Déferlant telle une bourrasque de fraîcheur en cette fin de mois plutôt calme, Season : A letter to the future est l’une des premières propositions narratives remarquées de l’année ; deuxième essai du studio Scavenger après les efforts infructueux menés pour le Battle Royale Darwin Project qui n’est plus des nôtres. Courte expérience hors du temps, le jeu québécois n’aspire surtout qu’à être l’expression poétique “des angoisses de notre époque”, et ce tout en beauté.

Perchée sur une montagne à l’abri des changements, la jeune protagoniste Estelle entreprend un grand voyage pour capturer l’essence du monde avant qu’un cataclysme n’efface tout sur son passage. Ici les saisons n’ont rien de semblable aux nôtres, elles correspondent plutôt à une ère unique en son genre, laquelle s’apprête à sombrer dans les eaux d’une immense inondation. Protégée par le talisman concocté par sa chère mère, la voyageuse enfourche une bicyclette pour explorer une époque en déclin. Gâchettes adaptatives en main, les roues laissent ressentir leur résistance en fonction de la vitesse et de l’inclinaison de la route. La conduite est agréable et tant mieux, puisque le véhicule ne nous quittera jamais lors de notre descente sur les terres mystiques de la vallée de Tieng. Season : A Letter to the future peut se résumer en road trip atmosphérique hors du temps, dont les beaux panoramas dégagent une atmosphère un peu mystique. Seul point perfectible : une caméra que l’on aimerait parfois plus adaptée aux changements de plans et moins proche du sol durant la balade.

C’est le calme plat sur les dunes de Season et pour une bonne raison : les derniers habitants ont été évacués pour rejoindre un abri qui accueillera la nouvelle ère. Les rencontres, rares, sont alors un véritable oasis dans le désert. Le character design des personnages est qui plus est absolument ravissant et n'a d'égal que leurs doublages en VF, si chaleureux qu’ils sont du miel à nos oreilles. Notons à ce propos que le travail sonore du jeu est un régal à tous les niveaux. De Kochi, enfant au look atypique qui vous offrira une agréable visite guidée en vélo à Maytora, artiste étrangère dédaigneuse à l’égard de ses propres œuvres en passant par Easel, dernier moine de la vallée, les rencontres sont sans exception toutes formidables et hautes en couleur. Il reste également les souvenirs auditifs d'anciens passants, piégés dans des plantes magiques, que vous pourrez écouter par curiosité à l’aide de votre magnétophone, l’un des outils de votre petite sacoche.

Y a plus de season ma p’tite dame

Si votre magnétophone vous aide à enregistrer les quelques mélodies croisées sur votre passage, c’est surtout votre appareil photo que vous auvez la plupart du temps entres les mains. Capturer des éléments clés du paysage vous débloque quelques anecdotes détectables sur un monde franchement singulier que vous avez profondément envie de comprendre. Vos clichés sont ensuite disposés à être organisés dans votre joli petit scrapbook, qui inclut son lot de fioritures pour parfaire votre sens de l'esthétisme au fil des feuilles. Lorsqu’une page est complète, Estelle prend de nouveau la parole pour vous raconter l’histoire de la vallée. C’est donc en explorant les sillages d’habitants partis, un peu à la manière de ce que proposait Everybody's Gone to the Rapture, que vous enquêtez et découvrez le passé et le futur de ce lieu. Un schéma qui ne présente jamais vraiment d’évolution de gameplay, mais qui n’a pas vraiment le temps de s'essouffler tant la carte se traverse vite.

Season est un instant de quiétude absolu, qui en moins de six heures, s’attache à vous faire entreprendre une longue introspection. Le récit ne cesse d’aborder l’importance des souvenirs, les dilemmes qu’ils imposent, les regrets dont on a bien du mal à s’émanciper et tous ces maux intemporels. Le bruit, la musique, l’architecture, les voix d’étrangers font échos à notre cinq sens, témoins du moment présent. Le jeu est à interpréter comme une vaste poésie, qui n’hésite pas à avoir recours à quelques écrans noirs pour vous encourager à l’écouter profondément.

Conclusion