La saga Demon Slayer n’en finit plus de faire parler d’elle. Après avoir séduit les amateurs de mangas et d'animes, c’est au tour des joueurs de jeu vidéo de voir fondre sur eux le phénomène en provenance du Weekly Shōnen Jump de la Shūeisha. Le jeu de combat Demon Slayer : The Hinokami Chronicles est-il une adaptation à la hauteur de la légende des pourfendeurs de démons ?
Les liens du sang
Demon Slayer : The Hinokami Chronicles situe son action au cours de l’ère Taisho dans un Japon alternatif en cours d’industrialisation. Cette période dite “de grande justice” allant de juillet 1912 à décembre 1926 couvre le règne de l‘empereur du même nom. C’est dans ce contexte que nous faisons la rencontre d’un jeune vendeur de charbon - Tanjiro Kamado - qui par une sombre journée d’hiver découvre atterré le sanglant massacre de sa famille par un démon. Seule survivante, mais transformée en créature démoniaque, sa sœur cadette Nezuko présente encore quelques traces d’humanité. Bien décidé à trouver une cure au mal qui la ronge, notre héros s’engage sur la voie des Pourfendeurs de Démons.
Le mode Histoire couvre les 69 premiers chapitres du manga pour un total de 7-8 heures de jeu, et se termine avec l’arc du Train de l’infini récemment adapté en film d’animation. Les fans étaient en droit d’attendre une mise en scène digne de celle proposée par les studios d’animation ufotable, et la déception est à la hauteur des attentes placées dans cette adaptation vidéoludique. Trop rarement, le récit parvient à retrouver ce sens de l’épique et de la démesure propre aux aventures de Tanjiro Kamado, exception faite des séquences reprises directement de l’anime.
Demon Slayer : The Hinokami Chronicles en vient à balbutier son récit. Ce dernier se structure autour d’une succession de saynètes d’exposition trop souvent fades et statiques, et de flashbacks extraits de la trame principale avec pour résultat un scénario décousu. L’introduction poussive est à l'image d’une mise en scène sans surprise, sans imagination, qui se contente de créer du liant entre les phases de gameplay sans jamais prendre à bras-le-corps son sujet. Le rythme est ici la première victime des choix effectués par les studios japonais. Plusieurs séquences sont certes marquantes, mais s’avèrent bien trop clairsemées pour maintenir l’intérêt de ce mode Histoire qui avait toutes les cartes en mains pour réussir, sans pour autant y parvenir.
Les combats de boss, spécifiquement conçus pour mettre à l’épreuve le héros, apportent par instant cette petite étincelle susceptible d’enflammer le cœur des joueurs, et d’embraser l’histoire. Cependant, la mise en scène souffle ici aussi le chaud et le froid. Pire encore, l’esprit shonen a besoin d’une dose de challenge pour exister, un challenge absent la majorité du temps. Demon Slayer : The Hinokami Chronicles prend des airs de parcours de santé avant de subitement faire volte-face lors d’un dernier chapitre qui semble vouloir compenser. Ce pic de difficulté qui jure avec le reste de la campagne solo demeure une énigme.
Bande-annonce de Demon Slayer : The Hinokami Chronicles
Le souffle du fan service
CyberConnect2 parle avant tout aux fans de la saga, et dans ce domaine les studios japonais assurent l’essentiel. Le ton et l'humour si particuliers de l’anime sont fidèlement retranscrits en jeu. Certains personnages ô combien irritants le sont toujours autant, et l’intégration des voix officielles japonaises et anglaises participent grandement à faire du jeu Demon Slayer une adaptation fidèle. Toutefois, le mode Histoire vise en premier lieu les connaisseurs, et peut parfois laisser sur le bord de la route les néophytes par le biais d’ellipses et d’allers-retours narratifs qui rendent l’ensemble confus. A noter que le titre est intégralement sous-titré en français pour un confort de jeu optimal.
Le roster de combattants n’est pas en reste. Pas moins de onze pourfendeurs, sans compter plusieurs versions alternatives, au nombre de six, croisent le fer au cœur d’une dizaine d’arènes reprenant les lieux iconiques de la franchise. Cela peut paraître peu d’un point de vue purement numéraire, mais en réalité, chaque personnage est transposé fidèlement à l’écran, et présente un panel de mouvements qui n’appartiennent qu’à lui. Combattants, arènes mais aussi les différentes tenues, les répliques cultes, les musiques, les images, etc. se débloquent en explorant les différentes zones semi-ouvertes qui ponctuent le mode Histoire.
La raison d’exister de ces phases de jeu se résume à collectionner les points Kimetsu et à remplir divers objectifs secondaires dans le but d’obtenir 100% des récompenses intégrées au titre. Ludiquement parlant, l’exploration et la complétion des missions spéciales ne présentent que peu d’intérêt, et il en va de même pour le mode Entraînement. Ces séries de défis servent uniquement à récolter toujours plus de points synonymes de contenu souvent secondaire. Néanmoins, l’opportunité de pratiquer face à une intelligence artificielle permet de parfaire sa technique, et de mieux appréhender nos pourfendeurs favoris. Demon Slayer : The Hinokami Chronicles restent au final furieusement classique dans ce qu’il propose.
