À y regarder de plus près, cela fait un moment que l’on attend un jeu d’action linéaire, voire semi-linéaire, qui serait en mesure de mettre un coup de pied dans la fourmilière du genre. Il faut dire qu’en la matière, les Devil May Cry, Bayonetta et NieR, pour ne citer qu’eux, ont eu le temps de créer un sacré monticule de terre sur lequel régner. Quand soudain, une étoile : Stellar Blade !
Voilà maintenant cinq longues années que le studio sud-coréen Shift Up travaille activement à son premier jeu vidéo sur une console de salon avec le soutien de Sony et PlayStation. Après la conquête des supports mobiles, avec comme étendard Goddess of Victory : Nikke, les équipes de Shift Up ont donc poussé les curseurs à fond pour faire craquer les joueurs PS5 ! Aujourd’hui, après un premier essai qui nous a permis d’examiner une partie de la structure du jeu, de jauger l’efficacité de son gameplay et d’en découdre avec les premiers boss, on a désormais une meilleure vision de ce que propose Stellar Blade.
Mieux encore, après une trentaine d’heures passées en compagnie d’Eve, guerrière miséricordieuse envoyée sur Terre pour sauver l’humanité, on sait enfin si le titre de Shift Up peut s’asseoir à la table des licences précédemment mentionnées, et s’il est capable de les regarder droit dans les yeux. Il est vrai que Stellar Blade leur doit énormément, mais c’est cette même convergence qui a permis aux équipes de créer une expérience unique. Et pour commencer, cette identité, elle est d’abord visuelle !
Une dernière chose avant de rentrer dans le vif du sujet ! Pour mieux vous apporter du contexte concernant nos conditions de test, il est de bon ton de mentionner que nous avons parcouru l’aventure en configurant Stellar Blade sur le mode de performance Équilibré (50/60 FPS, 4K upscale). Cela nous paraissait être le compromis idéal entre la qualité graphique et le taux d’images par seconde. À noter que Stellar Blade propose deux autres modes qui mettent soit la focale sur les graphismes (Résolution à 30 FPS et 4K natif), soit l’accent sur les performances (Performance à 60 FPS et 1440p). D’un point de vue technique, le travail de Shift Up est à saluer puisque nous n’avons quasiment jamais ressenti de baisse de performances, ni souligné une quelconque détérioration graphique. En termes de durée de vie, il nous a fallu 33h et quelques pour voir défiler les crédits de fin.
Beau à s’en (a)damner
Forcément, lorsque l’on parle de jeux vidéo « next-gen », les titres qui sortent sur les machines actuelles, d’autant plus quand il s’agit d’une exclusivité, sont attendus au tournant. De son côté, Stellar Blade n’y échappe pas, à tel point que la version de démonstration, sortie sur PS5 il y a quelques semaines, était passée à la moulinette des experts de Digital Foundry. Ce qui ressortait de cette analyse, c’est que l’on tenait peut-être là l’un des jeux les plus soignés en termes de graphismes et de performances. De notre côté, on a été assez époustouflés de constater que le titre de Shift Up est, en effet, à la hauteur de ses promesses.
Premièrement, on remarque que la modélisation des personnages, supervisée par les talents de Kim Hyung Tae, est sublimée par la qualité des modes graphiques du jeu (au nombre de trois : Résolution, Performance et Équilibré). Globalement, le travail effectué par l’équipe en charge du character design est l’une des forces visuelles de Stellar Blade. On peut dire ce que l’on veut, notamment à propos de son héroïne, mais cette composante permet au titre de faire la différence, tant à l’aide de ses protagonistes que de son bestiaire, volontairement effrayé et cauchemardesque, issu de l’imaginaire de Hee-Cheol Jang.
Pour autant, les équipes de Shift Up n’ont pas seulement mis la focale sur l’aspect graphique de ses personnages. Du côté des décors, il y a également de quoi être ébloui. L’une des raisons, c’est de constater que le contexte apocalyptique n’a pas été prétexte à produire une pagaille de débris et de tôles sans aucune cohérence ni souci du détail. Durant notre partie, nous n'avons pas vraiment eu à souligner de textures peu reluisantes ou de détails qui apparaissent un peu par magie. Énième preuve du soin accordé à la gestation du projet : la distance d’affichage. Dans Stellar Blade, on a le plaisir de découvrir et de contempler un monde en plein cataclysme ou, du moins, les vestiges d'une civilisation après la catastrophe.
