En leur temps, Street Fighter II et Virtua Fighter ont fait entrer l’univers de la baston dans une nouvelle dimension. Véritables phénomènes de société au Japon, ils ont été le point de départ d’une vague de jeux de combat inoubliables (Killer Instinct, Mortal Kombat, Toshinden, Tekken, Tobal, Dead or Alive, Soul Edge…) et les équipes de développement étaient constamment tiraillées entre le désir d’une 2D maîtrisée ou d’une 3D spectaculaire. Bien qu’elle fût inaccessible pour le plus grand nombre, la Neo Geo – et son pendant arcade – était la machine rêvée (avec la Saturn) pour tous les fans du genre et la protégée de SNK a donné naissance à des œuvres majeures. The King of Fighters, réunissant des combattants de Fatal Fury et Art of Fighting, est l’une de ces sagas et son comeback était attendu par toute une communauté. Ce quinzième volet vient combler une absence de six ans et a cette lourde tâche de faire oublier des épisodes canoniques restés dans les mémoires. Sacré programme !
Deuxième épisode de l’arc narratif débuté avec The King of Fighters XV, cet épisode a été révélé lors de l’Evo 2019 et a la ferme intention de combler les adeptes du versus fighting. À l’heure où Capcom vient d'annoncer Street Fighter 6, ce KOF nouvelle génération doit gagner des points et garde l’approche de son prédécesseur, quitte à se mettre à dos – de nouveau – les fans des anciens épisodes et de la belle 2D dessinée.
L’ÉLÈVE FACE AU MAÎTRE
Bien que faisant la part belle à l’Unreal Engine et aux modèles 3D (on y reviendra), The King of Fighters XV n’a pas pour objectif de bouleverser la philosophie de la série. On retrouve ainsi Terry, Andy, Mai et toute la bande dans des affrontements en 3 contre 3 (le 1 contre 1 est possible, mais va à l’encontre de l’essence même de la franchise) faisant la part belle aux quarts et demi-cercles. KOF a toujours été porté sur les combos et cet épisode ne déroge pas à cette règle. Bien qu’elle soit assez technique, la série de SNK n’a pas pour vocation d’être aussi « hermétique » qu’un Virtua Fighter et propose un panel de combattants pouvant tout à fait convenir aux débutants. Au nombre de 39, ce qui fait un beau roster (sans atteindre celui de The King of Fighters XIV), ces protagonistes exigent toutefois un entraînement intensif. Pour faire face à l’IA et aux joueurs les plus aguerris, il est indispensable de connaître les qualités et faiblesses de son équipe, encore plus dans un système à 3 contre 3 où la recherche de l’équilibre des forces en présence est vitale. L’épisode de 2003 avait instauré le Tag Battle (un quatrième combattant débarque furtivement pour filer un coup de pouce puis disparaît) mais ce n’est pas le cas ici.
RAPIDITÉ D’EXÉCUTION
Mélange de coups rapides, puissants, d’esquives et de déplacements soudains, The King of Fighters XV intègre un nouveau système, le Shatter Strike, qui s’exécute lorsque l’une ou plusieurs jauges sont pleines. Avec un bon timing, il suffit d’effectuer un quart de cercle avant en le combinant à deux boutons (en l’occurrence gros poing, gros pied) pour contrer son vis-à-vis et retourner la situation à son avantage. À cela viennent justement s’ajouter les jauges MAX et MAX Mode Quick qui permettent, pour la première, de booster les forces de son combattant. Le mode rapide (Quick) de cette jauge MAX, quant à lui, augmente la vitesse du protagoniste pour ne laisser aucune ouverture à l’adversaire. C’est principalement sur ces features, en plus des furies habituelles (des coups spéciaux de plus ou moins grande intensité), qu’il faut se baser pour remporter la victoire. L’utilisation du Rush (combinaisons de plusieurs coups) offre aussi une opportunité intéressante. Certaines personnes pourront juger que les avancées sont légères, mais c’est un choix assumé des développeurs. The King of Fighters XV propose ainsi un gameplay ultra-dynamique qui permet de s’amuser après seulement quelques passages dans le mode entraînement. Le problème qu’il pose, c’est qu’on en fait vite le tour.
UN KOF XIV 1.5 ?
Fondé sur les bases solides de l’épisode précédent, The King of Fighters XV aurait pu se montrer bien plus ambitieux. Certes, les graphismes sont jolis, avec des effets améliorés, mais le « wow effect » n’est pas de la partie. Le design des personnages peut paraître caricatural, surtout face au charme des itérations 2D de la série, et les animations semblent tout droit sorties du dernier volet. Certaines postures paraissent improbables, et même si Virtua Fighter, en son temps, avait volontairement brisé sa recherche de réalisme en contrepartie du fun (lorsque le personnage se prend un coup de pied, son corps se tord violemment en tournoyant), il y a quand même une impression de marionnette qui s’en dégage. Les environnements, quant à eux, ne marquent pas vraiment les esprits, à l’exception du clin d’œil à Metal Slug. C’est propre visuellement, c’est fluide, mais on ne peut s’empêcher de regretter un aspect trop générique, loin de l’ambiance très vivante d’un The King of Fighters '96 pour ne citer que lui. Il y a tout de même un gap intéressant par rapport à KOF XIV.
L’autre problématique provient des modes de jeu. Au-delà du casting convaincant, malgré quelques absences qui se feront remarquer, on a la désagréable sensation d’un contenu se limitant au strict minimum. Le didacticiel est léger, le mode Histoire s’expédie en 15/20 minutes avec une mise en scène un peu plate et le gros du jeu se résume au Versus et aux affrontements en ligne (qui, il est vrai, profite d’un rollback netcode très stable et de nombreuses options de customisation). Alors, certes, SNK n’est pas Capcom en termes d’effectifs et le budget d’un The King of Fightersest probablement sans commune mesure avec celui d’un Street Fighter, mais nous n’aurions pas été contre des modes de jeu supplémentaires. C’est d’autant plus vrai que le titre va fait l’objet des bons vieux DLC pour enrichir son panel de combattants. Dans l’ensemble, et malgré l’impression d’avoir un épisode proche de son prédécesseur, The King of Fighters XV remplit sa part du contrat pour toutes celles et ceux qui font du gameplay une priorité. Sa section online est également une belle réussite. En contrepartie, il ne faut pas s’attendre à une révolution par rapport au quatorzième volet et la patte graphique, malgré sa qualité globale, ne conviendra pas à tout le monde.
Conclusion
Points forts
- La force de son gameplay
- 39 combattants
- Réalisation très propre (personnages, effets...)
- La stabilité de son mode en ligne (rollback netcode)
- Animations fluides
- Marge de progression énorme
Points faibles
- Une direction artistique trop générique
- Des décors un peu passe-partout
- Manque de vie dans les environnements
- Mise en scène pauvre
- Un contenu trop léger
Note de la rédaction
Après six ans d’absence, The King of Fighters effectue un retour concluant. Excellence du gameplay, mode en ligne de qualité, réalisation fluide… tous les ingrédients sont réunis dans ce jeu de baston nouvelle génération ! Les fans du dernier épisode devraient être comblés, mais on ne peut s’empêcher d’avoir quelques réserves sur la direction artistique, le contenu et le manque de vie et d’inspiration dans les décors. The King of Fighters a toujours été une franchise diffusant une certaine ambiance et il est peut-être un peu trop générique pour s’ouvrir au plus grand nombre.