Les rues de Night City vous manquent ? Nobody Wants to Die est l'alternative Cyberpunk qu'il vous faut. Mais l'expérience à l'univers sublime n'est pas sans défauts.
Voix de narrateur austère, clope au bec et monologue aigri sur la société : Nobody Wants to Die semble détenir tous les ingrédients magiques pour une ambiance film noir impeccable. Si vous en êtes un fervent adepte dans sa forme la plus classique, il serait dommage de passer votre chemin. Le premier projet du studio suédois Critical Hit Games ne rafraîchit jamais la formule, mais elle excelle dans la représentation d’un sous-genre des années 40 et de tous ses tropes et archétypes : une ville gangrenée par le mal et la corruption, de l’argent sale, quelques mafieux et surtout, un détective sur le déclin, un peu porté sur la bouteille et qui, bien sûr, vient de perdre sa femme. James Karra restera visage caché la majeure partie de l’aventure, première personne oblige, mais vous pourrez néanmoins entendre sa douce voix éraillée par la cigarette vous raconter non sans un certain humour pince-sans-rire à quel point il subit le poids d’une société ruinée par la technologie et l’élite.
Dans ce monde un peu spécial planté dans un New York des années 2329, l'immortalité a un prix que seuls les plus riches peuvent se permettre. Les humains peuvent désormais stocker leur conscience dans des banques mémorielles pour la transférer dans un nouveau corps, qui s’avère être souvent celui d’un pauvre. Non sans une légère nonchalance, James va être engagé sur les traces d’un tueur en série qui s’en prend aux hautes sphères et s’anime à le faire tourner en bourrique tout au long d’une intrigue qui ne manque certainement pas de panache. Nobody Wants to Die semble piocher dans une variété d’inspirations différentes, à commencer par la série BioShock, dont les effluves de Rapture laissent ici des traces. Et puis citons Blade Runner et surtout le très bon Observer de Bloober Team avec qu’il partage de jolis points communs.
Peut-être le plus beau jeu de l'année
Dans Nobody Wants to Die, la technologie est avancée à un tel point que les citoyens peuvent enfin explorer les confins de leur ville à bord de voitures volantes. Une prouesse technique qui nous offre dès lors des panoramas à couper le souffle, avec des points de vue qui donnent réellement l’impression d’observer une métropole gargantuesque. Les décors ont l’air sincèrement vivants, on s’y perd volontiers plusieurs secondes et l’ensemble est très joliment détaillé. On aime observer les petits points mouvants qui constituent la foule, les câblages chaotiques qui relient chaque bâtiment et les sublimes contrastes de la ville. Libre à vous d’opter pour le mode performance à 60 fps ou pour le mode qualité qui vous offrira un rendu plus précis. Dans les deux cas, vous ne devriez pas rencontrer de soucis particuliers. La représentation Cyberpunk est très réussie en ce sens et va de pair avec un sound design qui sert aussi avec brio cette atmosphère sombre d’une cité en souffrance. L'OST du titre est d’ailleurs composé par Mikolai Stroinski, lequel a œuvré sur The Witcher 3. Dommage, simplement, que le jeu se cantonne à autant d’espaces fermés quand on aimerait davantage profiter du travail d'orfèvre réalisé sur la construction de la ville. Reste en revanche la modélisation des personnages, point le moins abouti esthétiquement de l’univers. L’impression de croiser la même victime à chaque cadavre qui jonche le sol n’aide pas à la crédibilité d’une histoire déjà alambiquée.
Mise en scène incroyable pour narration imparfaite
L’aspect le plus regrettable au sujet de Nobody Wants to Die, c’est probablement l’absence de journal, qu’on aimerait consulter entre les myriades de noms de victime à retenir. Rien n’est à disposition du joueur pour l’aider à retracer le cours d’un récit expédié en à peine cinq à sept heures de jeu. Votre attention est entièrement requise dès les premières minutes pour maîtriser la compréhension d’un monde qui ne s'embarrasse pas non plus de contextualisations toujours très satisfaisantes. Si les bonnes histoires courtes ont tout à fait leur place dans nos catalogues de jeu, ici, on reste tristement sur notre faim ; les crédits se déroulent dans la surprise générale alors que des zones d’ombres importantes stagnent encore sur le tableau de l’enquête. Il n’y a pas l’air non plus d'exister de conséquences vraiment drastiques aux quelques choix narratifs qui nous ont été donnés de faire. Regrettable, pour une intrigue au potentiel indéniable qui regorgeait d’idées qui auraient mérité d’être davantage exploitées. Aussi, le passé personnel de James, qu’on sait étrangement relié à notre enquête, s’imbrique de manière assez grossière avec le reste de l’histoire, nous laissant dans une certaine incompréhension.
