coups bas
Car Hyperdevotion Noire ne se repose pas uniquement sur ses multiples références, il est aussi un T-RPG doté de bonnes idées, en piochant notamment dans ce qui existe déjà. Le fait de pouvoir soulever des blocs et de les empiler fait ainsi aisément penser à Disgaea, de même que les coups dotés d'effets élémentaires comme le Feu ou la Lumière peuvent se retrouver dans de nombreux autres jeux, à commencer par Tears of Tiara qui joue beaucoup là-dessus. Mais dans tous les cas, la présence de ces éléments ici rend les affrontements stratégiques, d'autant plus que les effets du terrain sont également à prendre en compte. Evidemment, il y a les classiques pièges infligeant des dégâts, allant du sol qui s'effondre au laser qui tire des rayons à chaque tour, mais il y a aussi le relief lui-même : un personnage ne pourra pas monter plus d'une case en hauteur s'il n'en a pas la capacité. Et mine de rien, cette notion d'altitude est très importante : un personnage qui tombe se voit non seulement infliger des dégâts, mais si en plus il n'a pas de caisse à sa disposition pour remonter, le joueur peut d'ores et déjà faire une croix sur son utilité. Sauf si, bien sûr, il dispose de coups lui permettant d'attaquer en hauteur, ce que tous les personnages ne peuvent pas faire, y compris ceux possédant des armes à distance. En fonction du terrain, le joueur devra donc faire bien attention au choix des soldats de son armée, en sachant que tous disposent en plus de capacités supplémentaires comme le pouvoir de voler ou de sauter plus haut. La sélection du général n'est pas moins importante puisqu'il apporte à tous ses coéquipiers des bonus non négligeables : se mouvoir d'une case supplémentaire, frapper plus fort, éviter la paralysie ou autres changements de statut souvent dangereux comme la transformation en pixel qui interdit d'utiliser des coups spéciaux.
Un bisou pour faire la guerre
Outre les attaques de base, il existe en effet des coups plus originaux. Ceux-ci, pouvant être utilisés contre quelques points de technique, sont souvent ravageurs d'autant plus qu'ils peuvent toucher de larges zones et qu'ils ne peuvent pas faire l'objet de contre-attaque, ce qui n'est pas négligeable. Chaque personnage en possède cinq, pouvant aller du sort de soin ou de défense au lancer de bouteille sur deux cases en passant par le laser d'un robot géant dévastant une bonne partie de la map. A cela s'ajoute un super-coup parodique pour chaque combattante, infligeant souvent des dégâts massifs aux adversaires, à condition d'user d'une fonctionnalité innovante du jeu : le bisou. Effectivement, si votre personnage lance un coup spécial alors qu'il se trouve juste à côté d'un de ses alliés, cela aura trois avantages : d'abord, le coût en points de technique est réduit, ensuite la puissance de l'attaque est augmentée, surtout si les deux combattantes côte à côte s'entendent bien, enfin une jauge spécifique se remplit, permettant d'infliger ces coups surpuissants mais également de transformer les quatre déesses en CPU, un classique dans la série. Celles-ci auront alors la capacité de voler pendant trois tours, ce qui peut se révéler très pratique dans les moments les plus cruciaux, et frapperont plus fort, surtout si elles sont vêtues d'équipements renforcés achetés en boutique ou synthétisés à partir de divers matériaux ramassés au fil des missions.
Missions impossibles
Ces missions sont d'ailleurs multiples : s'il faudra déjà une bonne quarantaine d'heures pour finir le scénario principal, une dizaine d'heures supplémentaire sera nécessaire pour achever les quêtes annexes. La lassitude ne s'installe pas pour autant, puisque si la moitié de ces missions consiste le plus souvent à éliminer tous les ennemis ou le boss, d'autres sont plus originales : tuer plus de monstres qu'un adversaire, atteindre la sortie en utilisant des téléporteurs, sauver un individu ou éviter que des zombies ne s'échappent en sont autant d'exemples. Qui plus est, chaque niveau comporte des coffres bien placés, ne pouvant s'ouvrir qu'avec un élément spécifique, et donc avec une combattante particulière, si bien qu'il faudra parfois analyser la situation sur le long terme pour espérer tout récupérer. Au cas où le joueur aurait loupé l'un de ces coffres au cours d'une mission principale, il aura toujours l'occasion de la refaire grâce à un simulateur. Cela lui permettra en plus de faire augmenter le niveau de ses personnages, ce qui n'est pas du luxe étant donné la difficulté du jeu. Car oui, Hyperdevotion Noire est extrêmement difficile. Non seulement parce que le level design des stages est parfois travaillé pour que les personnages alliés soient attaqués en permanence alors qu'ils tentent de traverser un passage dangereux, mais aussi et surtout parce que les adversaires en face sont tout simplement surpuissants pour peu que vos combattantes aient quelques niveaux de moins. Un simple monstre peut ainsi faire des techniques de zone affectant absolument tous vos personnages et leur infligeant des statuts négatifs comme la pétrification : pas étonnant donc que le boss final puisse offrir un game over en une seule attaque, y compris en mode Facile. Heureusement les développeurs du jeu en étaient eux-mêmes conscients, laissant la possibilité au joueur de recommencer le niveau à chaque échec en réduisant considérablement les statistiques des ennemis.
Sim Noire
La difficulté mise à part, l'autre défaut majeur du jeu vient de ses graphismes. Si les développeurs se sont essayés au style « super déformé » pour les personnages, ce qui rend plutôt bien, les différents stages restent assez pauvres sur le plan technique, et la caméra n'est pas non plus des plus simples à manier. En revanche, comme dans tous les Hyperdimension Neptunia, les artworks des héroïnes lors des phases de dialogue en anglais doublées dans la langue de Shakespeare ou en japonais, sont magnifiques, et le fan service répond évidemment à l'appel lui aussi. Noire a ainsi le droit à son propre mini-jeu, dans lequel elle doit répondre correctement aux requêtes de ses concitoyens : en cas de bonne réponse, le joueur pourra débloquer des discussions supplémentaires la mettant en scène et également redécorer ses appartements. Reste que, musicalement, Hyperdevotion Noire s'en sort mieux que les épisodes de la série principale, notamment le thème de la dernière mission, de très bonne facture.
Points forts
- De très bonnes idées de gameplay
- Une quarantaine d'heures pour en voir le bout
- Des références vidéoludiques à foison
- Un doublage japonais de très bonne facture
- Des musiques agréables
- L'option "Easier please..."
Points faibles
- Une difficulté permanente et artificielle
- Certains niveaux volontairement mal construits
- Les missions annexes, répétitives
Hyperdevotion Noire n'est donc peut-être pas un coup de maître, mais il est au moins un très bon spin-off. S'inspirant de nombreux autres T-RPG dans ses mécaniques de jeu, il réussit à se les approprier et à y ajouter ses propres spécificités pour livrer des missions relativement stratégiques : les amateurs du genre peuvent donc sans peine se tourner vers cet opus, d'autant plus que les jeux de ce type sont relativement rares sur PS Vita. Quant aux fans d'Hyperdimension Neptunia, ils ne seront pas déçus non plus : ils retrouveront avec plaisir le personnage attachant de Noire, mais aussi les multiples références au monde vidéoludique qui ont fait tout le succès de la série.