Invité surprise de la BlizzConline de février dernier, Mercenaires est le deuxième mode dérivé d'Hearthstone qui propose une expérience de jeu se distinguant du titre original. Que vaut-il ? Voici nos premières impressions.
La rédaction de JV a pu accéder à Hearthstone Mercenaires avant sa sortie grâce à deux comptes fournis par Blizzard. Le premier était vierge de toute progression, tandis que le deuxième avait tous les personnages disponibles et à leur niveau maximum.
Le test s'est effectué sur ordinateur. Aucun problème technique n'a eu lieu, si ce n'est qu'il a fallu relancer le jeu pour un léger et unique dysfonctionnement après 22 heures de jeu. Mercenaires étant attendu aussi sur mobiles (iOS et Android), les performances techniques peuvent différer sur ces supports.
Pendant cinq ans après sa sortie en 2014, Hearthstone a fait de ses parties de cartes son unique cheval de bataille. En 2019, il décide de changer son fusil d'épaule : il intègre Champs de bataille (aussi appelé Battlegrounds), qui se distingue de l'expérience traditionnelle du jeu de cartes puisqu'il met en scène des affrontements automatiques de créatures. Rebelote donc avec Mercenaires, vendu comme un nouveau mode à part. Il emprunte des mécaniques semblables à celles de jeux de rôle comme Pokémon, tout en proposant des "missions de type roguelike proposant de nouveaux défis à chaque partie" comme c'est le cas dans Slay the Spire. Mélange réussi ?
Quand Warcraft rencontre Pokémon
Dans Mercenaires, le principe est assez simple et rappelle celui des jeux Pokémon. Le joueur compose une équipe de six personnages parmi sa collection et les envoie chasser des primes : c'est l'aspect Joueur contre Environnement (JcE) du mode, qui fait office de campagne solo. Chaque prime est en réalité une suite de combats qui s'achève avec un affrontement final correspondant à l'avis de recherche. En apparence, les combats sont simples : au début de chaque duel, le joueur doit poser trois de ses six héros sur le plateau pour faire face à l'ennemi. Se lance ensuite un combat au tour par tour divisé en deux phases. Dans un premier temps, le joueur choisit la capacité utilisée par chacun de ses trois personnages. C'est dans un second temps que le combat se déroule, en fonction de la vitesse des capacités choisies. Puis rebelote sur un nouveau tour où le joueur doit choisir à nouveau les techniques à utiliser. L'affrontement se termine une fois que l'intégralité des mercenaires de l'un des deux joueurs a été vaincue, c'est-à-dire que leur nombre de points de vie soit égale à zéro.
Mais un mercenaire n'est pas seulement défini par ses statistiques : il est aussi caractérisé par ses pouvoirs. Chaque personnage possède un ensemble de trois capacités, toutes possédant une vitesse de base : plus le nombre est petit, plus la technique est rapide. Par ailleurs, c'est la répartition par rôle des personnages qui ajoute une couche de réflexions supplémentaires lors des primes : les mercenaires ont chacun un rôle attribué entre celui de protecteur, combattant et lanceur de sorts. Une trinité qui régit les affrontements : les "Combattants" (verts) infligent deux fois plus de dégâts aux "Lanceurs de sorts" (bleu), les "Lanceurs de sorts" infligent deux fois plus de dégâts aux "Protecteurs", tandis que les "Protecteurs" infligent deux fois plus de dégâts aux "Combattants". Néanmoins, l'inverse ne s'observe pas : si un vert attaque directement un rouge, les dégâts reçus par ce dernier ne sont pas divisés par deux.
Enfin, un Mercenaire est aussi caractérisé par sa race (Orc, Humain, Elfe...), tous comme ses sorts (Givre, Feu, Arcanes...). Alors oui, ça peut paraître très réducteur pour certains mais il faut savoir que ça ne l'est pas pour eux. Non non, vraiment pas. En l'occurence, tous les héros tirent profit de ces synergies : par exemple, les Murlocs bénéficient d'attaques supplémentaires s'ils sont plusieurs, tandis que certains sorts de feu font encore plus mal si d'autres sorts de feu ont été joués dans le même tour. Rien qu'avec les 51 Mercenaires disponibles, de nombreuses combinaisons sont possibles et semblent toutes plus funs les unes que les autres. Un point d'autant plus positif puisque des mises à jour de contenu sont prévues par les développeurs pour permettre de densifier les combinaisons possibles.
Tout cela mis bout à bout, Mercenaires permet donc une profondeur de jeu puisqu'il faut baser ses choix sur les décisions prises par l'adversaire : en JcE, les actions (et leur vitesse) de l'ordinateur (ou bot) sont affichées au préalable. Mais attention, ce n'est pas pour autant que cela rend le jeu facile : on reconnait bien volontiers que savoir en amont les techniques adverses permet d'optimiser sa façon de jouer, mais certains tours sont d'autant plus frustrants lorsque la mort est inévitable et ce peu importe les actions à effectuer. De manière générale, la réflexion exigée par Mercenaires n'est pas délirante mais permet de mettre au défi les méninges, ce qui reste toujours galvanisant. Surtout quand le tour se passe exactement comme prévu. Néanmoins, cette mise à l'épreuve des compétences cérébrales n'est pas systématique et dès lors le gameplay au tour par tour proposé par Mercenaires perd de son cachet.
