Véritable surprise du Developer_Direct inaugural, Hi-Fi RUSH est incroyable à plus d’un titre. Déjà, il est le premier jeu de Tango Gameworks à ne pas être horrifique. Ensuite, il est sorti aussitôt après son annonce, s’autorisant un move de diva digne de Beyoncé. Voilà qui tombe bien, le jeu signé Bethesda a du rythme à revendre.
Tango change de disque
Mais quelle mouche exotique a bien pu piquer Tango Gameworks ? Habitué à des créations horrifiques allant de The Evil Within à Ghostwire Tokyo, le studio japonais dirigé par Shinji Mikami (le père de Resident Evil) tourne le dos à la peur pour se tourner vers les frissons… de joie. Hi-Fi Rush met sur le devant de la scène Chai, un jeune homme un peu paumé qui veut devenir une rockstar même s’il ne sait rien faire de ses dix doigts, dont cinq d’entre eux sont métalliques puisque le garçon dispose d’une prothèse aux propriétés étonnantes. À la suite d’une opération qui ne se déroule pas comme prévu, son cœur fusionne avec un iPod. Désormais, tout dans sa vie s’articule autour de la musique, ou plutôt du rythme de cette dernière : chaque élément de l’environnement, chaque plateforme sur laquelle monter, chaque piège dangereux s’anime/s’active selon le tempo de la bande-son. Quand Chai frappe sur le tempo, des notes sont jouées et le public l’encourage. Le but du jeu ? Taper les méchants en rythme et avancer dans des niveaux remplis de pièges.
Résolument rock malgré quelques morceaux plus techno vers la fin du jeu, la bande-son de Hi-Fi RUSH rappelle à bien des égards celle des Sonic Adventure. En plus des compositions venant des artistes de Bethesda, nous retrouvons des musiques de Nine Inch Nails, The Black Keys, Prodigy, The Joy Formidable, Number Girl, Wolfgang Gartner et Zwan.
Les attaques adverses aussi se calent sur les beats. Dans ce cocktail acidulé où action, plateforme, rythme et beat’em all s’entrechoquent, Chai se fait des ennemis provenant d’une mégacorporation suspectée de vouloir contrôler les pensées du peuple. Grâce à des coups bien placés et à des vannes acerbes, le héros se donne pour objectif de faire valser les dirigeants de ce groupe infernal avec l’aide de compagnons rencontrés au fil du périple, le tout sous une bande-son endiablée. Bien que la baston tienne une place prépondérante dans le jeu de Microsoft, l’aspect platformer n’est pas en reste. Néanmoins, il brille sans éclat, la faute à des mouvements finalement peu nombreux lors des phases d’exploration. Avec seulement un double saut, un dash et un grappin, nous faisons vite le tour des situations proposées, quand bien elles seraient habilement maquillées pour nous donner l’impression d’être ingénieuses.
De bonnes vibes d’antan
Nous pourrions continuer cet article en écrivant que la nouvelle exclusivité Xbox/PC sortie de nulle part ressemble à nulle autre. Avec ses graphismes chiadés cel-shadés splendides, son style remarquable et son concept simple mais archi efficace, Hi-Fi RUSH rappelle en fait la grande époque des 128 bits où les jeux à la fois loufoques et originaux s’enchaînaient tels des bangers sur un vinyle des Daft Punk. Si le soft rappelle des titres pêchus de la sixième génération de consoles comme Jet Set Radio, Viewtiful Joe ou encore Devil May Cry, c’est parce que, au-delà de sa direction artistique singulière, il parvient à faire de la simplicité de ses mécaniques une force irrésistible. Strictement tout, dans le soft de Bethesda, est fait pour servir le gameplay rythmique confectionné par Masaaki Yamada (un ancien de Capcom et de PlatinumGames). Du mini jeu digne d’Elite Beat Agents demandant d’appuyer sur des séries de touches complexes aux passages où les sols s'électrisent sur des mesures, Hi-Fi RUSH ne laissera aucune chance à celles et ceux qui n’ont pas le rythme dans la peau.
Impossible d’évoquer Hi-Fi RUSH sans parler de sa réalisation sensationnelle. Cela fait peut-être depuis Jet Set Radio que nous n’avons pas vu un Cel Shading aussi impeccable et inventif. En outre, les animations sont magnifiques et rappellent un certain Spider-Man: Into the Spider-Verse. Les filtres appliqués sur les ombres et les effets spéciaux donnent un aspect cartoon plus vrai que nature. Le tout en 4K/60fps.
En plus de ses mécaniques simples à comprendre mais pas toujours aisées à maîtriser, la dernière production de Bethesda sent bon le jeu SEGA des années 2000 grâce à sa folie. Difficile de savoir si le fait de travailler sans être exposé aux retours des consommateurs a aidé Tango Gameworks à mieux se concentrer. Ce qui est sûr, c’est que le studio enchaîne les idées comme Jimi Hendrix collectionne les solos légendaires. Mieux, il se permet une décontraction bienvenue apportant un vent de fraîcheur agréable à la sphère jeu vidéo. Sans vulgarité ni blague potache en dessous de la ceinture, Hi-Fi RUSH frappe fort avec des moments légers aussi bien pensés que superbement exécutées. Et que dire du gentil robot qui se dessine des expressions faciales avec un marqueur noir, ou bien de l’excellente référence à Twin Peaks au milieu de l’aventure ? Inspirée, 100 % solo et sans microtransactions, la production de Microsoft nous rappelle pourquoi il était si amusant de s'adonner à des plaisirs simples, privés des "évolutions" venues de l'explosion d'Internet.
