Nombreux sont les amateurs de jeux d'aventure à désirer ardemment poser les mains sur un titre qui restituerait l'atmosphère épaisse et hypnotique du Nom de la Rose pour ne citer que lui. Ajouter une pincée de mysticisme à un point'n click peut faire des étincelles et la série L'Inquisiteur propose de plonger le joueur dans l'univers des romans de Valerio Evangelisti, sur fond de religion et de manifestations diaboliques. Après un premier livre sous-titré « La Peste », Microïds et TiconBlu nous reviennent avec le deuxième volet des aventures de Nicolas Eymerich, intitulé Le Village.
Vous vous trouvez en l'an de grâce 1345, aux commandes de l'Inquisiteur Général du Languedoc Nicolas Eymerich, chargé d’enquêter sur l'étrange apparition d'une forme maléfique dans le ciel de Calcarès, village du sud de France, au sein duquel se répand une peste dévastant sa population. Le personnage de Nicolas, acariâtre et toujours prêt à abuser de son pouvoir d'Inquisiteur Général, sera en charge de déterminer la nature de cette manifestation supposée diabolique en sondant les habitants du village et en résolvant des énigmes.
L'histoire et l'ambiance : Les seules réussites du jeu ?
A l'image du premier épisode, sur le papier, le Livre 2 de L'Inquisiteur a tout pour plaire. Atmosphère mystique, population inquiétante, environnements crasses, bref, le joueur peut s'attendre à une aventure mystique et glauque et l'on sent clairement la volonté des développeurs de créer une ambiance poisseuse à souhait et cela constitue sans doute l'une des rares réussites du jeu. L'écriture globale est plus que convenable, l'univers intrigant et l'on a vraiment l'envie d'en connaître davantage sur les mystères qui dévastent le village.
Le problème étant que tout le reste ne suit pas et vous renvoie immédiatement aux jeux vidéo d'il y a au moins 10 ans. Techniquement, dire que le jeu est daté sur PC serait un doux euphémisme. Les textures sont baveuses, les animations (lorsqu'il y en a) frisent le ridicule. Il n'est effectivement pas rare de voir un personnage se déplacer sans qu'aucun de ses membres ne s'articulent, donnant la sensation étrange de le voir flotter dans le décor. La modélisation des protagonistes prête également à sourire car un peu trop caricaturale pour donner de l'épaisseur au ton sérieux de la série, et leurs expressions faciales lors des cut-scenes ou phases de dialogues (étrangement affichées en 4:3) ne correspondent pas franchement aux phrases déclamées par des comédiens de doublage qui en font trop.
Un gameplay catastrophique qui occulte les points forts
En somme, L'Inquisiteur Livre 2 n'est pas une réussite technique. Il ne serait pas nécessaire d'en faire grand cas si la jouabilité n'était pas proprement catastrophique. L'expérience de jeu est effectivement très, très désagréable et ce pour une multitude de raisons. La première d'entre elles réside dans la lourdeur et l'imprécision du déplacement de votre personnage. Aller d'un point à un autre semble prendre des heures entières, à plus forte raison lorsque votre empoté d'inquisiteur se refuse à contourner un meuble que vous ne pouvez pas voir en raison d'angles de vue terriblement mal pensés. Car il faut bien reconnaître que nous n'avons eu que rarement l'occasion de nous trouver confrontés à des plans de caméra aussi mal fichus. Lorsqu'ils ne dissimulent pas une pièce à explorer, il se déplacent en fonction de votre position dans la pièce d'une manière très étrange, gênant davantage encore la bonne visibilité des éléments du tableau, parvenant même à mettre hors-champ certains items à récupérer et indispensables à la progression de l'histoire.
