Frank West n'est décidément pas prêt à laisser sombrer le scoop de sa vie. Les morts de Willamette sont de retour avec des clichés revus, corrigés, améliorés, mais aussi caviardés. Plutôt que de végéter dans un re-portage HD facile, le reporter ose enfin se montrer sous un nouveau jour ! Pour que ce ne soit pas son dernier, les joueurs doivent réinvestir les lieux et retrouver leurs Reflex d’antan. 18 ans après, des choses ont changé, oui… mais est-ce suffisant pour réveiller les morts ?
Nous avons joué à Dead Rising Deluxe Remaster sur Xbox Series X via un code transmis par Capcom. Nous avons terminé l'aventure principale et fait divers défis annexes.
216 mois plus tard plus tard
Initialement sorti en septembre 2006 exclusivement sur Xbox 360, Dead Rising avait su retourner son petit monde en proposant un beat them all hybride, à la fois bourré d’action et reposant sur de véritables éléments de survival. Dix-huit ans et des millions de mordus plus tard, le soft de Capcom revient aux origines après un quatrième opus qui a divisé les fans. Si notre reporter Frank West sait qu’il faut prendre des risques afin de dégoter le bon scoop, les dirigeants de Capcom préfèrent retourner dans leur zone de confort – leur salle de sécurité, histoire d’être plus à propos – pour compter les liasses en liesse. Nous retrouvons donc le centre commercial de Willamette avec ses milliers de zombies à charcuter ainsi que sa brochette de psychopathes à trucider grâce aux armes/outils dénichés dans les multiples boutiques. Batte de baseball, hache, banc, chaise, boule de bowling, CD, tronçonneuse, poêle, club de golf, guitare, pistolet, fusil, tondeuse à gazon… tout est potentiellement utile quand il s’agit d’allonger du marcheur. Les bibliothèques sont également bourrées de livres améliorant les capacités du héros tant que ces derniers restent dans l’inventaire.
Ce qui fonctionne toujours dans Dead Rising, c’est ce mélange audacieux entre Beat them all foutraque où la liberté d’action règne et survival-horror implacable inspiré des œuvres du septième art exigeant une bonne dose de rigueur. Sous son aspect gentiment décomplexé, avec ce grand centre commercial découpé en zones distinctes à piller afin de choper de l’équipement, des véhicules et des déguisements, le soft de Capcom impose des règles contraignantes. Dans sa quête principale de révélation de la vérité, Frank doit avant tout partir à la recherche de points d’expérience, histoire de muscler son jeu. Sa survie en dépend. Nouveaux coups spéciaux au corps-à-corps, carrés de santé supplémentaires, agrandissement de l’inventaire… s’il veut faciliter son périple, le joueur doit absolument tuer des zombies, accomplir des tâches annexes et prendre des photos (plus c’est monstrueux, mieux c’est). Que ce soit dans sa structure, son world design, ses cinématiques ou son scénario, la création de Capcom reste celle que l’on connaît.
Frank West a 72 heures pour résoudre le mystère de Willamette et retourner à l’héliport du centre commercial. Les journées passées dans ce haut lieu du consumérisme sont découpées en rendez-vous (appelés “CAS” dans le jeu) où le joueur doit se rendre en temps et en heure s’il veut continuer la quête principale. Le moindre retard annule toute possibilité de connaître le fin mot de l’histoire. En plus de cela, des missions annexes (les “scoops”) s'ajoutent à la trame. Elles demandent d'escorter des survivants ou d’affronter des boss puissants… et donc de perdre du temps ! Et le temps, dans Dead Rising, il vaut bien plus que de l’argent. Les objectifs annexes sont tellement nombreux qu’il est impossible de tous les réussir lors d’un premier run. Il faut donc choisir : tuer un psycho afin de récupérer son arme dévastatrice ou l’ignorer et s’assurer d’être à l’heure au prochain rendez-vous, quitte à être moins bien équipé ? En cas de Game Over ou de “CAS” raté, deux propositions sont avancées : charger une précédente sauvegarde ou recommencer l’aventure dans son intégralité en gardant les statistiques de son personnage.
