Mélange tout aussi improbable qu’original entre jeu de rôles (RPG) et jeu de rythme, le tout embarqué au sein d’un univers psychédélique déjanté, Everhood est un titre qui a le mérite d’attiser notre curiosité. Cette oeuvre aux nombreuses similitudes avec Undertale possède-t-elle les mêmes qualités que celles de son illustre prédécesseur ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre.
L’année 2015 marquait l’entrée fracassante de Toby Fox dans l’industrie vidéoludique avec son titre désormais culte Undertale, sorte d'hommage au RPG Mother. Derrière un gameplay somme toute banal quoique parfois doté de très bonnes surprises, se cachait une profondeur scénaristique brillante qui montrait là toute l’étendue du talent de son créateur. Souvent imité, mais jamais vraiment égalé, Undertale a inspiré nombre de développeurs indépendants, dont Chris Nordgren et Jordi Roca. Ces deux passionnés aguerris ont mis leur savoir au service d’un projet commun en puisant fortement dans le modèle établi par Toby Fox pour finalement aboutir à Everhood, un titre aussi singulier qu’attrayant.
Les bras m’en tombent
Chose rare, il est à la fois très simple et très compliqué d’évoquer l’intrigue d’Everhood. Propulsé dans un monde fabulaire, le joueur y incarne Rouge, une poupée en bois couverte d’un capuchon… rouge. Complètement désarticulée et abandonnée au milieu d’un bois sombre et lugubre, vous faites la rencontre d’un nain bleu bien malicieux, qui, l’air de rien, vous vole votre bras ! Parti à toute allure, le nain ne manque pas de se pavaner gentiment. Il est alors temps de se lancer logiquement à sa poursuite. Voilà autour de quoi s’organise le début de cette aventure. Le seul objectif consiste, pendant la bonne première moitié du soft, à réussir à récupérer le bras de Rouge.
Particulièrement classiques, ce scénario et cet objectif simple sont dans un premier temps prétextes à rencontrer bon nombre de personnages complètement déjantés, qui ne seront pas sans rappeler le squelette Sans, son frère Papyrus et tous les autres monstres décalés d’Undertale. Mais ici, place au Mage vert, à sire Percévalis, Rastacorne, Nosferatchoum et leurs amis. Des personnages immédiatement attachants et qui offrent de bonnes doses d’humour absurdes. C'est sans doute le premier point positif d'Everhood. Son univers coloré et les rencontres que l’on peut y faire entretiennent immédiatement le désir de se plonger plus en profondeur dans ce récit délirant. Mais plus que des dialogues savoureux, c’est aussi et surtout des combats bien particuliers que propose tout ce beau monde.
Poupée de son
Si Everhood use sommairement de mécaniques issues du RPG traditionnel et contient un aspect plus aventure à proprement parler, il est en revanche beaucoup plus inspiré dans sa dimension jeu de rythme qui s'épanouit lors des différents affrontements. Au cours du périple, vous êtes rapidement confronté à Goret d’or, le commanditaire du larcin dont vous êtes victime, et de sa bande de joyeux lurons. Pour parvenir jusqu’à lui, il faut affronter nombre d’adversaires le temps d’une sorte de… combat musical.
Concrètement, sur une bande horizontale de cinq cases il faut déplacer votre personnage latéralement afin d'éviter les notes de musiques que projettent les adversaires. À chaque fois que l'on échoue, la barre de vie descend... jusqu'au Game Over. En plus des mouvements latéraux, il est possible de sauter au dessus des obstacles. Qui plus est, ces affrontements évoluent après quelques heures de jeux en offrant la possibilité de riposter. Au lieu d’esquiver les notes, il est désormais possible de les absorber et de les renvoyer à la face des ennemis. Il faut deux notes d’une même couleur pour pouvoir effectuer une attaque. Plus complexe qu’il n’y paraît, le système de combat gagne en dynamisme et enrichit une expérience de duels déjà bien fun jusqu’ici.
Le cœur du gameplay reste très simple en apparence, mais les affrontements s’intensifient rapidement, demandent plus d'habileté et de concentration et offrent, pour certains, un véritable challenge dans les niveaux de difficulté les plus élevés. À noter que plus la difficulté est élevée, plus la vie se régénère lentement et les coups portés par l'ennemi génèrent plus de dégâts. Pas d'inquiétude à avoir, si le challenge est insurmontable, il est possible de changer la difficulté au beau milieu des combats. Néanmoins, nous vous recommandons fortement de jouer au moins en difficile, les défis inférieurs étant bien trop faciles à surmonter.
