Sloclap emprunte à nouveau la voie du guerrier après un premier voyage sur les terres du jeu d’action salué par la critique et nommé Absolver. Les studios parisiens rechaussent ainsi les gants et montent sur le ring pour un second round avec SIFU, un Beat'em All à la difficulté relevée pensé pour être l’ultime hommage vidéoludique aux films d’arts martiaux. L’élève a-t-il définitivement dépassé le maître ?
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Fist of Vengeance
SIFU narre la quête vengeresse d’un artiste martial qui après avoir assisté plus jeune à l’assassinat de son maître décide d’émiminer les responsables de cet acte odieux. La vengeance est un grand classique des films d’arts martiaux qui ont fait la gloire du cinéma hongkongais au cours des années 70 et 80. Le titre développé par Sloclap reprend à son compte l’essence même de cet archétype narratif vieux comme le monde au cours d’un périple martial épique et violent.
La plume des scénaristes puisent dans un genre ultra codifié, le “Revenge Movie”, avec sa suite de lieutenants haut en couleur à affronter et ses séquences iconiques inspirées du meilleur de la baston cinématographique. Nous pensons notamment à Old Boy de Park Chan-wook, les sagas John Wick et The Raid ou encore l'incontournable Ip Man avec Donnie Yen dans le rôle de l’artiste martial amené à devenir le maître d’un certain Bruce Lee. Néanmoins, SIFU ne peut se résumer à un simple combo de citations, aussi cultes soient-elles.
Ce Beat’em All revisite à sa manière et avec une maîtrise certaine les arcanes de la bagarre au cinéma, et les transpose manette en mains non sans y apporter une touche personnelle qui fait tout le sel de ce récit. La mise en scène s’avère minimaliste, à l’image de l’histoire contée, mais d’une efficacité redoutable. Les personnages, et non les cinématiques, sont ici les piliers d’un scénario expéditif. Cependant, l’intérêt de cette aventure martiale est ailleurs. Il réside dans les phases de combat et la montée en puissance d’un disciple aveuglé par son désir de vengeance.
SIFU : Le Squat, les premières minutes de l'aventure
Fist of Legend
Les studios ne s’en cachent pas le moins du monde. SIFU est un hommage sincère et sans concession au 7e Art majoritairement martial. Dans cette optique, les artistes adoptent un style visuel évocateur qui donne aux environnements un cachet particulier. Le jeu de Sloclap se démarque par sa direction artistique typée "peinture" du plus bel effet, imprégnée de la culture chinoise, et même de sa mythologie au sens large. Techniquement parlant, à défaut de faire des étincelles, l’expérience s’avère solide avec un affichage en 4K à 60 images par seconde sur PC et PlayStation 5 (1080p sur PS4).
Terre à terre sur bien des points, SIFU glisse doucement, mais sûrement vers le fantastique à mesure que les assassins sont envoyés ad patres. Au-delà des capacités surnaturelles et hautement létales des boss qui, soyons honnêtes, assurent le spectacle, le jeune artiste martial se révèle plein de surprises. En effet, il a en sa possession un médaillon magique lui permettant de revenir à la vie en échange d’un vieillissement prématuré déterminé par un compteur de morts successives subies. Ces résurrections sont toutefois limitées et mènent inexorablement au Game Over, suite à une nouvelle mort à l’âge fatidique de 70 ans ou plus.
L’expérience imaginée par Sloclap repose en grande partie sur cette mécanique de progression singulière. Finir l’un des cinq niveaux pour autant de boss à vaincre, tous inspirés d’un élément ou matériau clé (feu, bois, métal, etc), n’est pas une fin en soi. Au contraire, rester jeune est essentiel pour espérer terminer le jeu. Les joueurs sont donc invités à explorer à plusieurs reprises Le Squat, Le Club, Le Musée, etc. afin d’améliorer leurs performances. Les studios ont même pensé à intégrer des raccourcis dans les niveaux, histoire d’écourter les nouvelles tentatives… à condition de les débloquer au préalable.
Revenir à un niveau antérieur a néanmoins des conséquences directes, et peut prendre des airs de pari risqué. Le héros perd alors les bonus et autres compétences débloqués dans les niveaux supérieurs. Fort heureusement, ce dernier conserve une partie de sa progression, et ce, malgré ses multiples morts prématurées et autres échecs. Le tableau d’enquête et les indices qui résument l’avancée de l’histoire ainsi que certaines aptitudes dites permanentes le suivent peu importe les décisions prises. Le Beat’em All de Sloclap garde également en mémoire votre meilleur résultat, ici l’âge du protagoniste, à la fin de chaque niveau. Avant même de s’intéresser à ce noble art qu’est la bagarre, SIFU séduit par ce simple concept de médaillon et la structure ludique qui en découle.