Deluxe avec supplément ketchup
Contrairement à d’autres “remakes” du même éditeur, ce Dead Rising sauce 2024 doit être vu comme un rafraîchissement de l’épisode fondateur, bien qu’il puisse aussi avoir l’odeur d’un plat réchauffé. Nous sommes ici plus proches de ce qui a été fait avec la nouvelle version de Dead Space que de l’époustouflante réimagination de Resident Evil 4 sortie en 2023. Les nouveautés majeures se classent en deux catégories : celles entrant dans la refonte technique et celles, plus sympathiques encore, améliorant l’expérience utilisateur. Bien sûr, nous constatons des costumes tout neufs (en DLC) ou encore des pièces upgradant l’appareil photo (flash, focus), mais le contenu 100 % inédit demeure rare.
En ce qui concerne les graphismes, ces derniers sont affichés dans un joli 4K/60fps qui en jette, d’autant plus que tous les personnages importants bénéficient de modèles refaits avec soin, qu’il s’agisse des gentils comme des méchants. Le Willamette Parkview Mall est quant à lui mis en valeur par des textures plus détaillées ainsi que des éclairages retravaillés. Les zombies se démembrent dans des gerbes de sang qui font plaisir à voir. À propos de la fluidité, nous avons constaté de rares chutes de framerate au cours de notre épopée, sans que cela n’atteigne la gravité de ceux aperçus dans le soft d’origine. Le pop-up (affichant soudainement des éléments du décor/des zombies) est lui aussi toujours de la partie, bien qu’il soit moins flagrant qu’en 2006. Les multiples chargements ont eux aussi fait le trajet dans la veste de Frank.
Du côté de l’audio, la spatialisation est mieux gérée qu’auparavant, et il est désormais possible d’avoir d’autres musiques d’ambiance dans le centre commercial en fonction du costume équipé. Le gros plus vient surtout du doublage français impeccable : tous les protagonistes sont désormais audibles dans notre douce langue, tandis que les textes sans voix d’il y a 18 ans ont été remplacés par de vrais dialogues. Les survivants sont même capables de donner oralement des conseils à Frank ! Dans un jeu où il faut toujours avoir un œil sur l’agitation ambiante, ces ajouts aident à progresser efficacement. Nous notons également qu’avec cette édition Deluxe Remaster, les appels radio ne sont plus annulés si Frank frappe un monstre. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous, ça veut dire beaucoup.
Pour l’expérience utilisateur, enfin, Capcom s’est retroussé les manches sans plonger ses mains dans la glaise. Le mythe n’est pas recréé, mais il est rafistolé ! Parmi les améliorations de confort les plus notables, Frank West a désormais la faculté de se déplacer tout en visant, quand bien même il le ferait très lentement. Les roulades sont disponibles dès le début et rendent les combats plus faciles. Les puristes seront sûrement ravis de savoir que la maniabilité “old school” est toujours accessible via les options. Les sauvegardes sont moins contraignantes qu’auparavant grâce à des checkpoints réguliers, les PNJs sont moins enquiquinants à escorter puisque leur IA a été repensée, il y a une option pour accélérer le temps (utile quand on refait un run) et l’interface générale est bien plus avenante que par le passé avec ses sous-rubriques intelligemment classées. En outre, la boussole indique les objectifs de manière plus moderne avec des points plutôt qu’une unique flèche. Il est ainsi permis d’en afficher plusieurs en même temps, ce qui permet d’optimiser l’exploration. Nul besoin de préciser que toutes ces optimisations sont plus que bienvenues, même si les déplacements/mouvements restent un brin rigides.
Les morts aux trousses
Le reporter catapulté à Willamette se doit de répondre aux questions que tout le monde se pose, quand bien même ces dernières fâcheraient. Avec sa refonte graphique notable et son confort utilisateur retravaillé facilitant la progression peu importe le mode sélectionné, ce Dead Rising cuvée 2024 s’impose-t-il comme un incontournable ? Peut-il convaincre un nouveau public ou s’adresse-t-il avant tout aux passionnés de la première heure ?