Bande-annonce de Demon Slayer : The Hinokami Chronicles
La voie du sabre
Demon Slayer : The Hinokami Chronicles hérite du savoir-faire de CyberConnect2 en matière de baston vidéoludique, et s’inspire ouvertement des précédentes productions des studios japonais, la série des Naruto Shippūden : Ultimate Ninja Storm en tête. Nous sommes en présence d’un jeu de combat 3D en arènes fermées au sein desquelles se déroulent d’intenses 2 versus 2. En effet, les joueurs sont invités à sélectionner un combattant principal et un soutien, même s’il est tout à fait possible d’alterner entre eux en plein combat. Dans les faits, cette alternance se révèle anecdotique, les deux élus partageant les mêmes jauges de santé, etc.
Les studios japonais s’affairent à rendre l’expérience accessible à tous en misant sur une approche “arcade” du jeu de combat. Il en résulte des affrontements intenses qui privilégient le grand spectacle au détriment de la pure technique. Entre attaques rapides, gardes, esquives, parades et autres projections, les joueurs ne seront pas dépaysés par cette vision grand public de la baston qui a pour principal objectif de divertir. Il faut reconnaître à CyberConnect2 un talent certain pour retranscrire manette en mains les spécificités d’un anime, et dans le cas présent celles de Demon Slayer.
Le concept de souffle ou encore celui de l'Éveil sont à titre d’exemple parfaitement intégrés. De plus, l’appel des soutiens, l’utilisation d’un pouvoir ultime ou encore la gestion en temps réel des différentes jauges - technique et spéciale - constituent autant de choix stratégiques à faire au beau milieu du combat sans pour autant complexifier outre mesure le gameplay. Demon Slayer : The Hinokami Chronicles s’adresse au plus grand nombre, et sur ce point le titre est une réussite. Néanmoins, un jeu de combat se juge aussi sur son multijoueur qui fait ici acte de présence. Celui-ci s’arme des fonctionnalités attendues sans vraiment se démarquer de la concurrence.
Le mode Versus risque de convenir avant tout aux amateurs de soirées "canapé" entre amis sur un titre facile de prise en mains et dont l’aura dépasse la simple sphère des initiés à Demon Slayer. Entre la pratique ainsi que les matchs en ligne (classés ou non) et hors ligne, The Hinokami Chronicles promet quelques heures de joutes guerrières en perspective, surtout si vous souhaitez vous élever au premier rang des Pourfendeurs de Démons. Nous aurions à la rédaction apprécier un mode quatre joueurs par équipe en véritable 2 versus 2.
Bande-annonce de Demon Slayer : The Hinokami Chronicles
Un amour d’anime
The Hinokami Chronicles reprend à son compte et à raison la direction artistique de l’anime. Les visuels typés “manga” peints par les artistes de CyberConnect2 font honneur à ceux réalisés par les studios d’animation ufotable pour la série animée, puis le film. Les personnages en particulier sont modélisés et animés en combat avec soins. Les effets pyrotechniques suivent une voie similaire, et explosent à l’écran de mille feux au point de rendre l’action peu lisible par instant, surtout en multijoueur. Dans un jeu de combat, le manque de lisibilité peut vite devenir un fardeau à porter. Ce problème technique se fait fort heureusement discret dans le mode Histoire.
Pour le reste, cette adaptation de Demon Slayer peine à convaincre. Développé sous le moteur Unreal Engine, le titre affiche des environnements peu convaincants, pour ne pas dire pauvres, et anime sans forcer les personnages durant les phases d’exploration. Il n’est pas rare de tomber sur des textures peu avenantes et des animations trop rigides. Conscient que la fluidité de l’expérience est la clé du succès, CyberConnect2 proposera un mode performance à 60 images par seconde sur PC (Steam), PlayStation 5 et Xbox Series X/S via une mise à jour post lancement. Malheureusement, les consoles de huitième génération devront se contenter d’un bon vieux 30fps.
Bande-annonce de Demon Slayer : The Hinokami Chronicles
Conclusion
Points forts
- Un mode Histoire respectueux des aventures de Tanjiro Kamado
- Un ton et un humour hérités de la série animée
- Les voix originales en japonais (et en anglais), et les sous-titres en français (VOSTFR)
- Un roster de combattants de qualité (11 + 6 versions alternatives)
- De nombreux contenus à débloquer (tenues, répliques, musiques, etc.)
- Des combats instantanément fun et fidèles aux grands principes de la saga
- La direction artistique "manga" et le design des personnages
- Des effets visuels foudroyants
- Les modes annexes et le multijoueur
Points faibles
- Une mise en scène fade et une narration décousue
- Des combats de boss trop peu épiques
- Le pic de difficulté du dernier chapitre du mode Histoire
- Des phases d'exploration sans grand intérêt
- Des affrontements parfois brouillons et peu lisibles
- Une réalisation technique loin des standards actuels
- Un mode versus sans surprise
Note de la rédaction
Demon Slayer : The Hinokami Chronicles... Voilà ce qu’un fan peut attendre d’une adaptation de manga en 2021, c'est-à-dire un jeu de combat accessible et plaisant à prendre en mains, mais trop rarement à la hauteur du matériau d’origine. Le fan service est sans grande surprise au rendez-vous. Les affrontements soulignés par des effets visuels de toute beauté font honneur aux séquences passées à la postérité de la série animée. Pourtant, l’absence de créativité pour tout ce qui touche à la mise en scène transforme un mode Histoire supposément épique et touchant en une simple succession de combats entrecoupés de phases d’exploration sans réel intérêt. Quant au multijoueur, le mode Versus se contente de faire acte de présence. En définitive, le titre de CyberConnect2 est à conseiller aux fans, et uniquement aux fans de l'oeuvre de Koyoharu Gotōge.