Apparu sur la scène des jeux indépendants en 2012 avec Waveform, le studio Eden Industries nous fait partager à présent sa vision du RPG. Une vision qui devrait parler aux plus nostalgiques d'entre vous puisque leur titre, Citizens of Earth, semble tellement influencé par la série Mother qu'on ne doute pas de la passion des développeurs pour celle-ci !
Proposé dans une version bénéficiant d'une traduction en français et d'un doublage anglais de qualité, Citizens of Earth met au tout premier plan un type d'individu rarement affecté au rôle de héros de RPG : un homme politique. Plus exactement, c'est le vice-président de la Terre que l'on nous invite à incarner le lendemain même de son élection...
Vice-président d'un monde en perdition
Si vous avez joué à Earthbound, le deuxième volet de la série Mother, vous ne manquerez pas de relever les innombrables similitudes entre les deux jeux, et ce dès les premières secondes de l'aventure. Bien que visiblement d'âge mûr, notre vice-président est tiré du lit par sa dévouée maman, la brave dame se chargeant accessoirement de ramasser le linge sale éparpillé dans la chambre de son fils trop pris par son rôle d'homme politique pour s'abaisser à toucher des chaussettes usagées que l'on nous décrit d'ailleurs comme de véritables armes biologiques. Vous l'aurez compris, c'est l'absurdité la plus totale qui règne dans Citizens of Earth, et on s'y fait d'autant plus vite que l'humour passe très bien et nous change des sempiternels héros devant sauver le monde à force de courage et d'abnégation.
Cela dit, la mission de notre vice-président est tout aussi cruciale pour l'avenir de la planète puisque celle-ci semble être la proie de phénomènes étranges qu'il va vous falloir élucider. Epaulé au début du jeu par sa mère et son frangin, notre héros verra ainsi sa campagne de recrutement prendre bien vite une dimension paranormale. A peine sorti de chez lui, il doit déjà faire face à des groupes de manifestants qui tentent de le passer à tabac, avant de livrer bataille contre des geeks accro à la caféine, des créatures mutantes de toutes sortes, des panneaux de signalisation agressifs, des « men in black » planqués derrière des pots de fleur et même des vaches-OVNI aussi ridicules qu'hostiles. Un « bestiaire » pour le moins inhabituel qui confère au soft un caractère bien particulier. Quant aux affrontements, s'ils demeurent plutôt classiques dans leur déroulement, ils le sont beaucoup moins dans leur présentation. Car si le vice-président du monde ne se salit jamais directement les mains, les membres de son équipe disposent eux de techniques carrément originales. Alors que les manifestants nous infligent des dégâts par des remarques blessantes, notre team n'hésite pas à endormir ses adversaires à coups de sermons, à les embobiner par de beaux discours ou à les tabasser massivement s'il le faut.
Chaque personnage a ainsi son truc bien à lui : si la maman aime faire des gros câlins pour redonner de la vie à ses troupes, le boulanger préfère quant à lui concocter des arômes pour distraire ses ennemis, tandis que le conspirationniste n'hésite pas à recourir à la fois aux discours enjôleurs et à la manière forte s'il le faut. Cela passe alors par l'usage d'outils peu recommandables, comme un aiguillon à bestiaux ou un sérum de vérité qui ont l'avantage de combiner les attaques physiques à des éléments naturels tels que l'eau ou l'électricité. Cette notion d'éléments est d'ailleurs primordiale dans le gameplay puisque la plupart des ennemis sont vulnérables à un élément bien précis, et le fait d'exploiter ces points faibles permet d'accumuler les unités d'énergie requises pour lancer toutes les compétences spéciales. A l'inverse, se faire prendre par surprise ou attaquer avec l'élément fétiche de l'adversaire nous fait perdre ces précieux points d'énergie autour desquels gravite tout l'aspect tactique des combats. On dénombre ainsi sept éléments différents à prendre en compte durant la partie (neutre, thermique, bactériologique, hydrique, musclé, statique et verbal), le plus prudent étant de se constituer une équipe hétéroclite capable de dégainer n'importe quel élément quand il le faut.