La précision des informations affichées à l'écran et du curseur ne sont pas en reste. Outre le fait que les éléments interactifs ne sont pas nécessairement indiqués à l'écran lors de leur survol avec le curseur de la souris, il arrive bien souvent que les endroits où vous cliquez ne correspondent pas exactement avec l'interaction ou le déplacement possibles. Ce problème inexplicable rend autant les déplacements que la résolution d'énigmes douloureux, coupant systématiquement sous le pied tout le mordant que pouvait avoir la résolution d'un puzzle pour laisser place à un agacement profond.
Les énigmes sont d'ailleurs d'une qualité et d'une cohérence inconstantes. Particulièrement accessibles sur le papier, elles deviennent de vrais casse-tête en raison d'une jouabilité qui aurait dû être intégralement remaniée. Alternant entre recherche pure d'objets et mini-jeux consistant à assembler des puzzles, la progression dans l'aventure passe parfois par des phases hilarantes malgré elles. Prenons l'exemple de cette femme cloîtrée dans sa maison et qui refuse de vous ouvrir sa porte. Comment faire alors pour contraindre la contrevenante à vous laisser rentrer chez elle ? Rien de plus simple : réparez une catapulte, allez chercher le chef de la garde et convainquez-le de bombarder la maison de la pauvresse. Ouvrir la porte d'une maison à coups de rochers catapultés depuis une colline, autant dire que le moyen est aussi efficace que radical. Cette action donne d'ailleurs lieu à une cut-scene dont on ignore encore la pertinence et dont la réalisation et le doublage donnent un aperçu plutôt fidèle de la qualité générale du jeu, qui ne semble jamais vraiment savoir comment donner plus de corps aux enjeux dramatiques et sombres pourtant développés dans son intrigue.
Mais si l'on garde à l'esprit que l'histoire du jeu est très sympathique et qu'il faut bien concéder à l'Inquisiteur Livre 2 la qualité de générer chez le joueur l'envie de connaître la suite des événements, il est alors possible de garder la force de poursuivre l'aventure. Auquel cas vous serez sans doute régulièrement coincé dans votre progression, non pas parce que les énigmes sont difficiles, mais simplement parce que les cruelles lacunes de gameplay entravent leur résolution. Ainsi vous pouvez solliciter l'aide de Dieu, symbolisé par un crucifix en bas à gauche de votre écran. Cliquez dessus, et le jeu se chargera d'ordonner à votre personnage d'effectuer la prochaine étape nécessaire à l'avancée dans l'aventure. Ainsi, l'exploitation de l'aide intégrée devient quasiment impulsive et ne répond plus à un désir ponctuel d'être guidé, mais à une volonté d'avancer dans l'aventure sans s'encombrer des lourdeurs de gameplay. Chaque utilisation vous coûtera un point d'astuce, point que vous pouvez récupérer en résolvant l'énigme suivante. Si vous en avez le courage.
Points forts
- Une histoire qui gagne à être découverte
- Atmosphère pesante bien développée
Points faibles
- Graphiquement (très) daté
- Animations hilarantes malgré elles
- Caméra catastrophique
- Déplacements et interactions imprécis
- Inventaire mal fichu
- Enigmes pas franchement inspirées
- Traduction mal finie
- Vendu sur Steam pour près de 15 €
Il faudrait être un saint pour être totalement indulgent à l'égard de L'Inquisiteur Livre 2 : Le Village. Au-delà de sa plastique repoussante, c'est l'intégralité du gameplay qui aurait gagné à être repensé. Imprécision pénible des interactions, énigmes peu intéressantes, objets rendus inaccessibles par des angles de vue affreusement mal pensés, déplacements d'une lourdeur fatigante, manque de finitions jusque dans la traduction... les défauts ne manquent pas au deuxième volet de Nicolas Eymerich. Le constat est rude et même si l'on sent la bonne volonté manifeste d'un studio dont on sait qu'il ne roule par sur l'or, il reste regrettable qu'une jouabilité au rabais empêche de vivre pleinement une histoire qui vaut pourtant la peine d'être découverte et de se plonger dans ambiance mystérieuse et pesante dans laquelle on aurait aimé s'immerger avec délice plutôt qu'avec frustration et agacement.