Autrefois développé par l’équipe de Telltale, studio qui s’était spécialisé dans l’Interactive Drama, Tales from the Borderlands avait conquis le public grâce à son humour déjanté et à son rythme haletant. Pour ce nouvel épisode, ce sont les talents de Gearbox qui reprennent le flambeau des créateurs de Wolf Among Us. Au menu ? Des personnages paumés, des QTE à foison et des blagues potaches. La même formule qu’à l’époque, ce qui explique peut-être l’odeur de réchauffé. Voire de brûlé.
Du rire aux larmes
C’est dans la ville de Prométhée que débute cette nouvelle aventure interactive se déroulant dans l’univers de Borderlands. Alors que les corporations se disputent le contrôle du monde, trois protagonistes se retrouvent plongés dans une histoire mêlant invasion planétaire, Arche perdue, vengeance sournoise et pierre mystérieuse. Sacré programme ! Dans les faits, la structure de ce film interactif est limpide comme de l’urine de Jacassos : le joueur suit les mésaventures d’Anu (une scientifique), d’Octavio (frère d’Anu, gamin désinvolte) et de Fran (gérante taciturne d’un magasin de glaces). Ce trio de losers met sur la table des personnalités diverses. Anu est une introvertie maladive aux expressions corporelles dignes d’un pantin désarticulé, Octavio est le petit rigolo tête à claques de service, tandis que Fran ne pense qu’à deux choses dans la vie : les gâteaux et le sexe. Heureusement, cette escouade infernale est accompagnée de sidekicks rigolos venus sauver le groupe du naufrage. Ensemble, ils vont affronter des créatures étranges allant des races extraterrestres à des PDG de sociétés influentes dans un flot de vannes. Attention, la cohésion de l’équipe est évaluée par LOUI3, un robot-tueur aux répliques bien huilées. Il faut donc veiller à tisser des liens.
Ce n’est pas dans sa présentation que nous pouvons reprocher quoi que ce soit à New Tales from the Borderlands. Doté de graphismes loin d’être désagréables avec cette touche cartoon chère à la série, il est doté d’une mise en scène tapageuse qui colle au ton du récit. Il est courant de découvrir des scènes cinématiques dont le montage correspond au rythme des musiques en fond sonore (avec le nom de l'artiste affiché à l’écran). New Tales from the Borderlands fait tout pour paraître cool et actuel, au risque de forcer le trait, ce qui n’est pas vraiment étonnant pour un jeu sous licence Borderlands. Les musiques sont très bonnes, et le titre dispose d’une localisation française (texte + voix) de qualité. Du tréfonds d’une boutique de glaces aux plateaux survoltés d’une émission télévisée sadique, le soft de Gearbox tente d’amener des situations variées calibrées pour faire rire. Que vous soyez un(e) habitué(e) de la série ou non, New Tales réussira à vous arracher au minimum un rictus, au mieux un rire à gorge déployée lors de certaines séquences. Et un Interactive Drama qui se repose principalement sur l’humour plutôt que le pitoyable est toujours bienvenu !
Une chose est incontestable, c’est que le studio est bien plus à l’aise avec les larmes de joie que de tristesse. Quand il essaye de se prendre au sérieux, le soft de Gearbox sonne tristement faux : les longs monologues plein de bons sentiments sont d’une banalité désarmante. Le comble pour un univers géré par des spécialistes de l’armement ! Si une partie de l’intérêt de la première aventure reposait sur les réponses surréalistes à sélectionner afin d’engendrer des dialogues marrants, New Tales from the Borderlands envoie des signaux contradictoires. Bien sûr, les choix de dialogue absurdes sont toujours de la partie, mais ils ne sont pas encouragés par l’objectif de créer une équipe soudée fixé par LOUI3. Le fait que des messages apparaissent à l’écran avertissant l'utilisateur que l’équipe n’est pas encore au top en ce qui concerne la cohésion a tendance à forcer – insidieusement – le joueur à sélectionner les réponses les plus conventionnelles s’il veut faire ce que le soft lui demande.
