Alors que BG&E2 est perdu dans la stratosphère, Ubisoft nous a offert, en juin dernier, une version “20ème anniversaire” de son classique Beyond Good & Evil. Au programme, des visuels améliorés, des bonus à gogo - et même une chasse au trésor qui pose les bases du tant attendu second opus. Alors, est-ce que la magie d’Hillys marche toujours autant après toutes ces années ? Notre verdict.
Nous vous parlons d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Un temps, au tout début des années 2000, où Ubisoft a enchaîné Splinter Cell, Prince of Persia : Les Sables du Temps, Rayman 3, XIII et bien évidemment Beyond Good & Evil. Il s’agit d’un jeu d’action-aventure créé par le studio montpelliérain de l’éditeur-développeur français, sorti à l’origine en 2003 sur Gamecube, PS2, PC et Xbox. Et bien que les ventes n’ont malheureusement pas été au rendez-vous à l’époque, le titre a petit à petit acquis le statut d’œuvre culte, notamment grâce à ses excellentes critiques (86% sur Metacritic et 18/20 sur JV) ! On salue son monde vivant, ses personnages inspirés et son scénario captivant. Il ne reste plus qu’à savoir si dans Beyond Good & Evil 20th Anniversary, édition remaster avec des bonus à foison (et des graphismes remis au goût du jour), la sauce prend toujours autant.
Et 20 ans plus tard…
Déjà, c’est bien beau de parler de classique, mais ça raconte quoi Beyond Good & Evil ? Ici, Ubisoft nous plonge sur la planète Hillys en proie aux attaques extraterrestres des DomZ. On parle de méga grosses créatures qui croquent les bateaux de plaisance et d’habitants qui se font enlever sans arrêt bref, ça va pas fort ! Au milieu de tout ça, les Sections Alpha - des mercenaires armés jusqu’au cou - recrutent a tire larigot et veulent coller une raclée à l’envahisseur, sans succès pour l’instant. En fait, on dirait même que quelqu’un tire profit de la situation… C’est là qu’intervient Jade, jeune femme qui tente de joindre les deux bouts, photographe à ses heures, et de protéger ceux qu’elle aime. Et avec l’aide du réseau Iris (la résistance) et de son oncle Pey’j, un homme-cochon pro du tournevis, elle se lancera dans une série de reportages pour faire éclater la vérité.
D’apparence simple, le scénario de Beyond Good & Evil n’a pas pris une ride et jouit toujours d’une efficacité redoutable comme l’illustre bien sa séquence d’intro, concise, impactante. Après celle-ci, dur de rester indifférent face aux secrets des Sections Alpha et des DomZ qui se dévoilent au fur et à mesure de l’aventure. Des révélations qui ont d’ailleurs une saveur toute particulière dans la peau de Jade. C’est nous qui capturons grâce à l’appareil photo ce que cachent les murs blindés d’Hillys.
Qui plus est, cette course pour la vérité est renforcée par la densité et la courte durée de vie du titre (6-7 heures en ligne droite). Eh oui, malgré ses ambitions initiales - qui se retrouvent dans sa suite -, BG&E n’est pas un jeu énorme ! En marge des 4 “donjons” majeurs où Jade doit livrer ses meilleurs clichés, la planète d’Ubisoft compte une dizaine de zones annexes avec des défis de plateforme, d’infiltration ou de course, le tout sur une map ouverte que l’on parcourt sur les flots à bord de notre fidèle Hovercraft. Avec le recul, on aurait aimé qu’Hillys ait plus de choses à offrir, mais ça fait tout à fait l’affaire pour s’occuper entre deux reportages. À l’image d’un metroidvania, de nouveaux recoins sont accessibles chaque fois qu’on débloque une compétence ou qu’on trouve une carte de sécurité.
Ainsi, on se retrouve rapidement à flâner dans le quartier piéton et dans les eaux attenantes, plongé dans un monde cohérent, vivant, à la poésie certaine. C’est d’ailleurs toujours un plaisir de découvrir et photographier la faune d’Hillys, ce qui permet - pour chaque espèce immortalisée - de gagner des crédits et, une fois la pellicule complète, une Perle (collectable qui sert à améliorer l’Hovercraft). Les designs anthropomorphes des habitants, à mi-chemin entre l’homme et l’animal, ont également un charme intact. On regrette toutefois des stéréotypes qui ont mal vieilli, comme les frères du Garage Mammago exagérément rasta ou Secundo, l’assistant IA de Jade, aux tirades de tombeur espagnol d’un autre temps. On apprécie qu’Ubisoft reconnaisse “l’impact négatif de ces représentations” dans un message dans le jeu - qui s’affiche quand vous lancez l’édition anniversaire pour la première fois.