En revanche, Nobody Wants to Die excelle dans la mise en scène et les choix de plans à couper le souffle. Globalement, il est assez difficile de s’ennuyer, principalement parce que l’on a toujours très hâte de découvrir quels décors nous réservent les développeurs dans le prochain chapitre. Et puis, le protagoniste ne reste jamais muré dans le silence, et préfère nous servir à longueur de temps des monologues qui, disons-le, ont un peu tendance à chatouiller tous les clichés de l’antihéros typique de film noir. Précisons aussi qu’il n’est pas seul : il est en communication quasi-constante avec une collègue de travail, Sara, un personnage plutôt intéressant qui lui parle depuis une petite oreillette. C’est un outil de narration bien souvent usé depuis Firewatch, très utile pour occuper l’espace et créer de belles dynamiques de duos.
Marcher plus qu'enquêter
Si vous pensiez trouver dans Nobody Wants to Die un véritable jeu d’enquête requérant de se creuser les méninges, vous pouvez tout de suite passer votre chemin. Le soft est bien plus proche d’un walking simulator parsemé de mécaniques ultra-dirigistes. C’est d’ailleurs bien en tant que tel que le studio vend son expérience (en faisant exception des mécaniques ultra-dirigistes, bien sûr). On pourrait croire à quelques bribes de liberté quand le jeu vous largue sur une première scène de crime avec plusieurs outils à disposition tels qu'un appareil photo, une lampe à UV et autres gadgets pour scanner les choses invisibles à l’œil nu. Mais vous êtes constamment pris par la main lors de ces étapes que l'on aurait aimé pouvoir réaliser de manière plus autonome. Concrètement, vous n’aurez jamais la satisfaction de dénicher un indice par vous-même.
L’autre particularité de la partie enquête réside dans la technologie dont dispose James pour l’aider à comprendre les scènes de crime : un outil qui lui permet tout bonnement de remonter le temps pour reconstituer les meurtres et tueries dans leur ensemble. L’utilisation de l’accessoire est assez chaotique dans ses débuts, mais se prend finalement vite en main. S’il offre un point de vue plutôt séduisant pour certaines scènes, son usage devient néanmoins assez lassant. Le jeu vous accorde un poil plus de libre arbitre lorsqu’il est temps de faire le point sur l’enquête avec des choix de déduction à réaliser pour tirer des conclusions assez logiques ; un système un peu expédié, mais qui permet au moins de revenir sur des éléments que vous pourriez ne pas avoir compris au préalable.
Conclusion
Points forts
- Terriblement beau
- De sublimes choix de mise en scène
- Une ambiance film noir des année 40/cyberpunk ultra maîtrisée
- Une intrigue globalement prenante
- Un protagoniste plutôt sympathique
Points faibles
- L'absence de journal pour retracer l'enquête
- Des difficultés à contextualiser proprement l'histoire
- On reste sur notre faim
- Les quelques mécaniques d'enquête sont ultra-dirigistes
- L'outil pour remonter le temps devient pénible
Note de la rédaction
On aime tout de suite Nobody Wants to Die pour son ambiance film noir cyberpunk maîtrisée et juste sublime. On revient pour les choix fabuleux de mise en scène, l’univers animé et les décors gargantuesques dans lesquels on se perdrait des heures. Le jeu souffre néanmoins d’une poignée de défauts dans sa narration, ses zones d’ombres frustrantes et l’absence d’un journal dans lequel nous aurions pu garder le fil d’affaires alambiquées. Le walking sim reste agréable à parcourir dans son ensemble mais ses quelques mécaniques sont aussi regrettablement trop dirigistes.