Là où l’on peut tiquer, c’est devant la direction artistique qui souffle le chaud et le froid. Capable de très belles choses, Stellar Blade a tendance à s’appuyer sur un trop plein de paysages désertiques. Or, les mondes post-apocalyptiques ont dernièrement essayé de renouveler leur vision d’un monde qui a connu le désastre, et on aurait aimé que Stellar Blade suive cette voie. Qu’on s’entende, le résultat est beau mais ce côté standard, peu aidé par un level design scolaire, altère le plaisir visuel offert par Stellar Blade. Pour se consoler, on retiendra l’un des ultimes passages du jeu, en altitude, où la vision du soleil, au loin, et de la Terre, en contrebas, nous a fait décrocher la mâchoire.
Parasite Eve
Une fois que l’on a posé ce premier constat, que reste-t-il de Stellar Blade ? Un ersatz de NieR, Sekiro et consorts ? Un titre paralysé par ses nombreuses influences ? Étonnamment, ce n’est absolument pas le verdict que l’on peut poser sur la création du studio Shift Up. On le soulignait déjà lors de notre preview : Stellar Blade ne régurgite pas ce qu’il a pu puiser à droite à gauche, il parvient à mettre en place une hybridation pour le moins satisfaisante. Celle-ci est même étonnante, par moments. Sans que l’on s’y attende vraiment, le jeu nous coupe de nos repères, acquis de manière plus ou moins intense, et rebat ses propres cartes - celles du jeu d’action nerveux et exigeant - pour arborer une autre facette de cette hybridation, à savoir celle qui lorgne du côté du jeu vidéo de tir à la troisième personne aux forts accents de survival-horror. On pourrait même dire qu'il y a un petit côté Dead Space, de temps à autre ! Vous ne pensiez pas avoir à encaisser des jump scares ? Eh bien, vous n’allez pas être déçus !
Néanmoins, s’il fallait mettre Stellar Blade dans une case, ce serait dans celle des Souls-like, même si on préférerait le découper, tel un Naytiba, pour le répartir dans telle ou telle catégorie. Toujours est-il que, dans sa construction, Stellar Blade s’aborde comme un Dark Souls. Eve dispose d’une quantité définie de soins, elle engrange de l’expérience en tuant un ennemi - mais ne perd pas ce cumul en cas de mort -, débloque des raccourcis, se repose à un camp de ravitaillement, etc. Jusque dans les composantes de jeux de rôle, on retrouve cette filiation, même si le choix est plus limité qu’un titre de FromSoftware. Ici, c’est l’épée de Eve qui fait à la fois office d’arme et de bouclier. Là où il y a plus de possibilités, c’est du côté des Exospines et des modules que l’on peut leur greffer. Non, on vous arrête tout de suite : c’est dans ces éléments que Eve va chercher toute sa puissancen et non dans les multiples nano-combinaisons à fabriquer grâce à des plans disséminés à travers les différents niveaux.
Ces tenues sont donc avant tout présentes pour que vous combattiez avec efficacité et style ! Ce qui est le plus important pour rouler sur vos adversaires - et non l’inverse -, c’est de construire votre propre façon de jouer via ces Exospines et ces modules d’amélioration. Pour être sûrs d’avoir suffisamment de variétés et d’approches, les développeurs ont conféré à chaque Exospine et chaque module une caractéristique spécifique. Parfois, ces équipements augmentent vos dégâts si vous réussissez un enchaînement jusqu’au bout, remplissent plus rapidement vite votre jauge d’énergie Bêta (qui sert à déployer l’une des quatre compétences), accroissent votre potentiel de coups critiques, décuplent votre résistance aux dégâts, facilitent l’exécution des esquives… Les exemples sont légions, et il faudra bien étudier la question pour maîtriser le gameplay. Ça tombe bien, on y vient !
Ils sont pas contents ? Triplé !
Donc, on résume. Pour s’améliorer, le jeu nous demande de fournir à Eve une Exospine de qualité (puis deux) et de l’agrémenter de modules ? Oui, mais il faut surtout apprendre à maîtriser le système de jeu sur le bout des doigts, notamment pour la partie réservée aux combats. On le souligne à nouveau, Eve est rapide mais elle est plus lourde dans ses déplacements qu’une Cereza (Bayonetta) ou une 2B (NieR : Automata). En fin de compte, le gameplay des affrontements, certainement la plus grande force du jeu, mise sur un entre-deux qui permet, d’une part, de profiter d’une agilité hors-norme et, de l’autre, d’une capacité de parade à toute épreuve. Côté souplesse, ça passe par une touche d’esquive qui, déclenchée au bon moment, permet à Eve de ralentir l’action puis de contre-attaquer furieusement. Le mieux reste toutefois de déclencher, selon l’attaque choisie par l’ennemi, une Éclipse ou une Répulsion. En l’occurrence, la première riposte permet à Eve de se glisser quasi instantanément dans le dos de l’adversaire et de le désorienter, tandis que la seconde consiste à effectuer un salto arrière qui sonne l’ennemi tout en exposant son point faible.