Un RPG sans aucun NPC
Limité à seulement trois membres actifs, notre petit groupe nous oblige à faire des concessions en laissant la grande majorité de nos alliés sur le carreau. Sachant que le soft comprend pas moins de 40 personnages jouables, il est évident qu'on peut difficilement prendre le temps de tous les faire évoluer, même s'il est possible d'en envoyer certains sur les bancs de l'école pour leur faire gagner de l'XP pendant une durée limitée. Le fait que Citizens of Earth ne comporte aucun NPC mais seulement des protagonistes jouables qui peuvent potentiellement rejoindre nos rangs reste tout de même franchement appréciable. Mais encore faut-il réussir à convaincre ces futurs compagnons de nous faire confiance, et pour les recruter, notre vice-président devra mener à bien une quantité astronomique de quêtes secondaires. Il ne faut d'ailleurs pas plus de quelques minutes pour que la map soit littéralement noyée de pointeurs d'objectifs optionnels relatifs à ces missions de recrutement, ce qui rend leur accomplissement d'autant plus délicat à mener à bien.
L'enrôlement de chacun de ces quarante compagnons constitue pourtant l'un des principaux arguments de Citizens of Earth, rappelant un peu la quête des 108 étoiles de la série Suikoden, à une échelle plus petite évidemment. Les recruter tous ne sera pas une mince affaire mais ils ont pourtant chacun un rôle à jouer, ne serait-ce que parce qu'ils possèdent des techniques bien à eux, pour la plupart utilisables en dehors des combats. On pourra notamment modifier le temps à notre guise grâce à la miss météo, ajuster le niveau de difficulté, fouiller dans les poubelles en compagnie du personnage SDF, consulter les fiches des ennemis via le conspirationniste, voyager rapidement en enrôlant l'aviatrice, ou encore se réapprovisionner chez le boulanger. Certes, ce sont tous des stéréotypes affligeants, mais leur présence contribue indéniablement à l'ambiance complètement décalée de ce titre qui, pour le coup, s'éloigne allègrement des sentiers battus. Qui plus est, l'acquisition régulière de nouvelles techniques permet de conserver les mêmes protagonistes assez longtemps sans se lasser trop vite. Dommage que les équipements soient limités à un seul objet par personnage et qu'ils induisent presque tous une contrepartie qui n'incite pas forcément à les utiliser.
Mother-like
Evidemment, on ne peut pas conclure sans souligner une fois encore que le fait de jouer à Citizens of Earth nous donne vraiment l'impression de renouer avec la série Mother, série méconnue du public européen même si Earthbound, le deuxième opus, est disponible depuis quelque temps sur la console virtuelle de la Wii U. Tout dans le jeu du studio Eden Intrustries renvoie immanquablement à Mother, on y retrouve le même type d'humour décalé, de situations loufoques, d'ennemis improbables, jusqu'aux arrière-plans psychédéliques qui viennent colorer les batailles. Les concepteurs ont même repris l'idée de pouvoir éradiquer les ennemis faibles directement sur le terrain sans passer par un écran de combat en les envoyant charger dans le tas, ce qui permet de gagner un peu de temps compte tenu de la fréquence élevée des joutes dans Citizens of Earth. De la même façon, il n'est pas rare de voir les adversaires se regrouper lorsqu'ils sont proches les uns des autres sur le terrain, et les environnements contemporains rappellent tous plus ou moins ceux de la série Mother. Autant dire qu'à moins d'être totalement insensible à cette formule rétro, on plonge assez facilement dans l'univers de Citizens of Earth, et ce malgré des lourdeurs évidentes dans le déroulement de l'aventure.
Notre vidéo-test de Citizens of Earth
Points forts
- Un RPG old-school qui sort de l'ordinaire
- L'impression de jouer à un épisode de la série Mother (Earthbound)
- L'humour et le second degré omniprésents
- La tonne d'alliés à recruter
- Des missions annexes en pagaille
- La notion d'éléments et de points faibles dans les combats
- Pouvoir charger les ennemis les plus faibles pour les éliminer automatiquement
- Difficulté ajustable (via un perso)
- Durée de vie solide
Points faibles
- On peut difficilement profiter de tous nos alliés
- L'anarchie au niveau des missions secondaires
- La fréquence élevée des combats qui deviennent redondants
- Trop d'allers-retours
- On ne peut pas zoomer sur les maps
Absurde et rétro à souhait, Citizens of Earth est un vibrant hommage au RPG Earthbound, un jeu avec lequel il entretient tant de similitudes qu'on a clairement l'impression de jouer à un épisode de la série Mother. Si l'aspect old-school se révèle agréablement travaillé, tout comme l'humour et le second degré, le manque d'originalité côté gameplay risque en revanche de laisser les amateurs du genre sur leur faim, d'autant que la profusion de quêtes annexes se fait un peu au détriment du scénario principal. Reste un titre rafraîchissant et audacieux qu'on a bien du mal à lâcher une fois la campagne de recrutement entamée.