C’est dans les vieux pots
Bref, ça ne fait aucun doute, même 20 ans plus tard et sans améliorer autre chose que ses visuels, Beyond Good & Evil reste une expérience prenante de A à Z… Dans cette édition anniversaire, nous avons même été surpris par le naturel des déplacements de Jade pendant les phases d’exploration, qui n’ont pourtant pas bougé d’un pouce. Dans l’ensemble, le jeu a bien voire très bien vieilli. Après, la copie n’est pas parfaite non plus ! On retrouve les mêmes écueils qu’à l’époque : une caméra qui a tendance à faire un peu n’importe quoi lors des combats et dans des endroits étroits - notamment lorsqu’elle passe tout à coup d’un plan fixe à un pilotage manuel. D’ailleurs, en parlant des phases d’action, bien qu’elles soient peu nombreuses au cours de l’aventure, les possibilités de Jade en la matière sont en retrait. L’héroïne ne dispose que d’un seul bouton pour manier son Daï-Jo (un bâton) et ses enchaînements varient seulement quand on incline le stick vers un autre ennemi. Il y a quand même une attaque spéciale, mais dont le temps de charge (où la reporter est vulnérable) est un poil long ce qui la rend compliquée à placer dans le feu de l’action. On note enfin des maladresses dans la construction de certains niveaux, comme ce fameux fusible qui permet de sortir de la Fabrique !
Celles et ceux qui ne connaissent pas le titre de base seront parfois perdus au moment de résoudre une énigme et de trouver un passage dérobé. On remarque également quelques phases d’infiltration assez longuettes. Ah, et on ne sait pas si c’est à cause de la version PS5, mais l’Hovercraft avançait parfois tout seul… Ça nous a compliqué la tâche dans l’Abattoir où les pièges dans l’eau sont légion.
Qu’on fait les meilleures soupes
Donc oui, l’édition anniversaire de Beyond Good & Evil ne fait “que” transposer l’expérience originale sur des machines modernes et ça vient avec certaines déconvenues, mais aussi certains avantages. Nous n’en avons pas encore parlé jusque-là, mais sur cette version, les graphismes ont été pas mal améliorés, notamment tout ce qui est éclairage et texture. Ainsi, sur les modèles 3D d’antan, on voit à présent un à un les cheveux de Jade ou le groin de peau de Pey’j. Le résultat est plutôt harmonieux et on peut le dire sans détour : il s’agit de la plus belle version du classique d’Ubisoft Montpellier. On note toutefois quelques cas où cet “entre tradition modernité” ne fait pas bon ménage, en particulier pour le personnage de Double-H (l’un des binômes de Jade). Les traits anguleux de son visage sont désormais étrangement arrondis, et sa coiffure ainsi que ses sourcils affichent un certain réalisme qui ne colle pas avec le reste... Rien de rédhibitoire, c’est sûr, mais c’était tout de même à signaler !
Pour le reste, cette version du jeu offre un impeccable 4K60 images par seconde, des sauvegardes automatiques, et du côté des oreilles, les réorchestrations signées Christophe Héral sont de petites perles (on regrette juste que certains bruitages soient restés bloqués en 2003). Et ce n’est pas tout, en marge d’une longue galerie bonus qui vous dira tout ce qu’il y à savoir sur le développement du titre d’origine, on a le droit à une chasse au trésor inédite… Celle-ci dévoile le lien entre BG&E 1 et BG&E 2 à travers le personnage de Jade et au gré de divers items et cinématiques bonus. Un ajout franchement bienvenu qui nous a fait ressentir une chouette excitation. Cette ultime quête arrive dans le dernier quart de l’aventure (quand vous débloquez le Beluga) et fait un peu office de dernier adieu à l’héroïne et ses amis. Pour les fans, pas de doute, ça touchera la corde sensible ! Pour finir, précisons que cette édition propose des skins bonus pour l’Hovercraft, Pey’j, Double-H et Jade, qui a en plus le droit à un appareil photo et un Daï-Jo spécial. Un mode speedrun a également été ajouté.
Conclusion
Points forts
- Un classique du jeu vidéo à (re)découvrir
- Une aventure toujours aussi passionnante
- Rythme à toute épreuve même aujourd’hui
- Des meilleurs effets de lumière et textures
- Des bonus (quête, galerie) qui font plaisir
Points faibles
- Des trucs qui ont mal vieilli (combat, certains level design, puzzles)
- Visuels “entre tradition et modernité” qui ne marchent pas toujours
Note de la rédaction
Si vous cherchez la meilleure façon de découvrir Beyond Good & Evil aujourd’hui, n’allez pas plus loin. Cette édition 20th anniversary est bien la version ultime du classique d’Ubisoft, que ce soit en termes de technique ou de bonus ! Les aventures de Jade et ses amis ont même surprenamment bien vieilli, réservant même en 2024 une épopée dense, prenante, bien rythmée et où le mot “aventure” prend tout son sens (exploration, action, course, etc). Après, avec les années, il y a bien quelques trucs qui sont un peu datés. Les nouveaux venus pesteront par exemple devant quelques énigmes / passages dérobés qui ne vont pas toujours de soi. Pour le reste, même l’étrange nouveau visage de Double-H n’enlève rien à la beauté d'Hillys et à la conspiration passionnante qui s’y cache… Un jeu vidéo culte, c’est sûr.