À l’inverse, lorsque l’on se prépare à encaisser les coups frontaux et à dégainer des parades parfaites et millimétrées, le gameplay de Stellar Blade en devient encore plus savoureux. C’était l’une de nos précédentes remarques, mais le titre de Shift Up est comparable à Sekiro sur un point bien précis : la posture/l'équilibre. Ici, réussir une parade parfaite, c’est le gage d’entamer la jauge d’équilibre de son adversaire qui, une fois vidée, ouvre la porte à un finish move (baptisé Châtiment) capable de retirer une jolie portion de sa santé, allant jusqu’à le tuer dans certains cas. On vous prévient tout de suite, Stellar Blade ne vous fera pas de cadeau pour ce qui est des parades, y compris en mode de difficulté « Normal », il faudra donc bien travailler le sujet sous peine de ne pas faire long feu. Malgré tout, vous avez de quoi encaisser puisque Eve dispose d’une jauge de bouclier, vous sauvant la mise sur quelques coups avant de vous exposer complètement. Après, pour ceux qui veulent monter le challenge d’un cran supplémentaire, il y a la possibilité d'opter pour la nano-combinaison « Seconde Peau » qui retire justement cet attribut défensif.
Enfin, dernier atout dans la manche de Eve, en plus des compétences Bêta (Triplé, Brise-bouclier, Taillade et Onde de choc) et des autres aptitudes de combat qu’on vous laisse le plaisir de découvrir en jeu : le drone ! Eh oui, grâce à Lily, le drone d’Adam se transforme en un véritable support pour profiter d’un gameplay à distance lors des combats. À la manière d’un jeu de tir, on a une gâchette pour la visée et l’autre pour déclencher l’une des munitions au choix. Dans le lot, on retrouve des balles simples mais aussi des cartouches de chevrotine, des missiles guidées et des cellules à charger qui balancent un puissant rayon laser. Encore une fois, Stellar Blade joue habilement la carte de l’hybridation et le système de combat conjugue intelligemment les combos au corps-à-corps et les joutes à l’arme à feu. Cerise sur le gâteau de cet arsenal, Eve peut aussi porter quelques consommables à utiliser en combat, à l’image des grenades et des mines.
Eve, élève-toi
Bien que les aptitudes du drone ne se débloquent qu’après quelques heures, Eve dispose déjà d’une belle palette de compétences offensives et défensives, mais comme toute héroïne qui se respecte, il lui faut une vraie montée en puissance. Pour cela, les développeurs de Shift Up ont opté pour un système d’arbre de talents : trois au départ, cinq à l’arrivée. À la manière d’un Souls, comme on le disait plus haut, Eve récupère (de différentes manières) des points d’expérience qui deviennent des points de compétence à répartir dans les embranchements de chaque arbre, et non dans des caractéristiques précises. Grâce à ça, Stellar Blade met en place une courbe de progression grisante dans laquelle on savoure le potentiel décuplé de l’héroïne. À côté de ça, le jeu prend le temps de récompenser vos faits d’armes ainsi que votre curiosité. D’un côté, vous pouvez augmenter le niveau de puissance de votre arme et, de l’autre, réunir des composants (Omnivis, cellules d’injecteur, …) pour accroître le nombre d’emplacements de certains items, équipements et consommables.
À ce propos, l’un des meilleurs moyens d’alimenter cette courbe de progression, c’est à l’aide de la partie en monde semi-ouvert et des contenus annexes qui y sont liés, à l’image des missions et requêtes confiées par les habitants de la ville de Xion ou les péquins qui se sont égarés dans les zones semi-ouvertes comme les Terres Désolées ou le Grand Désert. À travers ces zones semi-ouvertes, Stellar Blade casse le côté dirigiste de son aventure, mais c’est un choix à double tranchant. En effet, si cela permet d’étoffer l’univers et l’immersion, cette idée lui joue quelque peu des tours, à notre sens. Comme on le craignait à la suite de notre preview, ce système de quêtes souffle un peu le chaud et le froid tant il a tendance à nous offrir des missions parfois peu intéressantes parmi quelques séquences dotées de jolies idées, thématiques et bonus qui étoffent l'expérience. Ce qui est d’autant plus frustrant, c’est qu’il est plutôt judicieux de s’impliquer dans cette partie du jeu pour ne pas se retrouver aux fraises lors de certaines séquences. Dans l’ensemble, la difficulté est bien gérée mais le rush final peut paraître déconcertant si l’on a pas pris le soin de développer correctement son héroïne. Malgré tout, on vous conseille de ne pas dénigrer cet aspect du jeu, bien qu’ayant quelques défauts dont la redondance d’un cadre désertique et le level design qui manque de folie.
