Dans les années 1980, Mario s’est rapidement imposé comme la mascotte de Nintendo et la concurrence, lassée de se partager les miettes d’un marché en pleine expansion, a cherché des parades pour contrer le moustachu. SEGA, par la voix de son président, Hayao Nakayama, a d’abord essayé de s’adjoindre les services de Son Goku (Dragon Ball), avant de se rabattre sur un petit personnage du nom d’Alex Kidd. Héros de plusieurs titres, c’est par le biais de son aventure sur Master System, Alex Kidd in Miracle World, qu’il a gagné en popularité. Trente-cinq ans plus tard, il revient dans une relecture modernisée qui sent bon la nostalgie. A moins que...
Afin de cerner la pression pesant sur ce remake, un petit retour en arrière s’impose. S’il a été remplacé assez rapidement par Sonic, Alex Kidd a tout de même eu le temps de marquer les esprits des possesseurs de Master System et des fans d’arcade. En 1984, SEGA demande à ses créateurs de réaliser un jeu Dragon Ball avec Son Goku en personnage principal. Malheureusement, la licence expire (comprenez par là que le contrat liant SEGA à Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball, arrive à échéance) et l’éditeur se voit obliger de tout reprendre de zéro. Initialement modelé sous la forme d’un jeu de rôle (typé action), le titre devient un jeu de plate-forme pour contrer Super Mario Bros.. Le personnage de Son Goku est, quant à lui, remplacé par le bien nommé Alex Kidd. Si Son Goku était reconnaissable à sa chevelure en pétard, sa queue de singe et son long bâton magique, Alex apparaît plus chétif, mais il est doté de poings surpuissants. Pour créer l’univers du jeu, Kotaro Hayashida s’est inspiré de Star Wars et il a apporté plein d’idées originales (les combats pierre, papier, ciseaux et les objets à acheter), que l’on retrouve aujourd’hui dans ce remake.
LE GOÛT DES ANNÉES 1980
Ce n’est pas sans émotion que votre serviteur s’est frotté à cette adaptation. Alex Kidd in Miracle World est en effet un jeu qui résonne fortement auprès des fans de SEGA. À l’époque, il était intégré dans les Master System II et un bon nombre de modèles de Master System. Inévitablement, le personnage a fait partie du quotidien des possesseurs de ces consoles et c’est en grande partie pour cette raison qu’il n’a pas été oublié. Et ceci même s’il fut remplacé par un Sonic bien plus charismatique ensuite. En s’attelant à ce revival, la Jankenteam et le studio Merge Games ont fait un sacré pari !
Alex Kidd in Miracle World DX est à l’image de son homologue 8-bits, à savoir un jeu de plate-forme classique faisant la part belle à l’action, à l’exploration et à l’utilisation de véhicules (moto, hélicoptère à pédales, bateau…) et d’objets divers, moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. En dépit d’une progression linéaire, il se démarque par certains artefacts à retrouver (obligeant ainsi le joueur à fouiller les niveaux, notamment les châteaux) et par ses inoubliables affrontements contre les boss. Reposant sur le concept du Jan-Ken-Pon (aussi connu sous le nom de Shi-Fu-Mi), il invite le joueur à participer à des défis « Pierre, papier, ciseaux » pour obtenir le droit de passer au niveau suivant. Les règles sont simples : la pierre casse les ciseaux, les ciseaux coupent le papier et le papier enveloppe la pierre. Au départ, les joutes sont statiques, mais deviennent plus mouvementées à la moitié de l’aventure. Lors de cette seconde phase de combat, après avoir réussi le « Pierre, papier, ciseaux », le joueur reprend le contrôle du personnage pour frapper le boss qui tente de le toucher avec ses attaques. On aurait pu croire que le jeu allait être facilement accessible pour celles et ceux qui l’ont terminé à maintes et maintes reprises sur Master System. Fausse idée…
UNE INERTIE PRONONCÉE
Alex Kidd in Miracle World DX permet, via une simple pression sur une touche, de repasser au jeu original (en haute résolution et avec les ajouts de 2021 en mode pixellisé) et il suffit de comparer les deux pour s’apercevoir du changement de gameplay. Même si le remake reste plutôt maniable, on ne peut que regretter l’inertie prononcée du personnage ainsi que les collisions vraiment perfectibles. Les phases de saut, notamment dans la forêt, sont plus délicates désormais et on perd des vies bêtement en frôlant simplement certains ennemis. Pour s’en convaincre, il suffit d’atteindre le niveau aquatique avec le passage de la pieuvre. On peut détruire ses tentacules, mais ce passage était assez difficile sur Master System. Cette fois, c’est encore pire et on a la désagréable sensation de ne pas tout contrôler. Lors de certaines séquences ou affrontements contre les boss (comme l’ours de la forêt), ce manque de précision est très problématique. Il y a certes des points de passage (checkpoints), évitant de recommencer le niveau dès qu’on perd une vie, mais les nerfs peuvent parfois être mis en rude épreuve. Sur la console 8-bits de SEGA, on peut avancer avec une certaine fluidité. Là, on a l’impression d’avancer par à-coups.