Mercenaires est-il vraiment un roguelite ?
Déjà mentionné plus haut, Mercenaires déclare intégrer des "missions de style roguelike proposant de nouveaux défis à chaque partie" et c'est en partie vrai. Si le terme roguelike est ici erroné (on préférera roguelite, pour les raisons évoquées dans cet article), Mercenaires s'inspire bien du genre. Chaque prime (ou niveau) est générée procéduralement (sauf pour l'affrontement final, évidemment), c'est-à-dire que les différentes salles dont disposées aléatoirement sur la carte à chaque tentative et que les monstres rencontrés ne sont jamais les mêmes.
Par ailleurs, chaque victoire avant le combat final offre un trésor aléatoire à un mercenaire de l'équipe. Ces bonus renforcent chaque membre de l'équipe (en lui donnant une nouvelle capacité ou de nouvelles statistiques) pour permettre à cette dernière d'être de taille face au personnage recherché, enfin sur le papier : Mercenaires souffre d'un terrible équilibrage à ce niveau-là. Certains boss sont terriblement durs (même en mode normal !) et il n'existe que deux solutions pour en venir à bout : la première qui consiste à recommencer en boucle la prime souhaitée en espérant tomber sur d'excellents trésors, ou la deuxième qui revient à effectuer d'autres avis de recherche pour améliorer des Mercenaires en particulier.
Une alternative guère réjouissante puisqu'elle inclut forcément de la répétitivité. Ces deux solutions reviennent à refaire des primes en boucle : on parle ici d'une quinzaine de tentatives minimum. Un nombre suffisant pour se rappeler précisément de chaque composition adverse et ce malgré la génération procédurale des affrontements. Un écueil d'autant plus notable que les primes sont assez courtes : une dizaine de combats maximum, de cinq minutes chacun. Assez rapidement, la réflexion laisse donc place à l'automatisation du gameplay. Une répétitivé qui est aussi due aux trésors : ils sont trop peu nombreux et n'offrent ni une autre manière de jouer ni un sentiment de puissance exacerbée, comme cela peut être le cas dans Slay the Spire ou Binding of Isaac. Par conséquent, la lassitude gagne rapidement les joueurs. Une dernière source de frustration vient aussi du fait de gagner une misère en cas d'échec. Pas de trésors, pas de persos forts. Pas de persos forts, pas de primes à récupérer. C'est le jeu ma pauv' Lucette pourrait-on se dire. Mais c'est d'autant plus irritant une fois le système d'amélioration des Mercenaires compris.
Mercenaire le jour, fermier la nuit
Une fois tout ce système de jeu assimilé, il devient évident que le succès d'une prime passe par une équipe aux maillons solides. Au fur et à mesure des primes effectuées (avec succès ou non), tous les Mercenaires engagés (même ceux sur le banc et ceux morts) prennent des points d'expérience. Ces derniers servent à augmenter les personnages de niveaux, jusqu'au palier 30. Chaque niveau gagné donne des points de vie supplémentaires, tandis que certains échelons offrent plus : deux capacités sont débloquées avec le niveau 5 et le niveau 15, et c'est un équipement du héros qui est à récupérer au niveau 30.
Mais l'amélioration des Mercenaires ne se limite pas à leur montée de niveau : les techniques et l'équipement peuvent aussi gagner en puissance. Ils peuvent être montés de niveau grâce aux pièces de mercenaires, dont le montant augmente à chaque palier. Chaque personnage a ses propres pièces de mercenaires, qui sont récupérables de trois façons différentes : via des paquets (gagnés ou achetés en boutique avec de l'or ou de l'argent réel), via les quêtes journalières et/ou tâches et par les primes disponibles.
Et malheureusement, tous les joueurs désireux d'optimiser leurs personnages sont obligés de passer par la case farming : un acte consistant à faire en boucle la même chose dans le but de récupérer une seule et même ressource. Un procédé d'autant plus simple dans Hearthstone Mercenaires : chaque prime réussie accorde des pièces aux mercenaires de l'équipe choisie, mais aussi à des personnages pré-définis. Dès lors, on peut répéter en boucle le même avis de recherche afin de récolter les jetons qui manquent pour tel ou tel mercenaire.
Dans cette boucle de gameplay qui peut se révéler lassante à la longue, Blizzard a intégré les tâches de mercenaires dans le cercle. Parfois, lors des primes, le joueur peut croiser la route d'un visiteur mystérieux. Suite à cette rencontre, il choisit de recevoir un nouvel objectif de quête (utiliser X fois cette capacité, infliger tant de dégâts...) pour l'un des mercenaires de son équipe. S'il le mène à bien, il reçoit un nombre conséquent de pièces concernant le héros en question. Un système qui s'insère parfaitement dans le cercle vicieux du farm : il propose au joueur une manière différente de jouer ses personnages, tout en récupérant efficacemment les ressources nécessaires à leur montée en puissance.