On termine là-dessus mais si vous appréciez de collecter tout un tas d’éléments à droite à gauche, pour approfondir votre connaissance du lore ou pour assouvir votre soif de complétion, Stellar Blade devrait vous combler de joie. En effet, les développeurs de Shift Up ont eu la main lourde sur les collectibles et vous devriez passer énormément de temps à les rassembler si vous avez pour objectif de décrocher le trophée Platine. Coffres spéciaux et mots de passe, composants d’équipement et autres ressources importantes, pelletée de documents, puces mémoire à foison, collection de canettes et bien d’autres choses. Pas étonnant que la durée de vie excède les 50 heures de jeu pour atteindre le 100%, même si l’on ressent un trop-plein d’éléments qui nous fait penser à un remplissage à outrance de la part de Stellar Blade ! Ceci étant dit, libre à vous de choisir de tout compléter ou non mais on préfère vous mettre en garde : la difficulté de l’aventure monte clairement d’un cran lors du grand final, donc n’hésitez pas à prendre le temps d’explorer, ne serait-ce que pour renforcer la santé et l’énergie Bêta de l’héroïne et développer suffisamment vos Exospines pour vous adapter plus facilement aux situations. Qui plus est, le système de missions se montre très généreux dans ses récompenses, alors il faut en profiter : ce sera le meilleur moyen de profiter du périple d’Eve à fond !
Avant de rendre notre conclusion finale, il est de bon ton de vous informer sur ce qu’il se passe à la fin du jeu. Non, nous ne parlerons pas de l’histoire mais de ce qu’il se passe à la fin des crédits. Depuis aujourd'hui (jeudi 25 avril, lendemain du test), une mise à jour a signé l'ajout d'un mode « New Game + ». Par conséquent, à la fin de Stellar Blade, se débloquent un « New Game + » et un mode de difficulté supplémentaire, en l’occurrence « Difficile ». Toutefois, ne soyez pas trop pressé puisqu’il n’y a qu’un seul slot de sauvegarde. À l’heure actuelle, la fonction est uniquement automatisée et ne dispose pas d’une version manuelle. Par conséquent, gardez bien à l’esprit qu’il n’y a pas de retour en arrière possible une fois que vous vous engagez dans la conclusion car, après le boss final, vous ne pourrez malheureusement rien faire d’autre. Pour finir, sachez que le mode NG+ conserve de très nombreuses choses (arsenal, argent, objets, enregistrements, améliorations, compétences et PC) mais pas votre progression qui, elle, est réinitialisée. Si vous souhaitez donc faire le 100%, il faudra donc retraverser le jeu pour explorer les endroits que vous avez délaissés ou les items que vous avez loupés.
Conclusion
Points forts
- Une formule hybride très réussie
- Un gameplay vraiment jouissif
- Un large choix de styles de jeu
- Un univers captivant
- Une expérience visuelle et artistique des plus réussies
- Un final à la fois haletant et corsé
- Une bande-son entêtante qui sublime le tout
Points faibles
- Un level design trop classique
- Un schéma de progression redondant
- Un monde semi-ouvert qui souffle le chaud et le froid
- Des phases de plateformes parfois crispantes
Note de la rédaction
Lors de notre preview, nous avions décrété que Stellar Blade pouvait devenir la nouvelle étoile du jeu d’action. Aujourd’hui, après plus de trente heures de jeu, on est en mesure de le confirmer tant le savant mélange des genres qu’il nous propose nous tient en haleine de bout en bout, et ce, malgré les multiples couacs soulignés dans notre test. Si nous avions nourri des attentes pendant des mois et des mois à son sujet, Stellar Blade les dépasse aisément. Le gameplay ne cesse de se pimenter, les styles de jeu décuplent la manière d’approcher les combats, l’univers et les graphismes nous emportent et le travail conjoint de Shift Up et Monaca sur les musiques en font vraiment une aventure qui n’a pas à rougir face à NieR : Automata ou aux autres cadors.