Le Club : Une séquence inspirée de John Wick
Fist of Fury
SIFU se focalise sur une expérience martiale chorégraphiée et crédible qui privilégie l’apprentissage à la dure avec pour ultime gratification l’exploit de survivre à des situations renouvelées au gré des niveaux. Le système de combat est, sans surprise, technique, et exige persévérance et concentration totale pour en maîtriser tous les aspects. Calqué sur un style en particulier, ici le Kung Fu, celui de SIFU tourne autour d’un savant mélange de parades, d’esquives, de combos et de contre-attaques aussi vives que dévastatrices.
L’objectif premier est généralement de remplir la jauge de structure d’un combattant, comprendre ici sa capacité à se protéger et à encaisser, puis de déclencher une attaque finale qui le terrasse tout en grappillant un peu de santé au passage. Cette régle s'applique aussi au héros. Il est ainsi préférable de parer et/ou d’esquiver avec un timing précis afin de conserver sa "structure” intacte et ainsi éviter de périr. Dans SIFU, la mort débarque très souvent sans crier gare et elle peut prendre bien des formes... dont celle du Last Man Standing (ou dernier homme debout). Face à l’adversité, le téméraire reprend du poil de la bête devenant ainsi un mini boss retors ce qui pimente les affrontements en y intégrant une part d'aléatoire.
L’art de survivre face à des adversaires toujours plus nombreux et belliqueux repose également sur une gestion précise de l’espace, le Focus qui permet de déclencher des attaques spéciales ainsi qu'une utilisation judicieuse des armes mises à disposition. Entre les bouteilles en verre, les sabres et autres battes de baseball, etc. les moyens de se défendre ne manquent pas, même si nous aurions aimé découvrir au fil de l’aventure davantage d’interactions avec les environnements. En effet, les actions contextuelles manquent à l’appel. Leur présence aurait ajouté un peu plus de charme aux échanges face à des ennemis toujours plus variés et compétents.
Le héros peut, pour se faciliter la vie, dépenser des points d’expérience et ainsi débloquer de nouvelles techniques, mais aussi des bonus passifs qui améliorent entre autres la santé, la structure ou encore la durabilité des armes qui, effectivement, sont destructibles. Ces mécaniques RPG qui donnent aux joueurs le sentiment de contrôler leur destinée s'intègrent parfaitement dans le système de progression lié au vieillissement du personnage. Il en résulte des combats haletants où la moindre erreur se paye cash. Seule ombre au tableau, la caméra se positionne parfois de manière peu optimale dans les espaces étroits. En résumé, SIFU est une expérience à la fois grisante et éprouvante destinée aux artistes martiaux les plus dévoués au Kung Fu.
Le Musée, un affrontement digne de Old Boy
Conclusion
Points forts
- Un vibrant hommage à la pratique des arts martiaux
- Un "Revenge Movie" redoutable
- Un système de combat technique et percutant
- Une direction artistique typée “peinture” séduisante
- Un concept original de progression liée à l'âge du héros
- Des affrontements épiques face à des ennemis et des boss variés
- Un pot-pourri de références maîtrisées aux films d’arts martiaux
- Des environnements aux inspirations marquées
- La durée de vie (entre 20h et 30h)
Points faibles
- Une aventure éprouvante sur de longues sessions
- Un placement de la caméra parfois peu optimal
- Des interactions limitées avec les environnements
Note de la rédaction
SIFU est un vibrant et percutant hommage fait aux arts martiaux. Sloclap maîtrise indubitablement son sujet et le genre dans lequel le titre s’inscrit. En seulement deux jeux, les studios parisiens font état de leur savoir-faire dans le domaine, et deviennent de fait des artisans reconnus de la baston vidéoludique. Ce Beat’em All frappe fort et avec conviction, et perpétue ce noble art qu’est la joute pieds-poings au cours d’une quête vengeresse exigeante et inspirée. Le titre de Sloclap, de par sa difficulté relevée, se destine aux joueurs tenaces, voire acharnés, et pourrait en décourager plus d’un, mais l’apprentissage des arts martiaux exige abnégation et maîtrise de soi… à l’image de SIFU.