Pour le moment, il est difficile de se prononcer sur cet aspect-là puisque la rédaction n'a pu y jouer qu'une petite heure. Représenté à juste titre par la Fosse aux Combats du village, le mode JcJ permet de mettre à l'épreuve ses compositions d'équipes contre d'autres joueurs. Il intègre un système de cote (point mesurant le niveau d'un joueur) : plus celle-ci est élevée, plus les récompenses acquises sont grandes en fin de saison.
Sur le terrain, rien n'est bien différent de la campagne solo si ce n'est à un détail majeur : en joueur contre joueur, impossible de savoir à l'avance ce que va faire l'adversaire. Il faut donc redoubler d'intelligence pour anticiper au mieux les actions adverses. Enfin, certains joueurs devraient trouver un certain manque de lisibilité lors des phases de combats : tout s'enchaîne assez vite sans laisser le temps au joueur d'assimiler les différentes attaques adverses.
Free-to-play, play-to-win, gatcha... Quel modèle économique ?
Hearthstone étant souvent pointé du doigts par certains joueurs comme étant pay-to-win (il faut payer pour avoir accès aux meilleures cartes), quid de Mercenaires ? Ici, il faut avouer que l'aléatoire est moins dominant que dans Hearthstone. Il est possible de récupérer les pièces de chaque héros souhaité, puisqu'elles servent aussi à créer les mercenaires qui manquent à sa collection. Alors oui, il est possible d'acheter indirectement du temps de jeu en se payant des paquets directement avec de l'argent réel pour avoir accès à tous les mercenaires plus rapidement. Néanmoins, il faut toujours les monter de niveau à la main si on veut les exploiter à plus haut niveau. Et les mettre niveau 30 ça n'a pas de prix : enfin si, puisqu'il faut environ quatre heures pour passer du niveau 1 au niveau 30.
Un constat qui peut faire grincer des dents au premier abord, mais qui se digère facilement. Pour donner une idée, il a fallu une trentaine d'heures pour boucler l'ensemble des primes en mode normal. À l'issue de cette grosse session, le compte vierge de toute progression avait 26 mercenaires sur les 51 disponibles. 10 d'entre eux étaient niveau maximum, 10 autres au minimum et les six autres avec un niveau compris entre 10 et 20. Parmi les trentes heures de jeu, environ cinq ou six d'entre elles ont été utilisées pour récupérer des pièces de mercenaires utiles à la création de nouveau personnage ou l'amélioration de mercenaires déjà présents dans la collection. Au final, Hearthstone Mercenaire peut se jouer à son plein potentiel sans y verser le moindre centime. Alors oui, il faut y passer du temps pour avoir une bonne équipe. Oui, un niveau satisfaisant n'est obtenu qu'après avoir passé des heures dessus. Mais c'est l'un des principes du jeu vidéo, non ?
Conclusion
Points forts
- Un contenu solo conséquent enfin dispo pour Hearthstone
- Les synergies variées entre les différents mercenaires...
- Les objectifs, bouffée d'air frais dans la répétitivité des primes
- Simple à comprendre, difficile à maîtriser
- Terriblement satisfaisant par moments...
- Possibilité de faire des sessions courtes ou longues
- Un mode héroïque disponible pour les amateurs de défis
- Gratuit et entièrement jouable sans dépenser un centime
Points faibles
- Des primes qui finissent par se ressembler
- ...qui mettent du temps à arriver, même après 30 heures de jeu
- L'aspect roguelite trop chiche (manque d'événements aléatoires, les trésors peu variés)
- Difficulté aberrante pour certains boss
- ...Très frustrant par d'autres
- Un farming qui ne sied pas à tout le monde
- Ardu de comprendre tout ce qui se passe en JcJ
- Des connaissances minimes sur les personnages sont requises pour bien jouer, surtout au début
Au moment faire le point de la conclusion, il est difficile de donner un avis définitif sur Mercenaires : en cause, l'absence d'un test approfondi du mode JcJ qui semble être le contenu de prédilection une fois la campagne terminée. Néanmoins, une chose est sûre : Mercenaires est le premier contenu solo et JcE conséquent d'Hearthstone. Malgré un équilibrage douteux des boss et une certaine répétitivé qui n'ira pas à tout le monde, les mécaniques de gameplay (dont certaines empruntées à Pokémon) fonctionnent très bien et il tarde de les voir en Joueur contre Joueur. Mission moins réussie pour l'aspect roguelite du titre qui n'arrive jamais vraiment à recycler l'expérience, malgré les objectifs de quêtes qui sont parfaitement implémentés dans la boucle. Au final, le pari de mélanger ces deux univers est réussi. Blizzard fait avec Mercenaires ce qu'il a déjà fait avec Hearthstone et Champs de bataille : il rend accessible aux néophytes un genre qui est souvent fermé au grand public, tout en laissant la porte ouverte aux joueurs plus aguerris.