Faisant des parallèles désopilants avec l’industrie vidéoludique, notamment par l’intermédiaire des dirigeants (qui dépensent plus dans le marketing que dans la R&D) et des incroyables tirades de SEB-AAA (improbable caméo de Sebastian de The Evil Within devenu inspecteur des RH), le titre a des choses à dire derrière son manque de sérieux fièrement exhibé.
Les Prodigy du headbanging
Au niveau de sa structure, Hi-Fi RUSH est réglé comme du papier à musique. Le joueur dispose d’une base lui donnant accès à diverses upgrades mais aussi et surtout aux niveaux de l’aventure. Lorsqu’il lance un chapitre, il se retrouve dans un univers en 3D à explorer. Bien que dirigistes et linéaires, ces niveaux abritent divers secrets à collecter récompensant l’exploration. Les mondes sont découpés en phases de plateforme et en séquences de combats en arènes qui interviennent régulièrement durant l’avancée. Ces affrontements balisés, notés en fonction de l’efficacité du joueur, comptent comme des “couplets” et des “refrains” dans la grande chanson que forme le niveau. À l’instar d’autres BTA, des adversaires plus puissants interviennent pour refroidir les ardeurs du héros, quand ce ne sont pas carrément des boss gigantesques qui viennent chercher des noises à l’occasion de rixes géniales. À de rares exceptions près, comme ce niveau dans la lave un peu trop long ou cette tour à gravir bien trop grande, Tango Gameworks réussit haut la main son pari de livrer une épopée sans temps mort. Le studio se permet même quelques fins de chapitre absolument épiques.
Fouiller chaque recoin des niveaux permet de dénicher les divers collectibles permettant d’améliorer son escouade. D’autres secrets sauront récompenser les fins observateurs, comme des discussions pas piquées des hannetons entre SEB-AAA et JSF-001, ou encore le petit escargot de Tango Gameworks dans des situations amusantes. Une fois le jeu terminé après une bonne dizaine d’heures, des nouveaux défis se débloquent, et il est possible d’accéder à des endroits auparavant inaccessibles dans les niveaux du jeu. Il devient également autorisé de changer les costumes de sa petite équipe.
Les alliés, au nombre de trois, peuvent être invoqués temporairement histoire de profiter de leurs compétences propres en combat mais aussi en balade libre. Les flingues de Peppermint sont aussi utiles pour briser les boucliers défensifs des ennemis que des vitres de protection, alors que les gros muscles de Macaron désarçonnent les méchants robots et explosent certains murs. À l’instar de No Straight Roads, la compréhension du rythme musical est indispensable pour progresser avec des adversaires qui attaquent sur certains temps. Hi-Fi RUSH va plus loin que le soft de Metronomik avec des phases d’exploration disposant d’un décor dansant au rythme des percussions. Les multiples phases de plateforme en 3D et parfois en 2,5D se basent en effet sur des timings à respecter scrupuleusement (lave qui jaillit, trappe qui s’ouvre, laser qui s’active, etc.), tandis que sortir des coups sur les beats – pendant un affrontement – augmente leurs dégâts. Des moments où le joueur glisse le long de rails suspendus avec des obstacles à éviter sont aussi de la partie, lorgnant du côté de Sonic, Crash Bandicoot ou encore Ratchet & Clank.
Comme au solfège, il y a toute une grammaire à mémoriser avec des aides visuelles facilitant l’identification des bons timings. Parer un adversaire demande beaucoup de doigté et nécessite pas mal de concentration, mais une fois que le joueur a fait ses gammes, il ne reste plus que le fun. Il est important de noter que les règles simples de Hi-Fi RUSH se complexifient au cours de l’aventure. Résolument arcade dans ses premières heures, le soft de Bethesda gagne en profondeur avec de nouveaux coups à acheter, des attaques spéciales supplémentaires à débloquer, des créatures sagaces à éliminer, des alliés à gérer habilement et des puces à équiper afin de rendre la petite équipe plus efficace. Il ne s’agit pas de “RPGisation” déplacée : tout est très compréhensible et offre juste à l’utilisateur une surcouche d’options lui permettant de parfaire son style de jeu. De quoi atteindre le générique de fin sans avoir l’impression d’avoir fait en boucle la même action.
Conclusion
Points forts
- Un gameplay simple à comprendre mais complexe à maîtriser
- Un rythme soutenu et des séquences épiques
- La direction artistique splendide servie par une technique solide (4K/60fps)
- Un vrai contenu end-game pour prolonger l’expérience, et plein de secrets à dénicher
- L’humour sonne juste
- Bonne bande-son
- Super VF (voix + textes)
Points faibles
- L’aspect platformer dont on fait vite le tour
- Level design qui aurait mérité plus de profondeur
- Un manque de variété dans les environnements visités
Note de la rédaction
Quelle claque ! Avec ce shadow drop lumineux vendu à petit prix et intégré au Game Pass, Bethesda envoie valser d’un revers de main les conventions de l’industrie du jeu vidéo. De la valse à Tango Gameworks, il n’y a qu’un pas que nous vous invitons à franchir sans attendre. Après la peur, le studio mise avec brio sur l’ardeur. Hi-Fi RUSH joue une partition de tous les diables où rythme, plateforme et baston forment une mélodie euphorisante et sans fausse note majeure. En jouant sur les mesures mais s’éclatant dans la démesure, ce rush est notre crush du début d’année.