Bienvenue en 2014
Oui, New Tales from the Borderlands mise quasiment tout sur son humour ainsi que sur son habillage (visuel comme sonore) soigné. Ce choix aurait pu se révéler payant si le gameplay n’était pas aussi effacé par rapport à d’autres jeux du genre. Les développeurs avaient confié qu’ils ne voulaient pas réinventer la roue et il est clair que cette aventure se contente du minimum syndical pour le genre. Nous retrouvons donc des QTE à foison, dont certains sont juste présents pour donner l’impression de jouer l’animation à l’écran. Un QTE est raté ? Tant que le chrono n’est pas terminé, il est possible de rectifier le tir même si cela ne sert pas à grand-chose, tant les conséquences sont rarement importantes. Les embranchements sont effectivement peu présents pendant l’épopée : en cas de mauvais choix mortel, un game over s’affiche à l’écran et l’utilisateur est invité à reprendre son dernier checkpoint, tout simplement. Les choix de dialogue ont des réponses très proches dans de nombreuses situations, et les mini-jeux sont tellement anodins pad en main que le jeu propose de les passer.
Malgré des contrôles directs sur les protagonistes lors des phases d’exploration, les séquences au gameplay spécifiques se font toutes via des QTE sommaires, ce qui transforme les bonnes idées en occasions manquées puisque tout se joue de la même manière. Du mini-jeu de piratage à celui de danse, en passant par la parodie de Metal Gear Solid aux duels d’ArchiiBô, il suffit de spammer un bouton ou de tordre le stick vers une direction pour réussir. Autre point qui a tendance à frustrer dans jeu narratif de ce type : les zones qui déclenchent les scripts sont erratiques. Il n’est pas rare d’être orienté vers un objet sans que cela n’active la zone de détection. Le joueur est alors dans l’impossibilité de déclencher l’action et doit marteler des touches en variant son orientation jusqu’à ce que ça passe.
Plus embêtant encore, les deux derniers chapitres de l’aventure (sur les cinq livrés) ne parviennent pas à maintenir la cadence relevée de la première moitié. Arrivé au chapitre 4, quand l’équipe est séparée, on se met à tourner en rond (littéralement), tandis que l’épisode final se montre assez décevant. La sauce a du mal à prendre, les longueurs s’enchaînent, les décors font dans la réutilisation, et tout sombre dans les bons sentiments un peu faciles. Une fois l’aventure terminée après 14 heures de jeu, un message des développeurs s’affiche à l’écran où l’on peut lire la note d’intention du titre. Il y a surtout un paragraphe insistant sur le fait que la production s'est faite pendant le confinement. Nul doute que Gearbox a fait face à des défis importants pendant la confection de New Tales from the Borderlands, et cela se ressent à plusieurs niveaux.
Conclusion
Points forts
- Durée de vie plus que correcte
- Un Interactive Drama avec de l’humour !
- Musiques sympathiques et VF réussie
Points faibles
- Le minimum syndical pour le gameplay, même pour un jeu narratif
- Peu de choix importants, des game over en cas de mort
- Des longueurs dans le récit
- Un rythme qui ralentit lors des deux derniers chapitres
- Les zones de déclenchement des scripts, erratiques
- Octavio est insupportable
Note de la rédaction
Les aventures d’Anu, d’Octavio et de Fran ont bien du mal à atteindre la folie furieuse que nous étions en droit d’attendre d’un jeu estampillé Borderlands. Parfois irrévérencieux, souvent conventionnel, le titre signé Gearbox se contente du minimum syndical pour un Interactive Drama de 2022 en matière de gameplay. La quasi-absence de choix cornéliens et le rythme qui s’effondre passé le troisième chapitre empêchent de lui pardonner son manque d’ambition. Le problème de New Tales from the Borderlands n’est pas qu’il ne réinvente pas la roue, mais qu’il fait tourner le genre en rond. Heureusement, son humour lui octroie un capital sympathie non négligeable.