UNE PINCÉE DE NOUVEAUTÉS ?
Pour cette version de 2021, les développeurs ont jugé bon de proposer des niveaux inédits. L’intention est louable, mais ces stages n’ont rien d’exceptionnel sauf, peut-être, les dernières séquences du jeu (on vous laisse découvrir cela par vous-mêmes). Alex fait également des rencontres, censées apporter un peu de liant au scénario, mais l’apport de ces dialogues se révèle totalement anecdotique. Quant aux rixes contre les boss, elles ont aussi été modifiées. Sur Master System, lors de la seconde partie de l’aventure, ces derniers faisaient, par exemple, léviter leur tête pour attaquer le joueur. Désormais, ils envoient des projectiles, ce qui rend certains affrontements plus difficiles et moins inspirés. Toujours durant ces joutes, la phase de décision est marquée par un écran de transition « Jan-Ken-Pon » qui cache la scène ! Pourquoi ces changements ? Ces ajouts, un peu forcés, n’apportent rien à l’expérience. Ils ont même tendance à la diluer. Et alors qu’on aurait pu espérer de véritables bonus (interview du créateur de l’original, croquis préparatoires, vidéos making-of…), on doit se limiter un mode Boss Rush (succession de combats contre les boss de l’aventure) et à un mode Classique reprenant l’original avec la résolution de l’époque. Les options, quant à elles, se résument au minimum avec l’activation de vies infinies, de vibrations pour la manette… et c’est à peu près tout. On ne peut même pas configurer ses touches ! C’est peu, vraiment trop peu. Heureusement, la direction artistique et la bande sonore rattrapent les fausses notes.
UN BONBON POUR LES YEUX
La vraie qualité de cet épisode DX, c’est assurément sa réalisation. Le jeu Master System est sublimé par des personnages attachants, des décors pastel superbes et des musiques très réussies. Les environnements regorgent de petites animations (particules, météo…), les mouvements des protagonistes sont fluides et un certain dynamisme se dégage des actions du jeune Alex. Avec son enveloppe visuelle et sa direction artistique charmantes, Alex Kidd in Miracle World DX finit par séduire, mais ne fait pas oublier ses errances en matière de gameplay, son manque global d’inspiration et son contenu léger. Même si l’épisode original a vieilli et qu’il est beaucoup plus limité sur le plan technique, il ne souffre pas de la même imprécision. Un patch pour gommer ces défauts serait le bienvenu.
Points forts
- Des graphismes chatoyants
- Le design réussi
- Des musiques entraînantes
- Un remake après 35 ans d'attente
Points faibles
- Des changements discutables
- Commandes trop imprécises
- Les collisions avec les ennemis
- Un contenu beaucoup trop léger
- Aucun bonus marquant
Note de la rédaction
À la fois fidèle à son socle original et éloigné par ses changements, Alex Kidd in Miracle World DX n’est sans doute pas le remake que les fans du personnage pouvaient espérer. Certains estimeront que la progression est d'un autre temps, et ils n’auront pas tort, mais le plus gros problème vient des commandes imprécises et des collisions avec les ennemis. Avec sa réalisation très colorée et les thèmes musicaux de qualité, l’expérience reste correcte, mais moins marquante qu’escomptée.