Après Her Story et Telling Lies, le créateur Sam Barlow nous propose une nouvelle histoire interactive absolument passionnante.
Marissa Marcel est la vedette de trois films : Ambrosio en 1968, Minsky deux ans plus tard, puis Two of Everything en 1999. Aucun de ces longs-métrages pourtant achevé n’a atteint les salles de cinéma et la jeune actrice est aujourd’hui portée disparue. Un à un, vous allez pouvoir reconstituer les clips archivés de chaque production, mais également de leurs coulisses.
3 films pour 1000 mystères
Quand Sam Barlow a présenté l'étendue de son nouveau concept pour Immortality, une pointe d’anticipation s’est mêlée à la curiosité de ses adeptes. Exit le processus de mots-clés à soumettre à un moteur de recherche pour en extraire des fichiers vidéos comme usé dans Her Story et Telling Lies. Le spécialiste de la FMV bouscule les codes qui ont en partie forgé sa réputation d’acier. Il s’agit désormais de chavirer d’une pellicule à l’autre en sélectionnant leurs points d’intérêt : une lampe, un visage, les feuilles d’une plante… le moindre élément ostensible peut être pointé afin de correspondre avec l’homologue d’un autre fichier. Il suffit donc de cliquer sans relâche pour lever le voile sur l’étendue d’Immortality ; un principe qui s'adapte donc aisément à tous les profils joueurs occasionnels.
Le jeu n’affiche d’abord qu’un unique clip, lequel révèle ensuite une nuée d’autres. C’est ainsi quelque peu désorienté que l’expérience débute. Les extraits s’éparpillent de façon hétérogène dans une base de données et il faudra accepter de s’y perdre complètement. La chronologie des actions est très simple à maîtriser : d’abord car chaque scène révélée est triée selon le film auquel elle appartient ou à sa date de tournage : deux filtres qui ont chacun leur utilité pour la bonne compréhension des événements. Puis aussi parce que les formats, la colorimétrie et la coupe de cheveux de Marissa changent drastiquement selon les réalisations. Chaque plan est léché, on apprécie la mise en scène, souvent sincèrement fabuleuse, et le joli grain de l’image. Les coulisses et répétitions se devinent par une caméra plus tremblante, plus intimiste. Et au fil des instants qui se débloquent, c’est votre compréhension de chaque univers qui se construit ; vous voilà dès lors porté par le clic incessant de votre souris vers de nouvelles images toujours parfaitement maîtrisées. Certes, comme présagé, le système aura du mal à repousser ses limites ; lorsque viennent les dernières heures de recherche, la mécanique peut se montrer chronophage quand il devient difficile de dénicher des pans d’histoire inédits.
- Ambrosio est réalisé en 1968 par Alan Fischer. Il s'agit d'une adaptation du roman gothique de M.G. Lewis baptisé The Monk dans laquelle Marissa, tout nouveau talent, interprète la “terrible Mathilde”.
- En 1970, John Durick réalise le thriller Minsky. Marissa incarne la muse d’un artiste new-yorkais tué. Elle est soupçonnée de l'avoir assassiné.
- En 1999, Marissa marque son retour devant la caméra après une longue absence. Le film Two of Everything, encore réalisé par Durick, est un thriller qui explore la dualité entre une pop star et sa doublure.
Marissa Marcel
Comprendre ce qu’il est arrivé à Marissa Marcel ne constitue pas la seule énigme de l’aventure. Il en réside une multitude qui émergent de sous-entendus, de non-dits, d’expressions inhabituelles et d’apparitions plus cryptiques. Le jeu a un sens du mystère prodigieux et sait les entretenir habilement. Les films et leurs coulisses sont le reflet de leur époque ; aussi ressentons-nous parfaitement la condition humaine, l'homme ou la femme derrière l’artiste, le sexisme ambiant et les vices de la société mis en abyme tout au long de l’expérience.
On dit souvent de Sam Barlow qu’il sait bien s’entourer. Les performances exécutées dans Her Story et Telling Lies étaient déjà excellentes. Celles d’Immortality sont franchement remarquables, campées par des talents méconnus. Marissa Marcel, interprétée par Manon Gage est un personnage captivant, autant par son jeu que par son aura naturelle et son sourire narquois qui tisse avec le joueur un attachement assez particulier. Si bien qu’une fois l’expérience achevée, son visage est encore ancré dans votre mémoire quelques jours. Les acteurs secondaires ne sont pas non plus en reste, notamment Ty Molbak, excellent dans son rôle de détective influençable pour Minsky. D’autant de bons personnages qui héritent d’ailleurs de la plume d’Allan Scott (Don’t Look Now, Le jeu de la Reine), d'Amelia Gray (Mr. Robot, Maniac) et de Barry Gifford (Wild at Heart, Lost Highway) en plus de celle de Barlow.
Conclusion
Points forts
- Une œuvre d'une consistance scénaristique remarquable
- Le personnage mystique de Marissa
- Des performances de haute volée
- Des plans vraiment superbes
- Un gameplay très facile à prendre en main
Points faibles
- Une mécanique qui devient chronophage sur la fin
Note de la rédaction
Immortality est une nouvelle démonstration de l'art de Sam Barlow. Mystique, captivante, Marissa est le sujet principal d'une œuvre d'une consistance scénaristique absolument remarquable, aux plans léchés et dont le regroupage non-chronologique rend toute l'expérience happante. Et s'il est vrai que la redondance du gameplay basé sur une simple mécanique de clics peut s’avérer pesante sur la fin de l’expérience, l’aventure n’en reste pas moins incroyablement marquante et maîtrisée.