Soyons clairs : tous les problèmes n’ont pas été corrigés avec cette édition. En premier lieu, il y a cet aspect brouillon assez désagréable au fil des divers allers-retours. L’unique bouton d’action qui sert à tout faire (ramasser, activer, ouvrir) mène à des erreurs grossières, bien que Capcom ait ajouté la faculté de cibler un autre objet grâce à une gâchette. Dans la précipitation causée par des zombies toujours plus nombreux et dangereux, il est aisé d’effectuer une autre action que celle que l’on envisageait. De plus, les développeurs n’ont pas repris le système d’inventaire de Dead Rising 4 et c’est bien dommage car il était parvenu à éviter que l’on utilise, au hasard, un pack de lait après la destruction soudaine d’une arme. Heureusement, une barre d’état est maintenant là, indiquant précisément quand un ustensile va céder.
L’intelligence artificielle des PNJs, même s’il y a du mieux par rapport à avant, n’est pas non plus irréprochable. Il arrive que les personnages se bloquent dans le décor ou prennent des décisions illogiques. Il est par ailleurs toujours rageant de blesser les survivants en essayant de les défendre face à une horde d’adversaires, surtout dans les ultimes couloirs/ascenseurs menant à la salle de sécurité. Les nombreux boss du jeu, sacs à pv aux patterns répétitifs, auraient mérité une refonte approfondie de la manière de les combattre. Le temps qu’ils nous font perdre peut nous mener à rater un CAS, puisque le jeu ne redonne pas toujours suffisamment de minutes pour aller d’un point A à un point B. Cela peut engendrer de la frustration puisqu’il faut alors recommencer depuis le début (ou reprendre une sauvegarde ne comptabilisant pas les points d’XP gagnés). Des véhicules sont là pour gagner de précieuses secondes, mais, comme il y a 18 ans, ils réapparaissent à leur spawn d’origine dès que l’on quitte une zone.
Les fans de la première heure craignaient de voir disparaître les décapitations. Nous pouvons leur assurer qu’elles sont présentes. Non, ce n’est pas la violence que Dead Rising Deluxe Remaster édulcore, mais son contenu grivois. Les photos à caractère érotique ne sont plus reconnues et rentrent désormais dans la catégorie “inclassable”. C’est Kent qui va être déçu ! Cet aspect qui aurait pu engendrer diverses polémiques est un vestige du passé. Les plans de caméras sexualisant les personnages féminins lors des cinématiques sont quant à eux toujours présents, Capcom n’ayant vraisemblablement pas souhaité retoucher à la mise en scène des cutscenes. En guise de lot de consolation, les photographes vicieux peuvent ajouter des filtres afin d’obtenir les photos dignes de celles publiées sur Insta. Plus “glam”, mais moins “creepy sexy”, donc.
Conclusion
Points forts
- Rythme toujours effréné pour un beat them all hybride qui fait encore mouche
- Plein de modifications améliorant l’expérience utilisateur
- Dead Rising plus beau que jamais, avec des persos retravaillés
- Totalement doublé en français, et la VF est réussie
Points faibles
- Malgré les ajouts, toujours aussi brouillon qu’à l’époque (combats, survivants, boss, inventaire)
- L’IA a été refaite, mais elle n’est pas bonne pour autant
- Beaucoup de chargements, quelques chutes de framerate et pop-up présent
- Des mécaniques et déplacements qui paraissent forcément rigides en 2024
Note de la rédaction
Décidément, le repos éternel n’existe pas quand on est un zombie conçu au sein des laboratoires de Capcom. À l’approche d’halloween, le groupe japonais fait revenir Frank West des limbes dans une version de Dead Rising plus belle, plus quali, mais un peu coupée (des photos érotiques). Cette édition Deluxe Remaster arrondit les angles d’un gameplay “so 2006” brut de décoffrage à grands coups de maillet. Le résultat a de quoi faire saliver les fans, à défaut de transformer les néophytes en mordus. Quoi qu’il en soit, Willamette a de beaux restes que vous allez aimer combattre.