En outre, il faut absolument souligner la bande-son qui accompagne tous ces combats, qui s'avère tout simplement incroyable. De la techno au rock, de la drum'n' bass au 16 bits, en passant même par le hip-hop et la salsa… Tous ces genres éclectiques coexistent parfaitement et cette OST constitue à elle seule un argument de taille auprès de quiconque hésiterait à se lancer dans l’expérience. Qui plus est, les affrontements sont rejouables dans le mode Revanche, qui permet de faire fi de la partie aventure pour se relancer uniquement dans ce qu’Everhood fait de mieux. Vous l’aurez compris, le titre de Chris Nordgren et Jordi Roca bénéficie d’un système de joutes musicales aussi réussi qu’original, servi par une OST impeccable, qui lui permet de se distinguer fortement de ses pairs. D’autant plus que sur leurs similitudes, il faut admettre qu’Everhood souffre de quelques lacunes, à commencer par sa qualité graphique.
Underhood
Oui, les combats sont réussis au niveaux des visuels et des effets, mais il faut bien admettre que les décors des différentes zones et des donjons assurent le strict minimum. L'exploration consiste, la plupart du temps, à parcourir des décors quasiment vides constitués de chemins tracés et colorés qui viennent illuminer un fond noir. De plus, chaque zone ne regorge pas d’innombrables secrets et embranchements. On perd rarement notre chemin. Les zones sont variées, mais restent très convenues pour finalement en faire vite le tour. Plus un moyen qu’une fin, l’exploration sert avant toute chose à faire avancer l’intrigue, qui mène d’un combat à un autre. Outre ses affrontements, vous vous demandez certainement si l’histoire racontée par Everhood vaut le coup. La réponse est bien entendu oui, ou plutôt oui, mais...
Si la comparaison avec Undertale revient encore et toujours sur la table, c’est sans doute parce que le titre de Foreign Gnomes se base sur un concept de “RPG décalé” similaire au soft de Toby Fox, mais aussi parce qu’il entretient un lien particulier avec la narration héritée de son prédecesseur. On se rend rapidement compte que l’univers d’Everhood n’est pas si chatoyant et innocent qu’il n’y paraît, et qu’il contient une importante part de mystère. Cependant, là où Undertale pouvait s’avérer terre à terre sur ses révélations, Everhood possède jusqu’à la fin des secrets inavoués qui restent sujets à l’interprétation du joueur. De plus, il faut préciser que le coeur du scénario et du monde dépeint dans Everhood peuvent s’avérer cryptiques pour certain(e)s, et en laisser plus d’un(e) sur le carreau. Pour s'imprégner pleinement de ce monde, il faut bel et bien abandonner son humanité comme le jeu nous demande de le faire en début de partie et accepter l’immortalité, au risque d’y laisser quelques plumes, moralement parlant.
C’est peut-être un détail pour vous
Il nous faut aussi évoquer brièvement la rejouabilité du soft. Il est plus que probable que vous vous replongiez au coeur des affrontements, tant ils sont plaisants à faire. Nous avons parlé du mode Revanche, mais sachez qu’il existe aussi un mode de combats customisés dans lequel il est possible de créer ses propres affrontements. Ce mode étant encore en bêta, les développeurs vous expliquent la démarche à suivre dans les menus du jeu. Qui plus est, l’aventure est jouable en New Game+ et propose plusieurs fins alternatives que nous vous laisserons découvrir par vous-mêmes. Néanmoins, il faut admettre qu’elles n’ont pas le même cachet que la fin principale, et ne constituent pas vraiment de véritables relectures de l'aventure, à la différence d'Undertale.
Conclusion
Points forts
- Un univers psychédélique puissant
- Des personnages hauts en couleur
- Un humour qui fait mouche...
- Une bande-son aussi excellente qu'éclectique
- Un système de combat vraiment fun
- Une durée de vie correcte (entre 6h et 8h)
- Une bonne rejouabilité
- Des fins alternatives qui viennent enrichir l'univers...
Points faibles
- Assez pauvre graphiquement (en dehors des combats)
- Une exploration trop simpliste
- ... mais qui aurait pu être plus présent
- Un univers parfois cryptique
- ... mais qui n'ont pas l'impact de la fin principale
Note de la rédaction
Bien plus qu’un simple clone d’Undertale, Everhood est un titre atypique, singulier, qui possède des qualités lui permettant largement de se distinguer de son prédécesseur. Ses lacunes graphiques et ses mécaniques d’exploration simplistes se font pardonner grâce à un système de combat prenant et jouissif, servi par une bande-son exceptionnelle qui rentre directement au panthéon des meilleures OST indépendantes. Chris Nordgren et Jordi Roca ont créé un soft qui, mine de rien, fait cogiter alors que sa portée tient dans la dualité entre l’implication demandée par le jeu au joueur et l’humanité de ce dernier. D’une manière ou d’une autre, Everhood laissera irrémédiablement son empreinte sur votre parcours vidéoludique.